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Fig. 132.

converger davantage les rayons de l'objet rapproché b, de manière qu'ils se réunissent, non plus en b, mais en a', c'est-à-dire sur la rétine.

L'optomètre, instrument fondé sur l'expérience de Scheiner, sert à déterminer la portée moyenne de la vue de l'homme. On voit, en effet, à quelle distance un petit objet peut être aperçu simple, d'un seul œil, à travers deux trous de carte dont l'éloignement est moindre que la largeur de la pupille. Ou bien on voit à quelle distance la double image d'un fil aperçu à travers les deux trous se croise ou se réunit. C'est là ce qu'on appelle la portée moyenne de la vue. En avant comme en arrière, un objet qu'on regarde à travers les deux ouvertures, paraît double, c'està-dire que son image tombe devant ou derrière la rétine. Cependant l'optomètre de Young (1) ne procure jamais qu'un résultat imparfait, parce que la diffraction que la lumière éprouve en passant sur les bords des petites ouvertures donne lieu à des phénomènes d'inflexion.

3. Changement de la portée de la vue par les verres grossissants.

Examinons maintenant l'influence que les verres propres à grossir l'image exercent sur la portée de la vue. Les plus simples de ces instruments sont les loupes ou microscopes. Lorsqu'on tient un petit objet très près de l'œil, il paraît fort gros, mais tout est confus, parce que la convergence des rayons lumineux a lieu derrière la rétine. L'effet d'une lentille placée entre l'objet et l'œil est de raccourcir la distance à laquelle ces rayons se réunissent. Si, en plaçant convenablement la lentille, on parvient à les faire converger sur la rétine, tous les détails deviennent nets, et l'objet apparaît sous le volume qu'il semblait avoir lorsqu'on le tenait, sans loupe, immédiatement devant l'œil. Dans ce cas, le grossissement n'est qu'apparent; il résulte uniquement du grand voisinage de l'objet, et l'effet de la lentille se réduit à rendre la vue distincte malgré un rapprochement qui augmente le volume. Avec le télescope et le microscope, l'image ne tombe plus dans l'œil, mais au-devant de lui: les rayons lumineux se réunissent là pour la produire; mais ils ne sont pas reçus, ils continuent leur route en divergeant, absolument comme si l'objet d'où ils sont partis en divergeant se trouvait sur ce point. C'est là-dessus que reposent et le grossissement et la netteté des images; car l'angle optique d'une image qui flotte devant l'œil est plus grand que celui de l'objet lui-même. Si l'image flottante. devant l'œil occupe la distance de la vision distincte (8 lignes), l'objet, en même temps qu'il est grossi, se dessine avec autant de netteté qu'en peuvent avoir les objets vus à la distance de la vision distincte la plus naturelle.

(1) Philos. Trans., 1801, p. I, p. 35. Voy. la description et la figure de l'optomètre de Stampfer, dans le dictionnaire de Gehler, 1836, t. VIII, p. 751, pl. 15, fig. 319.

Les télescopes servent à grossir et faire apercevoir plus nettement les objets fort éloignés; les microscopes remplissent le même office à l'égard des objets rapprochés. Le nombre des verres qui entrent dans leur composition varie beaucoup. Si, derrière le premier, il s'en trouve un second, celui-ci change l'image et son lieu, ou bien, quand l'image du premier verre tombe devant le second, elle tient la place d'un objet pour le second verre. L'image du second peut également être changée par un troisième, ou lui servir d'objet. Le verre qui reçoit la lumière de l'objet même se nomme objectif, et celui qui est tourné vers l'œil porte le nom d'oculaire. Dans le microscope, l'image physique produite par une ou plusieurs lentilles est vue à travers l'oculaire, comme un objet l'est à travers une loupe. La clarté de l'image dépend de la quantité de lumière que l'objectif reçoit de l'objet, ou, dans le microscope, de celle qui est projetée sur l'objet par l'éclairage artificiel. Si cette quantité de lumière avec laquelle l'image de l'objet apparaît dans le télescope et le microscope est plus grande ou plus petite que celle que l'objet projette dans la pupille de l'œil sans l'instrument, la clarté de l'image est plus grande ou plus petite que quand on voit l'objet à nu. Le télescope rend l'image plus claire que l'objet lui-même, parce que l'objectif reçoit de celui-ci, et emploie pour former l'image, plus de lumière qu'il n'en arrive à la pupille quand on regarde l'objet à la vue simple.

