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énergie or une contraction physique analogue survient, après la mort, dans des parties non musculeuses, telles que la peau, le tissu cellulaire, les membranes et les ligaments. Orfila, Béclard et Treviranus rapportent la rigidité cadavérique

observer l'existence chez les individus foudroyés. C'est ce qui sera rendu manifeste par les chiffres suivants, résultant d'expériences comparatives très nombreuses.

On enlève le cœur sur cinq mammifères ( lapins ou cobayes) de même espèce, de même âge et, autant qu'on en peut juger, de même force. On en laisse un de côté sans y toucher, et l'on soumet les quatre autres au passage d'un courant électro-magnétique de force différente pour chacun des quatre animaux. Voici les curieux résultats qu'on obtient alors relativement à la rigidité cadavérique. Le premier animal ne devient rigide qu'au bout de dix heures ; sa rigidité est excessivement énergique et dure huit jours. Les quatres animaux soumis à l'électro-magnétisme présentent les différences suivantes : 1o Celui qui a été soumis au courant le plus faible devient rigide au bout de sept heures, et sa rigidité dure six jours; 2o celui qui a reçu un courant un peu plus fort, mais moins énergique que les courants employés sur les deux suivants, devient rigide au bout de deux heures, et sa rigidité dure trois jours; 3o celui qui a été soumis à un courant plus puissant que le second, mais moins fort que le courant appliqué au suivant, devient rigide au bout d'une heure, et la rigidité dure vingt heures; 4o celui qui a été soumis au courant le plus fort devient rigide en sept minutes, et sa rigidité ne dure que quinze mi

nutes.

Maintenant, si l'on tient compte de ceci, que la durée de la rigidité cadavérique se trouve, chez le troisième animal électrisé, quatre-vingt fois ce qu'elle est chez le quatrième, tandis que le courant n'a guère été que deux fois aussi fort dans le dernier cas que dans le précédent, n'est-il pas infiniment probable que l'action de la foudre, qui est considérablement supérieure à notre plus forte action électro-magnétique, devra réduire la rigidité cadavérique à une durée de quelques secondes au plus, ou même d'une minime fraction de seconde? En outre, comme l'électro-magnétisme, en augmentant de force, hâte d'autant plus l'apparition de la rigidité, à ce point qu'entre les deux derniers cas cités, il y a la différence de sept à soixante minutes, ne doit-on pas admettre que la rigidité chez les individus foudroyés survient aussitôt après la mort ? Les convulsions ou mieux la roideur tétaniforme, si prodigieusement fortes et si promptement terminées, que la foudre engendre, ne doivent-elles pas être suivies immédiatement par une rigidité très faible et terminée incontinent ? S'il en est ainsi, Hunter et Himly ont eu tort sans doute de dire que la rigidité n'a pas lieu chez les individus foudroyés; mais leur observation n'en est pas moins exacte: ils n'ont pas vu la rigidité et ils ne pouvaient pas la voir, puisqu'elle ne doit pas être observable. D'un autre côté, les auteurs qui ont nié la justesse de leurs observations se sont trompés aussi en affirmant que la rigidité devait exister, dans le cas en question, de manière à pouvoir être constatée comme après les autres cas de mort subite ou lente. Quant à l'expérience de Sommer, elle ne prouve rien, si ce n'est que les décharges électriques qu'il a employées étaient beaucoup moins puissantes que la foudre. De plus, si Sommer avait comparé la rigidité cadavérique du chien qu'il a tué par l'électricité avec la rigidité d'un chien tué par hémorrhagie ou par asphyxie, il aurait vu qu'elle survient plutôt chez le premier que chez le second, et il n'aurait pas dit que la rigidité survient tout aussi promptement qu'à l'ordinaire chez un chien tué par l'électricité.

Plus tard (ib., p. 154), M. Brown-Séquard a rendu compte de nouvelles expériences confirmatives de sa manière de voir : 1o Un des membres postérieurs d'un lapin avait été soumis pendant une demi-heure à l'action d'un courant électro-magnétique énergique, et, aussitôt après, l'animal avait été tué. Deux heures et demie après, on pouvait constater, sur le train postérieur de ce lapin, que la rigidité cadavérique existait déjà dans le membre galvanisé, tandis que l'autre membre était encore tout à fait souple. Après deux heures de plus, la rigidité durait encore, mais elle avait beaucoup diminué dans le membre galvanisé, tandis qu'elle commençait à peine dans l'autre. Huit jours après, de ces deux membres, le premier était en pleine putréfaction, le second possédait encore la rigidité cadavérique. 2o Sur un autre lapin, on enlève les membres antérieurs, et l'on fait passer par l'un d'eux un courant électro-magnétique puissant. On constate que l'irritabilité musculaire diminue peu à peu, et l'on n'en trouve plus de traces au

