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d'une force similaire, comme la fibre nerveuse et la fibre musculaire: Mayer a le mérite d'avoir exprimé l'idée de molécules organiques actives, de monades organiques, longtemps encore avant que l'observation eût fait constater une similitude complète d'origine et de structure primitive entre tous les tissus. J'avais aussi une idée vague de cette doctrine lorsqu'en 1833 je cherchai à expliquer par la division du germe la régénération des polypes et planaires coupés en morceaux, et la production des monstres doubles. Purkinje s'est également trouvé conduit par ses recherches de fine anatomie à concevoir l'existence de particules élémentaires indépendantes au service de l'organisme. L'ouvrage de Schwann (1) fournit les matériaux nécessaires pour élever une théorie générale des êtres organisés.

Monades dans le sens des métaphysiciens.

Le sens que j'ai donné à l'expression de monades organiques diffère beaucoup de celui qu'Herbart y attache (2). Suivant ce métaphysicien, l'âme est un être simple, sans parties, sans étendue, sans pluralité, une monade, et la matière se compose d'atomes ou monades, c'est-à-dire d'être simples, actifs, sans étendue, qui existent dans l'espace, sans y former quelque chose de continu, et qui sont en équilibre d'attraction et de répulsion réciproques, ce qui leur fait acquérir l'apparence d'un corps possédant de l'étendue. La matière n'est impénétrable qu'à l'égard des êtres qui ne sont pas capables de modifier son équilibre d'attraction et de répulsion mutuelles. Tout être organisé est un système de monades, renfermant elles-mêmes un système d'états inférieurs qui proviennent de leur réciprocité d'action les unes sur les autres. Cette réunion, déterminée par la Providence, est la cause de la forme d'un corps organisé. Dans le germe, il y a concentration du système entier des états intérieurs, sans la configuration correspondante. Le conflit entre l'âme et le corps est donc une action exercée par une monade pensante sur les états intérieurs des autres, et vice versa. La monade qui conçoit les idées, et qui, à l'instar de toutes les monades d'Herbart, ne peut être considérée que comme un point mathématique, n'a pas besoin d'un siége fixe dans le cerveau: elle peut se mouvoir dans un certain espace, sans qu'elle-même ait le moindre soupçon de ce mouvement dans ses idées, et sans que l'anatomie en puisse faire découvrir aucune trace; mais la variabilité de son siége peut être regardée comme une hypothèse très féconde pour expliquer les anomalies de l'esprit. Herbart fait remarquer, en outre, qu'on n'aurait aucun motif d'admettre que le siége de l'âme est le même chez les animaux et chez l'homme. Il est probablement établi dans la moelle épinière chez les animaux, ceux surtout des classes inférieures. Mais il ne faut pas non · plus supposer que chaque animal n'a qu'une seule âme. Le contraire est vraisemb'able pour ceux qui, après avoir été coupés, continuent de vivre dans chacun des segments, et il se pourrait très bien que le système nerveux de l'homme renfermat beaucoup d'éléments dont la constitution fût très supérieure à l'âme des

́1) Mikroscopische Untersuchungen ueber die Uebereinstimmung in der Struktur und im Tachsthum der Thiere und Pflanzen. Berlin, 1838.

(2) Lehrbuch zur Psychologie, p. 122, 133.

animaux appartenant aux basses classes. Au reste, la vie persiste pendant quelque temps sans âme dans les parties qui ont été séparées du tout organique.

Bobrik (1) prend également cette doctrine pour point de départ, et il l'applique d'une manière très conséquente à l'explication des phénomènes organiques. Pour que l'unité, la totalité et l'adaptation au but proposé pénètrent la mobilité des forces vitales, il y a nécessité, suivant lui, d'une monade dominante, qui réunisse en un système les agrégations de monades préparées à la mobilité organique. Cette monade dominante est la forme, au sens propre. Parmi les différentes parties qui se développent graduellement, il s'en trouve quelques unes qui atteignent une telle perfection d'états intérieurs qu'elles peuvent devenir elles-mêmes les formes de nouveaux organismes futurs, ou les semences pour la propagation.

Si l'on appliquait cette doctrine aux corpuscules actifs ou parties élémentaires organiques des corps organisés, chacun de ces corpuscules serait, dans le corps organique, un système d'atomes actifs, susceptible de se produire et de se détruire, c'est-à-dire n'ayant qu'une durée limitée, sans cependant que les atomes actifs (monades dans le sens d'Herbart) fussent destructibles.

Manifestation de l'âme dans l'organisation du cerveau.