V. CHROMASIE ET ACHROMASIE DE L'OEIL (1).

1. Lentilles chromatiques.

Quoique les rayons d'un objet éclairé, réfractés par une lentille, produisent, quand on a évité l'aberration de sphéricité, une image nette dès qu'ils sont reçus à la distance focale de celle-ci, cependant la netteté n'est parfaite qu'autant qu'il s'agit d'une lumière colorée homogène; car une réunion absolue de la lumière blanche sur un point, par réfraction, est impossible sans secours étranger, même en ayant soin d'éviter l'aberration de sphéricité, parce que les rayons colorés contenus dans cette lumière n'ont pas la même réfrangibilité, et par conséquent ne convergent pas tous à la même distance.

Soient a le point lumineux, et AB la lentille, les rayons colorés contenus dans le cône lumineux abe sont inégalement réfractés, de manière que, par exemple, les rayons violets, qui sont les plus réfrangibles, se réunissent les premiers, puis les jaunes, et en dernier lieu les rouges. Quelque concentrée que puisse être la lumière, au lieu d'un point coloré, on aura en CD un cercle de diffusion, dont le milieu sera blanc, parce que les rayons colorés s'y couvrent, et dont les bords paraîtront purpurins, parce que les limites extrêmes des rayons violet et rouge s'y feront sentir. Le phénomène de coloration croîtra si l'image est reçue, non pas à la distance CD, mais en avant ou en arrière d'elle, soit en EF, soit en GH. Que l'image soit reçue, par exemple, en EF, les rayons rouges les plus extérieurs, qui ne sont couverts par aucun autre rayon coloré, forment un cercle rouge, et les rayons jaunes extérieurs, qui ne sont couverts que de rouge, en forment un orangé contenu dans le rouge,

(1) MUELLER, Physiologie des Gesichtssinnes, p. 195, 414, chiv, 1830, p. 129.

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autour d'un centre incolore correspondant à l'endroit où se couvrent les cônes des différents rayons colorés. Si l'image est reçue en GH, les rayons violets les plus extérieurs, qui ne sont pas couverts, forment le cercle coloré le plus extérieur; après eux viennent, en dedans, les rayons bleus, qui, pour la réfrangibilité, les suivent immédiatement; le milieu est blanc.

Lorsque les rayons qui traversent une lentille sont reçus à la distance focale de l'image, le phénomène de coloration se réduit à très peu de chose, et c'est à peine si les bords de l'image blanche sur un fond obscur offrent une légère teinte purpurine. Mais plus l'écran qui reçoit l'image s'éloigne de la distance focale de celleci, plus la bordure colorée et les cercles de diffusion de l'image blanche augmentent (1).

2. Lentilles achromatiques.

Quand les couleurs ont été séparées par un prisme, on peut les ramener à la convergence par un second prisme de même substance et de même angle réfringent que le premier, mais tourné en sens inverse. Les deux prismes, pris ensemble, forment un milieu réfringent à plans parallèles, d'où les rayons lumineux sortent, comme s'ils avaient traversé une table de verre, sous des angles égaux à ceux de leur incidence. Cependant Dollond a découvert que le pouvoir de disperser les couleurs n'est point proportionnel au pouvoir réfringent, et qu'il y a des milieux qui réfractent fortement la lumière et la dispersent peu, et vice versa. Cette remarque a fait naître l'idée de construire des prismes achromatiques en unissant ensemble des prismes dont le pouvoir dispersif et le pouvoir réfringent fussent différents. Un prisme de crown, uni à un prisme de flint ayant le même angle réfringent, dévie davantage les rayons parallèles incidents, mais ne les laisse pas sortir incolores, comme il arrive à deux prismes de crown ayant le même angle réfringent que l'on unit ensemble: loin de là, les rayons sont décomposés par l'excès du pouvoir dispersif du flint. Mais, si l'on diminue assez l'angle réfringent du prisme de flint pour que les deux prismes dispersent la lumière avec la même force, l'un des verres détruit l'effet de l'autre quant à la mise en évidence des couleurs, tandis que la

(1) KUNZEK, Die Lehre vom Lichte,
p. 157.

simple réfraction de la lumière persiste. Un prisme achromatique se compose d'un prisme de crown ayant un angle réfringent de trente degrés et d'un prisme de flint dont l'angle réfringent soit de dix-neuf degrés. On conçoit d'après cela la construction de doubles lentilles achromatiques qui détruisent réciproquement leur effet dispersif. Au reste, la double lentille achromatique la plus parfaite ne garantit pas de toute apparition de couleur, quand on ne reçoit pas l'image à sa distance focale, et l'on aperçoit des anneaux colorés dans les meilleurs télescopes, lorsque J'oculaire est porté au delà des limites de la vision distincte (1).