à la coagulation du sang. Sommer juge cette explication inexacte, parce qu'une forte roideur se déclare quelquefois avant la coagulation du sang, ou quand cette coagulation est incomplète. Le sang demeure souvent liquide chez les noyés, où la rigidité cadavérique est considérable: il en est de même des hommes et des animaux que l'acide cyanhydrique a fait périr. Cependant Sommer reconnaît l'analogie des deux phénomènes : la coagulation est la mort du sang, et la roideur celle des muscles. Je ne pense pas que l'hypothèse de la production du phénomène par la coagulation du sang dans les petits vaisseaux soit réfutée. Nul doute que la coagulation du sang et de la lymphe, dans les capillaires sanguins et lymphatiques, ne doive accroître la cohésion des muscles, et tout se réduit à savoir si cette augmentation de cohésion suffit seule pour rendre raison des phénomènes de la rigidité. Quoiqu'il n'y ait pas moyen de prouver qn'elle est suffisante, cependant l'hypothèse explique très bien comment la coagulation du sang doit amener plus tard une diminution de la cohésion, qu'elle avait d'abord accrue. En effet, la coagulation du sang et de la lymphe est telle, d'abord, que la masse entière de ces liquides devient ferme et semblable à une gelée. Plus tard, et souvent même seulement au bout d'un laps de temps très long, le caillot fibrineux qui emprisonnait les parties liquides se resserre tellement, qu'il chasse le sérum de ses interstices. Dès que ce phénomène a eu lieu dans le sang et la lymphe coagulée des petits vaisseaux, la cohésion de toutes les parties doit diminuer. La coagulation du sang et de la graisse, après la mort des animaux à sang chaud, rend les parties. plus cohérentes; mais la première seule contribue plus tard à faire disparaître l'excès de cohésion qu'elle avait d'abord déterminé, car la graisse conserve son état solide. Cependant je suis loin de regarder cette hypothèse comme absolument exacte, et d'y attacher mon nom; je veux seulement dire que l'état des choses semble donner à penser qu'elle pourrait être vraie, et que, si rien ne la démontre jusqu'à présent, rien non plus ne s'élève contre elle. Si l'on parvenait jamais à établir d'une manière certaine que la rigidité cadavérique dépend d'une contractilité physique des fibres musculaires mourantes, qui cesse au moment de la décomposition, le phénomène aurait plus d'analogie avec la contraction physique qui fait que la fibrine déjà coagulée se réduit en un corps plus petit et plus solide (1).

bout de dix minutes; la rigidité commence dès lors à se montrer, mais très faible. L'autre membre conserve encore l'irritabilité musculaire à un degré considérable. Au bout d'une demi-heure, la rigidité a disparu dans le membre galvanisé, tandis qu'elle n'existe pas encore dans l'autre. Elle n'y est survenue que quatre heures et demie après qu'elle eut cessé dans le membre galvanisé. Huit jours après, de ces deux membres, celui dont la rigidité n'avait duré qu'une demiheure était dans un état de putréfaction très avancé ; l'autre était encore rigide. 3o Un cochon d'Inde fut tué par l'électro-magnétisme; on continua, pendant dix minutes après sa mort, à faire passer le courant de la tête à l'anus; lorsqu'on l'interrompit, la roideur existait déjà dans les muscles du cou et dans ceux de la face, des mâchoires et du tronc. Deux minutes plus tard, la rigidité survint dans les membres. Au bout d'une demi-heure, les membres étaient redevenus souples. É. L.

(1) E. Bruecke (MUELLER'S Archiv, 1842, p. 178) a combattu l'hypothèse de Sommer quant à la cause de la roideur cadavérique. It attribue ce phénomène à la coagulation de la fibrine qui arrive à la substance musculaire pour en opérer la nutrition. A la vérité, Wæhler n'a pas pu exprimer de fibrine des muscles; mais il avait opéré sur ces organes longtemps après la mort,

CHAPITRE IV.

Des causes du mouvement animal,

Lorsqu'on recherche les causes du mouvement des molécules organiques solides, il faut d'abord distinguer les mouvements de parties dépourvues de nerfs, et ceux qui ont lieu avec conflit entre le tissu contractile et le système nerveux. Les mouvements des plantes sont dans le premier cas, et peut-être aussi ceux de quelques parties non musculeuses des animaux.

