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droite après six heures et demie. On peut conclure, en général, de ces observations, que plus la respiration exerce d'influence chez un animal et plus le besoin de respirer est impérieux pour lui, moins aussi l'irritabilité persiste dans ses muscles après la mort (1).

Certaines substances diminuent l'irritabilité des muscles par l'action qu'elles exercent sur eux. Les muscles des animaux qui ont péri dans le gaz acide carbonique, le gaz hydrogène, le gaz oxyde de carbone, la vapeur du soufre, ne se contractent que peu ou point sous l'influence des irritants; ceux des animaux qui sont morts dans l'air atmosphérique et dans le gaz oxygène demeurent plus longtemps contractiles (2). L'eau pure diminue notablement l'irritabilité des muscles, lorsqu'elle demeure longtemps en contact avec eux. Cette observation, faite d'abord par Nasse, a été constatée ensuite par Stannius, Les cuisses de grenouille préparées, qu'on a laissées séjourner pendant quelque temps dans l'eau, ne conviennent point pour faire des expériences délicates sur l'irritabilité des nerfs et des muscles (3). Les substances narcotiques, appliquées localement sur les muscles, abolissent leur irritabilité; si on les met en rapport avec les nerfs des muscles, elles les rendent incapables de provoquer la contraction musculaire à partir du point de leur application, tandis que le nerf conserve son pouvoir dans toute l'étendue comprise entre le point narcotisé et le muscle. Lorsque les narcotiques tuent en s'introduisant dans le torrent de la circulation, ils ne diminuent pas autant l'irritabilité que le fait leur application locale sous forme concentrée. Après avoir fait périr des grenouilles en les narcotisant, on peut encore, pendant des heures entières, déterminer leurs muscles à se contracter en irritant ces organes eux-mêmes ou les nerfs qui s'y rendent. Les substances qui exercent une action chimique décomposante, comme les alcalis caustiques, les acides concentrés, le chlore, etc., frappent l'irritabilité musculaire de mort instantanée dans le point qu'elles touchent. On ne connaît pas de substances qui exaltent cette propriété des muscles. A la vérité, le chlore et les carbonates alcalins dont on imbibait les nerfs ont, dans les expériences de Humboldt, rendu les préparations plus aptes à ressentir l'irritation électrique ;

(1) Wilgenroth (Pericula nonnulla in animalibus violenter necatis facta, Berlin, 1833) indique de la manière suivante la durée, en minutes, de l'irritabilité des fibres musculaires simples et striées en travers, chez des mammifères (chiens, chats, lapins) décapités : ventricule gauche du cœur, 16; gros intestin, 25; muscles du cou, coupés par l'instrument tranchant, du côté de la tête, 26; oreillette gauche, 30; intestin grêle, 35 à 40; muscles qui dépendent du nerf facial, 40; ventricule droit, 40; œsophage, 44; muscles du cou, coupés par l'instrument, du côté du tronc, 45 à 50; muscles masséters, 46: diaphragme, 54; muscles de la face, 53; muscles du tronc, 60 à 70; muscles des pattes de derrière, 70; muscles des pattes de devant, 80 à 90. La vessie donna des résultats très variables: parfois elle fut insensible au galvanisme, tandis qu'elle se contracta faiblement, chez un chat 34, et chez un chien 49 minutes après la mort. L'action de l'air atmosphérique, d'un irritant mécanique et du galvanisme, ayant été essayée comparativement, il fut trouvé qu'après la mort le gros intestin demeurait impressionnable au premier pendant 45 minutes, au second 20, au troisième 25, et l'intestin grêle au premier pendant 25 minutes, au second 30, au troisième 35 à 40; d'où il suit que les muscles demeurent plus longtemps accessibles à l'action du galvanisme qu'à celle des irritants mécaniques, et à celle-ci qu'à celle de l'air atmosphérique. (Note du trad.)

(2) NYSTEN, loc. cit., p. 328. TIEDEMANN, Traité de physiologie de l'homme, trad. par A.-J.-L. Jourdan. Paris, 1834, t. II, p. 597.

(3) HECKER'S Annalen, 1832, décembre.

mais Pfaff a fait voir que ce résultat dépendait de l'action galvanique dans la chaîne fermée, et non d'une exaltation réelle de l'irritabilité animale.