L'hypothèse d'Herbart, relativement aux monades et à la matière, explique l'action de l'âme sur la matière, sans que cette âme soit elle-même matière, puisqu'il ne s'agit là que d'un être simple agissant sur d'autres êtres simples. Mais, quand on cherche à expliquer la formation dans la monade mentale d'idées d'objets qui occupent de l'étendue dans l'espace, en conséquence de changements survenus dans des parties de l'organisme, et l'action de cette même monade sur des sommes entières de fibres organiques, on rencontre des difficultés insolubles. Le problème de tous les temps a été de concevoir comment l'affection de parties du corps occupant une certaine position relative, par exemple celle des particules de la rétine rangées les unes à côté des autres, peut procurer à l'àme, qui est simple et non composée des parties, la perception d'objets ayant de l'étendue dans l'espace et une forme particulière. En effet, pour ce qui concerne la vue, toute perception d'objets ayant de l'étendue dans l'espace dépend de ce que les différents points de la rétine

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sont perçus avec les mêmes relations de contiguïté que celles qui existent réellement entre deux. La difficulté est la même quand on prend le toucher pour exemple; car la faculté de distinguer, au moyen de ce sens, la contiguïté des choses extérieures, c'est-à-dire leur forme et les autres qualités dont elles sont redevables à leur étendue dans l'espace, ne nous appartient que parce que le toucher nous procure la perception de la contiguïté des parties de notre propre corps. L'appareil (1) System der Logik. Zurich, 1838.

tout entier de la vue est calculé pour que la situation relative des objets placés à distance de nous soit exactement représentée sur la surface étendue de la rétine. Mais, si l'âme est une substance qu'on ne puisse concevoir que comme un point mathématique, n'ayant rien à faire avec l'espace, comment l'idée d'objets placés à côté les uns des autres ressort-elle de l'affection simultanée de certains points contigus de la rétine? On peut sans doute imaginer qu'une pareille monade reçoive en quelque sorte des impulsions de tous côtés, et que des impulsions qui lui sont données par d'autres monades résulte l'idée de position dans l'espace; mais rien, dans l'organisation du cerveau, ne nous autorise à supposer que toutes les impressions reçues par les sens se concentrent ainsi en un point unique. Ce qu'il y aurait de plus simple, en admettant l'hypothèse d'Herbart, serait de dire que nous ne pouvons, à l'aide de notre corps, obtenir aucune sensation de contiguïté ou de position, et c'est effectivement ce qu'on a fait plus d'une fois. Steinbuch (1) refusait aux sens la faculté de nous procurer la notion de l'espace, et prétendait que le mouvement seul pouvait nous la fournir. La rétine, disait-il, ne perçoit pas la relation de contiguïté ou de position dans ses particules, et cette perception nous vient par les mouvements des muscles oculaires. Un point éclairé de la rétine devient une ligne lumineuse par la contraction d'un muscle dont nous avons la conscience, et, pour que d'autres parties de la rétine soient éclairées, il faut d'autres degrés de contraction des muscles. Ainsi ce qui est différence d'espace sur la rétine en devient une de temps, eu égard aux contractions qui sont nécessaires pour exposer différentes parties de la rétine l'une après l'autre à une même lumière. Tous les points de la rétine sont en relation avec certains degrés de contraction des muscles oculaires, et de là résulte que, par l'effet de l'éducation, l'illumination et la sensation de points particuliers de la membrane sont liées tacitement à la conscience des degrés de contraction qui correspondent à ces points. Cependant, lorsqu'on pousse plus loin l'analyse de cette hypothèse, on s'aperçoit qu'elle suppose une chose complétement impossible; car, si les points de la rétine ne diffèrent pas de nature à l'égard les uns des autres, il n'y a pas moyen non plus qu'on les reconnaisse pour distincts, et, sans une différence dans la qualité de leur sensation, il n'est pas possible qu'aucun quantum de contraction se combine, dans la mémoire, avec une particule de la rétine. Effectivement Tourtual, qui nie la sensation immédiate de l'étendue de l'organisme, admet que l'âme reçoit de toutes les parties du corps des sensations qui diffèrent quant à la qualité, et que de là naît la possibilité pour nous de distinguer ces parties les unes des autres. Mais, si l'on réfléchit qu'un animal nouveau-né reçoit sur-le-champ, par le sens de la vue, des intuitions de position et de forme, puisqu'il se dirige vers la mamelle de sa mère, je crois qu'on ne saurait contester qu'avant toute éducation l'espace peut être perçu, comme tel, dans la rétine. Cependant, si l'âme est capable de distinguer la contiguïté ou la position relative des diverses parties du corps, on ne conçoit pas comment cette faculté appartiendrait à une monade qui n'occupe qu'un point. Quand bien même la monade pourrait aller et venir d'une partie à l'autre de la rétine, et par ses excursions en tous sens se former une somme des changements qu'elle-mème aurait subis pendant leur cours, cependant l'hypothèse ne se concilierait pas bien avec l'exis

(1) Beitrage zur Physiologic der Sinne. Nuremberg, 1811.

tence simultanée de plusieurs parties dans une sensation, avec la possibilité de percevoir immédiatement l'étendue, déterminée en surface, d'une sensation. L'opinion la plus probable serait que l'âme est présente à la fois dans toutes les parties du cerveau, sans pour cela être composée elle-même de parties, et que c'est par sa présence générale qu'elle aperçoit les différences de forme et de position dans les impressions faites sur les sens. Mais il faut bien nous garder de voir là une explication; car nous n'en demeurons pas moins hors d'état de comprendre comment les parties matérielles contiguës des organes sensoriels, qui, dans tous les cas, sont la cause de toute intuition d'espace en ce qui concerne les sensations procurées par les sens, peuvent être distinguées les unes des autres par l'âme. Quand bien même on supposerait que les particules matérielles contiguës de la substance sentante des organes sensoriels sont représentées dans l'âme comme des points qui se repoussent mutuellement, ce ne serait là qu'une image, une expression figurée, et la conversion des particules organisées en idées serait tout aussi difficile ou impossible à concevoir que la relation entre l'âme et l'organisation en général.