Les premières traces de contractilité organique, à l'état le plus simple, nous sont offertes par les oscillaires, filets entrelacés dans lesquels on n'aperçoit aucune composition de structure, et qui consistent en des tubes pleins de petits grains disposés en lignes et serrés les uns contre les autres. A certaines époques du développement de la plante, ces petits grains sont chassés hors du tube, qui ne perd pas pour cela sa contractilité. J'ai observé au microscope les flexions lentes, mais prononcées, de ces filaments. La simplicité de la structure les rend d'une haute importance pour la théorie du mouvement organique. Lorsque les filaments commencent à se mouvoir, ils s'inclinent insensiblement et lentement vers l'un des côtés; puis, au bout de quelque temps, ils se redressent, et ensuite se penchent du côté opposé les corpuscules qu'ils renferment demeurent dans un repos parfait. Comme ces mouvements ont lieu sans attraction de la part des filets voisins, et qu'on ne remarque ni circulation ni déplacement de liquide dans l'intérieur des tubes, il n'y a qu'une seule manière de les concevoir; on doit admettre que les molécules des parois du filament se rapprochent en vertu d'une excitabilité qui augmente tantôt d'un côté et tantôt de l'autre côté du filament, et que les parois de celui-ci se condensent alternativement d'un côté et de l'autre, ou qu'elles attirent plus d'eau, d'abord d'un côté, puis de l'autre, ce qui détermine en elles un état alternatif de gonflement et d'affaissement. L'idée d'une crispation, d'un frisement, ne se concilie nullement avec ce qu'on voit se passer sous les yeux.

Les mouvements spontanés et rhythmiques du sainfoin oscillant, qui ont lieu sans le concours d'aucun stimulus extérieur, nous offrent le même phénomène dans un végétal plus avancé quant à la structure. Ici également il faut que, par l'effet de causes internes, l'excitement s'accroisse tantôt d'un côté et tantôt de l'autre côté du tissu contractile de la base des pétioles, et que de là résulte ou un rapprochement des molécules, ou une turgescence alternative déterminée par des liquides intérieurs.

Dans les mouvements de la sensitive, cet excitement peut être aussi provoqué par des excitations du dehors, et tout porte à croire qu'il dépend de l'attraction des globules disposés en lignes dans le tissu cellulaire du bourrelet, globules qui, d'après Dutrochet, sont creux.

Le temps n'est point venu de rechercher les causes du mouvement vibratile des

et l'insuccès de ses tentatives ne prouve pas que la fibrine n'était point liquide encore à une épo⇒ que moins avancée. Il faudrait donc répéter l'expérience sur les muscles d'un animal immédiatement après sa mort, (Note du trad.)

animaux, puisque nous ne connaissons pas même le mécanisme à l'aide duquel il s'accomplit. La seule chose dont nous soyons certains, c'est qu'il ne dépend point du système nerveux.

On peut rapprocher, jusqu'à un certain point, de ces mouvements, ceux qui ont lieu dans le tissu cellulaire ou dans le tissu contractile susceptible de se résoudre en colle, et qui succèdent si facilement aux irritations portées sur le tissu luimême, notamment à l'action du froid ou du chaud et aux impressions mécaniques. Ceux-là ressemblent encore à ceux des végétaux, en ce sens que l'électricité n'excite ni les uns ni les autres : cependant ils ne sont plus tout à fait indépendants du système nerveux. La contractilité de la peau et du dartos n'est pas seulement mise en jeu par des irritations du dehors; elle l'est fréquemment aussi par des causes internes, qui résident dans le système nerveux. Le dartos se fronce souvent dans des cas où l'on ne peut méconnaître une irritation nerveuse dans les parties génitales, où le crémaster lui-même entre en action, et la crispation de la peau se manifeste fréquemment sous l'influence d'affections non moins patentes du système nerveux, par exemple avec frisson, c'est-à-dire à la fois comme sensation et comme mouvement musculaire. Cependant, parce que nous éprouvons un grand embarras, dans des mouvements si difficiles à analyser, pour évaluer la part qui revient au système nerveux, notre attention se dirige tout entière vers les muscles, où le conflit de ce système avec le tissu contractile se manifeste de la manière la plus évidente. Le raccourcissement du tissu contractile susceptible de se réduire en colle est probablement dû à une sorte de crispation, effet elle-même de l'attraction mutuelle des particules aliquotes des fibres.

La faculté qu'ont les muscles de se contracter est unie par les liens les plus intimes à deux influences diverses, celle du sang et celle des nerfs.

Influence du sang.

Stenson a fait voir le premier que les muscles cessent leurs mouvements lorsque le sang, particulièrement le sang artériel, n'y afflue plus. On observe quelquefois ce phénomène, chez l'homme, après la ligature d'un gros tronc artériel; les muscles deviennent sourds, en totalité ou en partie, aux ordres de la volonté, jusqu'à ce que la circulation collatérale se soit peu à peu établie. Arnemann, Bichat (1) et Emmert ont constaté ce fait (2). Ségalas (3) et Longet (4) ont vu la ligature de l'aorte abdominale entraîner une telle faiblesse des membres postérieurs, qu'au bout de huit à dix minutes l'animal pouvait à peine les traîner après lui (5). On ne s'est point encore occupé de rechercher si la nécessité du sang dépend de ce qu'il

(1) Anatomie générale. Paris, 1812, t. III, p. 279. (2) TREVIRANUs, Biologie, t. V. p. 281.

p. 284.

