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bois, le carton, les métaux ont des qualités de son différentes. Ces qualités paraissent dépendre, en partie de la forme de l'onde, en partie de l'isochronisme d'ondes animées d'une vitesse diverse. Un corps, quand il n'a pas la même élasticité dans tous les sens, peut aussi, lorsqu'on l'ébranle, produire, en différents endroits, des ondes de longueur différente, qui se transmettent, à un plus ou moins long intervalle l'une de l'autre, du corps résonnant au corps conducteur du son, et qui communiquent à ce dernier une onde composée, de forme particulière. Cette onde composée, ou la somme d'ondes, arrive à l'organe auditif dans le même ordre et dans la même forme qu'elle avait en traversant le milieu conducteur, puisque toutes les vibrations sont propagées avec une égale vitesse par un corps conducteur du son. Ce qui contribue encore à la qualité du son, c'est qu'un corps peut accomplir en même temps une vibration transversale et une vibration longitudinale. Une corde pincée près de son extrémité, et abandonnée à elle-même, exécute des vibrations transversales dans toute sa longueur, tandis qu'en même temps la crète de l'onde court alternativement d'un bout à l'autre, en revenant chaque fois de l'autre côté de la corde. De là vient que la qualité du son d'une même corde varie un peu, à égalité de longueur et de tension, suivant le point où l'on pince cette cordc. Enfin Pellisov et Eisenlohr pensent que la forme de l'onde est modifiée aussi par la densité du corps résonnant. Dans un corps dense, l'excursion de la vibration est moindre que dans un corps qui a moins de densité. Les molécules d'air qui le touchent sont repoussées par lui d'une manière plus isochrone, et l'espace raréfié qu'il laisse en se contractant est plus étroit. Enfin, lorsque la densité du corps résonnant n'est point uniforme, la condensation communiquée à l'air, et la raréfaction qui y succède, ne doivent pas l'être non plus.

Quand plusieurs ondes se succèdent l'une à l'autre, il se produit un son plus ou moins soutenu, qui est tantôt un bruit, et tantôt un son proprement dit ou appréciable. Une succession de sons égaux ou inégaux dans des temps inégaux donne lieu au bruit (cliquetis, grattement, bourdonnement, etc.). Une succession de sons simples ou de bruits dans des temps égaux n'est point perçue comme son proprement dit, tant qu'on distingue encore chacun des ébranlements; il ne résulte de là qu'un bruissement. Dès qu'on ne peut plus distinguer les ébranlements, il y a son proprement dit, dont l'élévation ou l'acuité varie suivant la vitesse avec laquelle se succèdent les ébranlements: c'est ce qu'on apprécie très bien avec la rone de Savart, dont les dents ne produisent que du bruit aussi longtemps qu'on peut distinguer les chocs; mais, lorsque ceux-ci se succèdent plus vite, les bruits se confondent en un son, quoiqu'on puisse encore continuer d'entendre le bruit. D'où il suit que ce n'est pas seulement une succession régulière d'ondes simples, mais encore une succession régulière d'ondes très composées ou bruyantes, qui devient un son musical.

Un son éclatant est celui que produisent des ondes simples, d'une force suffisante, sans ondes irrégulières intermédiaires, c'est-à-dire sans bruit. La qualité de l'éclat, ou le timbre d'un son dépend des mêmes causes que la qualité du son simple: il n'y a de plus ici que la succession régulière des ondes.

III. MOUVEMENT ONDULATOIRE DANS LA PROPAGATION DU SON.

A. Ondes progressives dans la propagation du son.

La propagation des vibrations de corps résonnants a lieu, généralement, par des ondes de condensation et de raréfaction, et non par des ondes d'inflexion. L'eau aussi conduit les ondes sonores de cette manière. Ce mode de mouvement est donc totalement différent des ondes d'inflexion de l'eau.