La contractilité des muscles est soumise aux lois générales de l'irritabilité animale. Quand ces organes sont rarement mis en jeu par des stimulants internes, leur force diminue; d'un autre côté, à chaque effort qu'ils font, l'aptitude à la répéter diminue momentanément, et la fatigue a lieu. Excitation et repos sont donc également nécessaires à la conservation et à l'accroissement de la force musculaire. L'excitation paraît déterminer la nature à tourner de préférence vers les muscles les changements matériels indispensables pour la nutrition et la formation de leur tissu. Cependant la lassitude à la suite de chaque effort n'est pas moins nécessaire, parce que l'action et l'irritation des muscles entraînent des changements matériels de leur tissu. On peut encore observer jusqu'à un certain point ces faits dans les muscles d'une grenouille mise à mort. L'application modérée et périodique de l'électricité fortifie les contractions de ces muscles, lorsqu'elles étaient d'abord faibles; mais elle les épuise aussi avec rapidité quand on la répète trop souvent; et, si des excitations réitérées amènent la diminution des contractions, le repos rétablit souvent jusqu'à un certain degré l'aptitude à en opérer de nouvelles.

La contraction des muscles, pendant laquelle ils sont plus fermes et plus durs, est seule leur état actif; lorsqu'ils se trouvent allongés, ils sont dans l'état de relâchement. Rien ne justifie l'hypothèse d'une expansion active de ces organes. Oesterreicher l'a très bien réfutée par une expérience palpable. Il a remarqué, en effet, que le cœur d'une grenouille, détaché du corps, et sur lequel on place un petit poids, le soulève quand il se contracte, et le laisse retomber lorsqu'il se distend. Au reste, il ne faut pas se figurer que les muscles vivants soient jamais dans un état complet de relâchement. Constamment, même durant le repos, ils sont sous l'influence du principe des nerfs ; c'est ce que prouvent clairement la rétraction des deux bouts d'un muscle coupé en travers, le tremblotement de celui dont on a mis la surface à découvert, et la distorsion du visage et de la langue dans l'hémiplégie.

Si l'on observe un muscle au moment où il se contracte, on reconnaît qu'il gagne en volume ce qu'il perd en longueur, et souvent on aperçoit, dans ses faisceaux, un mouvement ondulatoire ayant la rapidité de l'éclair. Comme les muscles deviennent plus fermes en se contractant, on serait tenté de croire qu'ils acquièrent alors plus de densité, et que par conséquent ils doivent diminuer de volume, quoique leur accroissement de solidité puisse aussi dépendre de la force avec laquelle certaines de leurs molécules s'attirent réciproquement. Laissant de côté les observations incomplètes des anciens, de Glisson, de Swammerdam (1), je ne parlerai ici que des recherches qui ont été faites à ce sujet par les modernes.

Ou introduit les parties contractiles dans un tube effilé à la lampe et plein d'eau, où l'on observe la hauteur au moment de la contraction provoquée par le galvanisme. Barzellotti, Mayo, Prevost et Dumas, qui ont opéré sur de petites masses de chair, n'ont remarqué aucun changement de niveau; mais Gruithuisen et Erman en ont observé un, très faible à la vérité. Erman introduisit dans un vase de

(1) Voy. HALLER, Elem., lib. XI, p. 2, § 22.

Fig. 91.

verre la moitié inférieure d'une anguille, débarrassée des entrailles, et portant deux fils métalliques, l'un dans la moelle épinière, l'autre dans la chair; il disposa ces deux fils de manière qu'on pût les mettre en rapport avec les pôles d'une pile galvanique. Alors il versa de l'eau dans le vase, en ayant soin qu'un étroit tube de verre, par lequel l'appareil se terminait à sa partie supérieure, fût rempli de liquide. En fermant la chaîne, les muscles se contractèrent, et constamment l'eau monta de quatre à cinq lignes dans le petit tube; elle redescendait lorsqu'on ouvrait la chaîne. La condensation de la masse musculaire est donc si peu considérable qu'on ne peut nullement compter sur elle pour expliquer le phénomène de la contraction (1). Peutêtre aussi ne dépendait-elle, dans l'expérience d'Erman, que de la compression des petits vaisseaux des mucles, qui, ayant été coupés en travers, se trouvaient par là remplis d'air; du moins s'explique-t-elle parfaitement par cette circonstance. Si l'on répétait l'expérience, il faudrait avoir soin de préparer le tronçon d'an

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guille sous l'eau, et de l'introduire dans le tube sans le mettre en contact avec l'air atmosphérique.