(3) MAGENDIE, Journal de physiologie, 1824, t. IV, | (4) Mém. sur les condit. nécess, à l'entretien et à la manifestation de l'irritabil. musculaire. Paris, 1841. Consultez aussi ENGELHARDT, De vita musculorum observationes et experimenta. Bonn, 1841.

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(5) De plus, Longet s'est appliqué, dans ses expériences, à déterminer rigoureusement la durée de l'irritabilité musculaire dans les muscles qui ne reçoivent plus de sang artériel, et il a constaté que, chez des chiens adultes, cette durée moyenne était de deux heures et un quart dans les muscles de la jambe, après la ligature de l'aorte abdominale. (Note du trad.)

alimente la contractilité des muscles, ou de ce qu'il entretient l'influence des nerfs servant à la volonté (1). Treviranus adopte la première des deux hypothèses, se fondant sur ce que la division des troncs artériels des membres en un grand nombre de branches anastomosées ensemble, chez quelques animaux grimpeurs (Bradypus, Lemur), semble avoir pour but de mettre la circulation du sang à l'abri de tout dérangement pendant les efforts des muscles (2). Vraisemblablement le sang est nécessaire pour les deux objets; cependant il est certain que, même après la suspension totale de la circulation chez les animaux mis à mort et dans les membres séparés du corps, les nerfs sont encore susceptibles, quand on les irrite, de déterminer les muscles à se contracter, comme les muscles cux-mêmes sont aptes à le faire lorsque l'irritation agit immédiatement sur eux. La ligature d'une artère ne supprime pas l'influence tout entière du sang, puisqu'il existe encore une certaine quantité de ce liquide dans les plus petits vaisseaux de muscles; mais elle s'oppose à ce que de nouveau sang artériel afflue vers les muscles et les nerfs. Les expériences de Ségalas font voir aussi que la simple suspension de la circulation, déterminée par la ligature de la partie inférieure de la veine cave, diminue la force motrice. Il est donc certain que le sang artériel subit, dans les organes du mouvement, un changement qui, le rendant veineux, ne lui permet plus d'entretenir les facultés de ces organes comme il faisait auparavant, et que l'organe moteur ne conserve la plénitude de sa contractilité qu'à la condition de se trouver continuellement sous l'influence du sang artériel. C'est ce dont on acquiert d'ailleurs la preuve en considérant les phénomènes qui ont lieu dans les cas de cyanose, où la persistance du trou de Botal, celle du trou ovale, l'étroitesse de l'artère pulmonaire, etc., obligent les deux sangs de se mêler ensemble, ou ne permettent pas au sang artériel de se former complétement. Les sujets atteints de cette anomalie sont incapables de grands efforts musculaires. Chez les reptiles, l'influence du sang sur les nerfs et les muscles est moins nécessaire pour l'accomplissement des mouvements volontaires. Les grenouilles conservent l'influence de la volonté sur leurs muscles après qu'on leur a enlevé le cœur; elles meuvent même volontairement leurs membres amputés jusqu'aux nerfs exclusivement. J'ai trouvé les muscles d'un de ces animaux irritables encore après que j'eus chassé tout le sang des vaisseaux au moyen d'un courant d'eau poussé par les artères et revenant par les veines.

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(1) Cons. à ce sujet le Mémoire de Longet sur l'irritabilité musculaire. Erichsen (Lond. med. Gaz., 4842, p. 561 ) a lié les vaisseaux coronaires du cœur chez des chiens et des lapins asphyxiés dont la respiration était entretenue par des moyens artificiels. L'action du cœur cessa bien plus vite que de coutume, savoir: terme moyen, 23 1/2 minutes après la ligature, et 32 après l'asphyxie. Quand la veine coronaire, demeurée ouverte, permettait au sang veineux de s'écouler, comme alors le cœur se vidait complétement de sang, il cessait de battre 12 minutes après la ligature et 18 après la mort. La ligature de l'aorte, qui faisait que le sang arrivait au eœur en bien plus grande abondance que de coutume, prolongeait la durée de ses battements, qui était alors de 82 minutes. (Note du trad.)

́2) Les réseaux admirables sont aussi communs dans des parties non musculeuses que dans des parties musculeuses. Parmi les premiers, on distingue celui de la carotide interne des ruminants, et celui qui a été découvert par Eschricht et moi à la veine porte da thon. Ce dernier est le plus considérable de tous.

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