Un ébranlement communiqué à l'air, à partir d'un point, et dans toutes les directions, détermine une onde sphérique d'air condensé, ayant la forme d'une boule creuse, qui s'étend d'une manière uniforme en tous sens, et conserve par conséquent sa forme sphérique. Une sphère qui se dilaterait tout à coup dans l'air produirait une onde de ce genre. Les molécules de l'air, repoussées par la boule qui se distend, acquièrent un mouvement correspondant à cette distension dans la direction du rayon, et, pendant le moment qui succède immédiatement, lorsque la boule, revenant sur elle-même, détermine une réfraction à sa périphérie, elles y acquièrent un mouvement en sens inverse. Toutes les molécules de l'air à travers lequel passe l'onde sphérique acquièrent aussi le même mouvement. Mais l'amplitude de l'excursion que ces molécules font en avant et en arrière, et qui, en la comparant avec les ondes de l'eau, correspond à l'élévation de la protubérance de l'onde, diminue à mesure que l'onde s'avance, tandis que l'épaisseur de celle-ci demeure la même pendant son expansion, absolument de même qu'une onde sphérique produite sur l'eau s'abaisse, tout en conservant la même largeur, à mesure qu'elle prend de l'extension. La sphère creuse de l'onde progressive croît donc en raison proportionnelle des carrés de son diamètre. La protubérance de l'onde diminue dans le même rapport : c'est ce qui fait que l'intensité du son diminue à l'air libre, en raison de l'accroissement des carrés des distances comprises entre l'onde sonore et le lieu de son origine. Il n'y a pas de motif pour que ce décroissement ait lieu à l'égard du mouvement ondulatoire de l'air dans un tuyau.

Si le corps ébranlant ou vibrant ne communique point à l'air libre un choc en tous sens, comme ferait une sphère qui se dilaterait, mais s'il ne lui en donne que dans une seule direction, l'onde résultant de là est également sphérique, tout comme une onde, déterminée sur l'eau par un choc en un seul sens, n'en marche pas moins dans toutes les directions, et affecte conséquemment une forme circulaire. Cependant la grandeur de la protubérance de l'onde, ou l'amplitude de l'excursion que font les molécules de l'air à travers lesquelles passe l'onde, est plus forte dans la direction du choc, parce qu'elle dépend en partie de cette direction elle-même. D'après cela, si les ondes sonores affectent une direction quelconque dans le corps résonnant, comme cela a lieu lorsqu'une corde ou une colonne d'air vibre, le son est également plus fort et plus distinct dans cette direction. Il me paraît que la circonstance suivante contribue aussi à cet effet dans certains cas. L'onde d'un milieu susceptible d'éprouver le mouvement ondulatoire peut, lorsque l'ébranlement agit sur ce milieu dans une certaine largeur, être considérée comme composée d'ondes circulaires de même diamètre, placées les unes à côté des autres. Ces ondes se couvrent dans une direction parallèle à la largeur de l'ébranlement,

mais elles ne se couvrent point à leurs extrémités libres. L'onde est donc plus forte dans une direction perpendiculaire à la largeur de l'ébranlement.

La force avec laquelle le son est conduit dépend, toutes choses égales d'ailleurs, du rapport entre le corps résonnant et le corps conducteur. Plus il y a d'homogénéité entre ces deux corps, plus aussi la communication est parfaite; moins ils sont homogènes, plus la communication est imparfaite. L'air résonnant, par exemple celui d'un instrument à vent, transmet si parfaitement ses vibrations à l'air extérieur, qu'il n'y a point de renfoncement opéré par d'autres milieux; mais il les communique difficilement à des corps solides. Les corps solides, au contraire, transmettent incomplétement leurs vibrations à l'air, et complétement à d'autres corps solides. De plus, lorsque les vibrations passent d'un milieu dans un autre qui n'est point de même nature, elles sont, comme la lumière, en partie transmises et en partie réfléchies. Ceci explique pourquoi des massifs de rochers font obstacle au son excité dans l'air, tandis que le son d'un corps solide, par exemple d'une verge, est transmis avec plus de force à l'oreille par un cordon que par l'air. Suivant Wheatstone, on peut, au moyen d'un fil métallique, conduire les sons d'un instrument à cordes sur un foyer de résonnance éloigné.

A part les différences qui viennent d'être signalées dans la force de la propagation, un son peut devenir, par le fait de la résonnance, plus fort qu'il ne l'était dans le corps sonore lui-même. La résonnance provient de l'agrandissement de la surface des parties homogènes vibrantes; c'est pourquoi le diapason résonne avec plus de force quand on le place sur un corps solide. Là-dessus repose aussi l'effet du chevalet et de la caisse dans les instruments à cordes.