(1) Les figures 91 et 92 représentent un appareil dont Gerber s'est servi pour répéter l'expérience d'Erman. On prend un couvercle ou carton a (fig. 91), sur lequel on fixe avec de la laque 6 six fils de fer c d e f g h, courbés à angle droit, dont les branches les plus courtes sont dressées, tandis que les plus longues traversent le couvercle. On tortille ensemble les six bouts horizontaux, afin d'en former un fil conducteur i. Un autre fil de fer k, également courbé à angle droit, est passé aussi à travers le carton et fixé de la même manière. Sa portion verticale est couverte de laque, à l'exception de l'extrémité recourbée, et assez longue pour pouvoir atteindre presque jusqu'à la paroi supérieure du vase dont nous parlerons tout à l'heure. Son extrémité inférieure / dépasse également le bord du plateau. Ensuite, on couvre celui-ci d'un mélange à parties égales de cire et de térébenthine, qui se durcit bientôt. On prend alors un flacon e (fig. 92), d'une capacité de 6 à 8 centimètres cubes. On en coupe le fond, et l'on adapte au col un bouchon couvert de cire à cacheter c: ce bouchon est traversé par deux tubes, l'un a, de trois millimètres et demi de diamètre et d'un décimètre de long; l'autre b, de même diamètre, traverse le bouchon entier; le premier n'en traverse que la partie supérieure, et au-dessous de lui on a ménagé un vide conique. Avant d'introduire le bouchon, on a eu soin de chauffer le col du flacon, afin que la cire à cacheter fonde, et on lute encore la surface libre de ce même bouchou avec de nouvelle cire à cacheter. Cela fait, on décapite six grenouilles dans de l'eau tiède; on leur enlève les intestins, on les essuie, et on les plante sur les six fils de fer, qu'on introduit profondément dans le canal rachidien. Pendant ce temps, un aide chauffe le bord inférieur du flacon, pour qu'en l'appliquant sur la couche de cire et de colophane, il la fasse fondre et y produise une rainure. Après le refroidissement, on emplit le flacon d'eau tiède par le tube a, au moyen d'un petit entonnoir, en ayant soin que la colonne de liquide s'élève, dans ce tube, un peu au-dessus de l'orifice du tube 6, par lequel l'air s'échappe. On agite l'appareil pour chasser les bulles d'air qui pourraient adhérer aux grenouilles et à la face inférieure du bouchon, précaution importante, et de laquelle dépend le succès de l'expérience. On fait communiquer le conducteur f avec le bout du fil k, et le conducteur g avec le fil tortillé qui supporte les six grenouilles. Lorsqu'on ferme la chaîne, les grenouilles s'allongent. S'il s'opérait une condensation, la colonne d'eau devrait monter dans le tube a. Quelque peu d'air qu'il y ait dans l'appareil, la colonne a oscille d'un peu moins d'un demi-millimètre à chaque contraction, lors.

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Les causes qui opèrent le raccourcissement des muscles pendant leur contraction peuvent être de trois sortes.

1° La flexion en zigzag des faisceaux musculaires (1). Un phénomène qu'on peut voir à l'œil nu, sur des muscles qui se contractent, et qu'on observe beaucoup que le tube best bouché. S'il se trouve plus d'air, la différence peut aller jusqu'à deux millimètres. Lorsqu'il n'y a point d'air du tout, elle ne dépasse jamais un quart de millimètre, et, la plupart du temps même, on n'en observe aucune. Il ne faut pas perdre de vue que le galvanisme décompose un peu d'eau, de sorte qu'on doit avoir soin de chasser le gaz chaque fois qu'on le fait agir. L'expérience bien conduite prouve donc que la substance musculaire ne se condense point en se contractant, qu'elle n'éprouve aucun changement de volume.

(Note du trad.)

(1) La doctrine admise depuis un siècle par la plupart des physiologistes, que les fibres musculaires se froucent en se contractant, forment des plis ou se disposent en zigzag, doctrine émise par des hommes tels que Hales, Sauvages, Verheyen et Haller, paraissant avoir été mise hors de conteste par les expériences de Prevost et Dumas, et confirmée par les observations de R. Wagner, Henle et Valentin, est réfutée maintenant par les expériences les plus décisives qui peuvent être aisément répétées par chacun. M. Ed. Weber, cherchant un moyen de mettre les muscles dans un état quelque peu prolongé de contraction vivante, a eu l'idée d'employer l'appareil magnétique à rotation pour irriter les nerfs et les muscles en ces expériences. Au lieu que ses prédécesseurs se servaient pour cela de la pile galvanique, laquelle ne produit qu'en se fermant ou s'ouvrant une contraction tellement rapide, qu'il est impossible de discerner quels changements s'opèrent alors. Il montre que les faisceaux d'un muscle de grenouille, reséqué et mis sur une lame de verre, étant dans un état modéré de flexion, deviennent droits au moment de la contraction, et demeurent tels tant que dure la contraction entretenue par l'appareil à rotation. Mais, à l'instant où cesse l'irritation galvanique, un spectacle remarquable s'offre à l'œil: tous ces faisceaux droits reprennent subitement les flexions en zigzag les plus régulières et les plus élégantes; de sorte que tous les faisceaux placés l'un près de l'autre forment au même point un angle, et que les angles nombreux, que chaque faisceau forme dans toute sa longueur, sont alternativement tournés en sens opposé (Sur les découvertes d'Ed. Weber, dans MUELLER'S Archiv, t. XIII, p. 488). É. L.