Il est facile de trancher le nœud en disant que l'organisation et la pensée ne sont qu'une même chose sous des noms différents, que la matière et l'esprit ne sont que des manières diverses d'envisager une seule et même chose, et qu'en réalité il n'y a point de différence entre eux. Mais le cerveau demeure toujours une pluralité de parties organisées; à cet égard, il a un mécanisme extrêmement compliqué, qui, nullement nécessaire pour l'état latent de l'âme dans le germe, l'est pour les effets qu'elle doit produire dans l'organisation, et il n'y a aucun moyen pour nous de concevoir comment l'âme se sert de ce mécanisme si compliqué à la fois et si délicat.

Si j'ai essayé de répandre quelque lumière sur les choses qui sont hors du domicile des investigations physiologiques, et dont il appartient à la philosophie, en supposant qu'on puisse jamais y parvenir, de nous donner une idée claire, c'est qu'il m'a semblé que la physiologie ne doit pas renoncer à analyser, autant qu'il est en elle, les questions qui se lient au domaine d'autres sciences, et qu'elle est tenue de soumettre au creuset de la critique les résultats des recherches spéculatives qui tendent à nous rapprocher de la vérité. Je profite de l'occasion pour m'en référer encore aux systèmes cosmologiques dont j'ai donné un court aperçu au commencement de cette section; ces systèmes et la monadologie philosophique qui vient après eux, complètent le cercle des conceptions les plus générales auxquelles il soit possible de s'élever touchant de semblables objets (1).

(1) Je mets sous les yeux du lecteur une théorie subjective du cerveau, due à M. Auguste Comte, destinée à remplacer l'admirable, mais tout à fait insuffisante, théorie de Gall, et publiée sous le titre de :

Classification positive des dix-huit fonctions intérieures du cerveau, ou tableau systématique de l'âme.

L'ensemble de ces dix-huit organes cérébraux constitue l'appareil nerveux central, qui, d'une part, stimule la vie de nutrition, et, d'une autre part, coordonne la vie de relation en liant ses deux sortes de fonctions extérieures. Sa région spéculative communique directement avec les nerfs sensitifs, et sa région active avec les nerfs moteurs. Mais sa région affective n'a de con

CHAPITRE II.

Des phénomènes du conflit entre l'àme et l'organisme.

Dès que la structure du cerveau a été produite par la force du germe, et que les sens entrent en action, il commence à se développer des idées, ou des effets de l'âme, et, de même qu'on peut dégager de la lumière d'un corps en le percutant ou lui faisant subir un changement d'état, de même les phénomènes intellectuels varient en raison des changements qui surviennent dans l'organisation et la matière du cerveau. D'un autre côté, les opérations de l'esprit, quoiqu'elles suivent en quelque sorte pas à pas l'organisation du cerveau, peuvent également déterminer des changements dans l'organisation et la matière constituante de ce viscère, et par suite aussi dans celles des autres parties vivantes du corps sur lesquelles s'exerce sa domination. Les idées simples ou générales ne sont pas composées de parties, mais elles se développent néanmoins dans la matière organisée, qui est divisible, et leur clarté dépend absolument de la condition de cette matière divisible.

Il suit de là que tous les effets de l'âme sur l'organisme tiennent immédiatement à l'influence qu'elle exerce sur l'organisation cérébrale, au moyen de laquelle seule elle peut passer de l'état latent à l'actualité; qu'ils s'étendent, par une sorte nexités nerveuses qu'avec les viscères végétatifs, sans aucune correspondance immédiate aver le monde extérieur, qui ne s'y lie qu'à l'aide de deux autres régions.

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AIMER, PENSER, AGIR (AGIR PAR AFFECTION, ET PENSER pour agir).

Instincts
de la conservation

INTÉRÊT..

AMBITION.

Spéciaux..

Général,

CONCEPTION..

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Instincts

de perfectionnement

Principe.

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Temporelle, ou Orgueil, besoin de domination.

Spirituelle, ou Vanité, besoin d'approbation..

ATTACHEMENT.

VÉNÉRATION

| BONTÉ, ou amour universel (sympathie), humanité..

Passive, on Contemplation,
d'où matériaux objectifs,

Moyen.

Active, ou Méditation, d'où constructious subjectives.

Egoisme.

AL

truisme.

Concrète, ou relative aux êtres, essen

tiellement synthétique.

Abstraite, ou relative aux événements,
essentiellement analytique.

Inductive, ou par comparaison, d'où
Généralisation.

Déductive, ou par coordination, d'où
Systématisation.

·EXPRESSION. | Mimique, orale, écrite, d'où Communication,

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EXÉCUTION

(le carac.) lère).

É. L.

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