La résonnance est plus forte avec un corps limité qu'avec un corps non limité. En effet, le premier réfléchit les ondes sonores en partie par ses bords et ses surfaces, et ces ondes rétrogrades se croisent avec les nouvelles ondes excitées par le corps sonore; mais, quand les protubérances des ondes se croisent, leur élévation devient plus considérable.

B. Ondulations stationnaires dans les corps conducteurs du son.

Des vibrations stationnaires naissent dans les corps conducteurs du son, limités, et en même temps élastiques. Il a déjà été dit précédemment qu'un corps conducteur limité réfléchit les ondes progressives par ses bords et par ses angles, que par conséquent les ondes qui viennent et celles qui reviennent se croisent. Un corps résonnant ne se partage pas nécessairement en parties aliquotes, de sorte que la largeur de ces ondes ne dépend pas de lui, mais des corps qui produisent le son. Dans un corps qui produit du son, les ondes qui naissent sont toujours des parties aliquotes de son tout. Mais un corps conducteur limité peut se partager lui-même, comme un corps sonore, en portions plus ou moins étendues, par la formation de nœuds et de lignes nodales. Ainsi, par exemple, il se forme de ces lignes nodales, d'après les expériences de Savart, sur des membranes tendues et conduisant le son, lorsqu'on les saupoudre d'une poussière légère. Des plaques offrent le même phénomène quand on les met en communication avec le corps producteur du son, par le moyen d'une verge, ainsi l'a fait voir Savart.

que

Le son d'un corps peut, sous certaines conditions, non seulement provoquer de

la résonnance dans un corps élastique limité, mais encore exciter celui-ci à produire du son par lui-même, auquel cas le dernier corps donne le son qui lui est propre, et qui diffère du premier. Les cordes tendues sont susceptibles de résonner ensemble dans le ton qui leur appartient en propre. Il paraît être nécessaire, pour cela, non seulement que l'élasticité soit portée à un haut degré, et la limitation bien tranchée, mais encore que les ondes du premier son soient dans un rapport simple avec celles du son fondamental du corps consonnant.

Enfin, un corps élastique et limité peut aussi, dans des conditions déterminées, modifier l'élévation du son d'un corps sonore par lui-même, lorsque les deux ordres de vibrations se modifient réciproquement pour former des ondes qui ne seraient propres ni à l'un des deux corps ni à l'autre. Ainsi la colonne d'air qui résonne en même temps qu'une languette modifie le son de cette dernière. J'ai observé un autre exemple remarquable de cette action réciproque dans un sifflet dont je bouchais l'extrémité ouverte avec une membrane (une vessie de cochon). On sait qu'un sifflet d'un pied, fermé à l'extrémité par un bouchon, donne l'ut pour son fondamental; mais, si l'on remplace le bouchon par une membrane médiocrement tendue, le son fondamental, lorsqu'on souffle aussi faiblement que possible, au lieu d'être l'ute, devient plus grave d'une tierce à une quinte; si la membrane est plus tendue, le son fondamental s'élève; et, au plus haut degré possible de tension, cette membrane agit comme un bouchon solide.

Les liquides conducteurs du son, lorsqu'ils sont en contact immédiat avec les corps sonores, montrent encore, à leur surface, des ondes d'inflexion particulières, qu'il faut bien distinguer des ondes condensantes de la conduction du son. Il s'établit, en effet, sur leur surface, de petites élévations et dépressions onduleuses régulières, comme des ondes stationnaires. Ces phénomènes ont été décrits par Ersted, Purkinje, Chladni, G. Sommerring et Faraday (1).

Si l'on fait vibrer dans l'air un diapason tenu horizontalement, et dont un côté soit couvert d'une couche d'eau peu épaisse, on voit se produire, dans celle-ci, les plus belles ondes stationnaires parallèles, qui, pour la plupart, occupent toute la la largeur du diapason, et ont environ trois quarts de ligne de long. Ce sont en quelque sorte les reflets des vibrations du corps sonore, provenant des mouvements que ces vibrations communiquent aux molécules de l'eau. Si l'on tient le diapason résonnant par une de ses faces dans un vase plein d'eau, on voit partir de ses côtés des divisions parallèles très régulières du liquide, absolument comme si l'eau qui le touche entrait simultanément avec lui dans un mouvement ondulatoire, qui ne serait que la continuation ou le prolongement des ondes de l'instrument. Si la surface large de ce dernier est au-dessus de l'eau, ou couverte seulement d'une couche mince, mais que les côtés plongent dans l'eau du vase, on reconnaît que les ondes à la surface du diapason et celles dans l'eau du vase sont des prolongements les unes des autres. Mais ce qu'il y a de remarquable, c'est que, quelque face du diapason que l'on immerge, on aperçoit toujours dans l'eau des ondes stationnaires dont les limites sont perpendiculaires à la surface de l'instrument; il n'y a d'exception que pour les bords où les lignes deviennent divergentes.