mieux avec le secours d'une loupe, c'est que les faisceaux des fibres musculaires exécutent des flexions en zigzag. Prevost et Dumas (1) l'ont étudié. Ils considèrent les fibres musculaires comme composées d'un certain nombre de petites lignes droites, qui sont susceptibles de s'incliner les unes sur les autres. La longueur de ces lignes était de dix à douze millimètres dans les muscles de la cuisse d'une grenouille: la distance des extrémités des lignes rapprochées par la flexion anguleuse s'élevait à seize ou dix-sept millimètres; seize de ces lignes formaient ensemble cent soixante-douze millimètres et demi, ce qui exprime la longueur de la partie musculaire dans l'état de repos. La distance des angles, dans l'état d'irritation des lignes, était de cent trente millimètres. Donc le raccourcissement était de 0,23 sur une fibre musculaire. Prevost et Dumas ont mesuré aussi le raccourcissement du même muscle en totalité dans la contraction: il s'élevait à 0,27 (2). Comme ces mesures s'accordent assez bien ensemble, ils conclurent de là que le raccourcissement des muscles par l'effet de leur contraction dépend réellement de ces angles, qui forment des portions de dix à douze millimètres des fibres musculaires. Plusieurs motifs rendent cependant très probable que la flexion anguleuse des fibres musculaires, observée par Prevost

Fig. 94.

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Fig. 93.

et Dumas, et si facile à voir sans le secours des verres grossissants, n'est pas la seule ni peut-être même la cause la plus essentielle de leur raccourcissement (3).

(1) Journ. de physiol., par Magendie, t. III, p. 344.

(2) Les figures 93 et 94 représentent cette flexion en zigzag. D'après Valentin, elle offre plusieurs variétés : tantôt, comme dans la figure 93, les inflexions sont parfaitement régulières, de même étendue, et parallèles entre elles dans toutes les fibres voisines; tantôt, comme dans la figure 94, les fibres ne se raccourcissent pas toutes d'une manière égale, et elles présentent des ondulations qui diffèrent d'étendue, ou même ne se correspondent pas. Valentin évalue à 6 ou 7 par ligne le nombre des inflexions doubles dans les cas où la courbure en zigzag est aussi pro noncée que possible, et à 10 ou 18 dans ceux où elle est incomplète. L'ouverture de l'angle varie de 80 à 120 degrés. (Note du trad.)

(3) Donné conseille de recourir à la langue d'une grenouille vivante ( Cours de microscopie, p. 143) pour étudier le phénomène de la contraction musculaire. Un pouvoir amplifiant peu considérable suffit pour y faire distinguer le système vasculaire, dessiné sur un fond gris, demitransparent, dans lequel on distingue une multitude de fibres dirigées en divers sens et formant quelquefois plusieurs plans superposés et entrecroisés. Ces fibres appartiennent aux muscles de la langue. On n'y reconnaît pas, il est vrai, dit Donné, le caractère fondamental de la fibre musculaire élémentaire, tel qu'il apparaît dans les muscles en général, dans ceux des membres, par exemple, chez la grenouille. Au lieu de ces faisceaux, composés de fibres coupées de petites lignes noires transversales, formant des espèces de fines échelles fort élégantes et d'une régularité parfaite, les muscles de la langue de la grenouille n'offrent que des fibres grisâtres, légèrement pointillées, mal définies et peu nettes; mais on ne peut se tromper et les méconnaître à leur propriété essentielle de se contracter, qui se manifeste à chaque instant sous les yeux de l'obser vateur, pendant l'expérience, Cette contraction elle-même, ajoute Donné, ne s'opère ni en zigzag ni en spirale; elle s'effectue par un simple raccourcissement de la fibre, comme dans un fil de caoutchouc, sans que l'on aperçoive aucune autre modification de la substance.

(Note du trad.)

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