(1) Voy. Sommerring, dans KASTNER, Archiv fuer die gesammte Naturlehre, t. VIII, p. 94. -Faraday, dans Philos. Trans., 1831, 319.

Le phénomène a lieu aussi dans des vases résonnants pleins d'eau, par exemple dans des verres qu'on fait parler avec un archet de violon; la masse de l'eau se trouve alors, comme le verre, partagée, suivant l'élévation du son, en quatre, six ou huit parties, avec des lignes nodales entre lesquelles s'aperçoivent, lorsqu'on passe légèrement l'archet, des ondes stationnaires, dont les limites sont perpendiculaires à la surface intérieure du vase. En frottant plus fort, il se produit d'autres figures, et le croisement des ondes donne lieu à des ondes stationnaires rhomboïdales. La largeur des ondes est rigoureusement proportionnée à l'élévation du son; elles sont plus larges pendant les sons graves. Du reste, l'eau s'accumule aussi dans les portions vibrantes du verre, et, quand on passe l'archet avec force, elle est lancée par jets au dehors. Si l'on met le verre en vibration par le frottement du bord avec le doigt, les portions vibrantes et les lignes nodales se déplacent continuellement, et suivent, en tournant, le doigt qui communique le mouvement.

Les lames de verre couvertes d'une mince couche d'eau présentent le phénomène d'une manière plus belle encore, quand on les frotte avec un archet.

Si l'on fixe un morceau de liége sur la peau d'un tambour, qu'on y assujettisse une petite baguette de bois terminée par une plaque ronde ou carrée, et qu'on place le tambour de manière que la plaque de la baguette trempe aisément dans l'eau, on voit, lorsque la membrane vibre, se former dans le liquide des ondes semblables, dont les limites sont perpendiculaires au côté de la plaque aussi obtient-on une figure étoilée dans l'eau lorsque la plaque est ronde. Il n'est pas possible jusqu'à présent d'expliquer ce phénomène d'une manière satisfaisante.

Faraday dit que la plus légère différence possible dans une circonstance quelconque pourrait occasionner, pendant les vibrations d'une plaque, une élévation ou une dépression du liquide, et donner ainsi la première impulsion au phénomène. Mais je ne crois pas qu'on parvienne à expliquer des effets si réguliers par là et sans subdivision régulière ou sans un mouvement ondulatoire dans le corps sonnant, bien que ceci ne conduise pas non plus à une explication satisfaisante.

Du reste, pendant la conduction du son, les ondes sont condensantes, dans l'eau aussi bien que dans l'air. Mais les ondes dont il vient d'être parlé à la surface du liquide sont des ondes de soulèvement ou d'inflexion.

La vitesse de la propagation du son dépend de la densité et de l'élasticité des corps. Dans l'air sec, elle est, à la température de zéro, de 332,49 mètres par seconde. La chaleur l'augmente. Dans l'eau, la propagation du son a lieu quatre fois plus rapidement que dans l'air (1). Les corps solides l'effectuent avec plus de vitesse encore. Le fer conduit le son dix fois et demie plus vite que l'air, et le bois onze fois.

Quant à la réflexion, les ondes sonores se comportent comme les ondes lumineuses. Quand elles passent dans un milieu différent, elles sont en partie transmises et en partie réfléchies. Une montre placée au foyer d'un miroir concave fait entendre ses battements dans le foyer d'un autre miroir concave, qui réunit les rayons sonores. Comme les ondes sonores de l'air se communiquent aux corps so

(4) Elle y est de 1435 mètres par seconde, d'après l'expérience, 1428 d'après le calcul, selon Colladon et Sturm.

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