3. Achromasie de l'œil.

L'œil de l'homme est achromatique, tant que l'image est reçue à sa distance focale, ou tant que l'œil s'accommode à la distance de l'objet. On ne peut pas dire précisément quelle est la cause de l'achromasie; mais la construction optique de l'organe en démontre la possibilité. En effet, les milieux réfringents diffèrent les uns des autres par leur force réfringente, par leur convexité, et par leur constitution chimique. L'un est le cristallin, qui a deux convexités inégales, le second la cornée avec l'humeur aqueuse. Celle-ci, réunie à la cornée, forme une lentille convexoconcave dont la force réfringente n'est pas la même que celle du cristallin. Peutêtre le pouvoir dispersif des deux milieux réfringents n'est-il pas proportionnel à leur puissance réfractive, et l'achromasie dépend-elle de là. Les objectifs doubles chromatiques et aplanatiques qu'indique Herschel jeune ont une ressemblance éloignée avec les milieux réfringents de l'œil pour la forme et la composition. Ils consistent en une lentille antérieure biconvexe, de crown, dont les demi-diamètres sont inégaux et dont la face la plus convexe regarde en dehors, et en une lentille postérieure convexo-concave, de flint, dont le côté concave est tourné vers la précédente.

4. Chromasic de l'œil.

C'est par erreur qu'on attribue une achromasic complète à l'œil humain. Une chromasie s'y montre plus ou moins prononcée dès que l'image ne se trouve point placée à la distance focale. Les bandes colorées qui naissent à travers les milieux réfringents de notre œil, et qu'on peut jusqu'à un certain point produire volontairement, paraissent avoir été observées la première fois par Scheiner (2). Pour les étudier sur soi-même, il faut regarder un champ blanc sur un fond noir, ou un champ noir sur un fond blanc, en tenant l'œil fixé sur un objet rapproché ou éloigné; en agissant ainsi, le champ est vu d'une manière indistincte, avec des cercles de diffusion, et, d'après des raisons qui seront indiquées plus loin, il se développe en deux images doubles, qui s'éloignent d'autant plus l'une de l'autre que les axes des

(1) KUNZEK, loc. cit., p. 172, 177.

(2) Cons. à ce sujet COMPARETTI, Observationes dioptrica et anatomica comparata de coloribus apparentibus visu et oculo. Padoue, 1798. Voy. aussi un mémoire sur les phénomènes physiologiques de coloration dans SCHWEIGGER's Journal der Chemie und Physik, t. XVI. — MUELLER, Zur Physiologie des Gesichtssinnes. Leipzick, 1826, p. 194, 204.— TOURTUAL, dans MECKEL'S Archiv, 1830, p. 145, 177. - NIEDT, De dioptricis oculi coloribus ejusque polyopia. Berlin, 1842, p. 8, 36. L. Vallée, Théorie de l'œil. Paris, 1843.

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yeux s'écartent davantage du champ regardé. Au commencement de l'expérience, on ne les remarque point; mais, avec de l'exercice et de la patience, on parvient à reconnaître la bordure colorée extrêmement étroite qui entoure les champs. Le moyen le plus facile d'arriver à la vue indistincte d'un objet est de fixer les axes des yeux sur un corps ou un point idéal de l'espace beaucoup plus rapproché ou beaucoup plus éloigné : aussi ce procédé est-il celui à l'aide duquel on aperçoit le plus aisément les bandes colorées. Cependant, lorsqu'on s'y est exercé pendant longtemps, on peut aussi produire à volonté la vue indistincte avec un seul œil, l'autre étant fermé, en faisant intervenir l'état de réfraction qui correspondrait à un point plus éloigné ou plus rapproché dans l'espace par là on donne lieu aux bandes colorées avec un seul œil, et sans avoir d'images doubles de l'objet. Voici quels sont les résultats de mes propres observations.

1° Si l'on considère d'un seul œil un champ blanc sur un fond noir, de manière que l'état de réfraction corresponde à un point plus éloigné que le champ, le champ blanc qu'on aperçoit confusément sur le fond noir paraît entouré d'une légère et étroite bande colorée, dont les couleurs sont, du blanc au noir, le violet, le bleu, le jaune et le rouge. La plupart du temps, il n'y a que le bleu et le jaune qui soient un peu prononcés.

2. Si l'on contemple un champ blanc sur un fond noir, de manière que l'état de réfraction corresponde à un objet plus rapproché que celui qu'on regarde, les bandes colorées de l'image confuse sont aussi rouges, jaunes, bleues et violettes, mais en sens inverse, le violet et le bleu se trouvant du côté du noir, le jaune et le rouge du côté du blanc.

Si l'on se sert des deux yeux, et que, par conséquent, on ait des images doubles, la succession des couleurs est la même que dans le premier cas quand les axes se croisent derrière l'objet de la double apparition, et le même que dans le second lorsque les axes se croisent au-devant de l'objet.

Les bandes colorées subissent une altération par la procidence des images subjectives secondaires au bord de l'image objective, quand l'œil exécute un léger mouvement de côté. L'image subjective secondaire d'un champ noir sur un fond blanc est blanche, celle d'un fond noir est grise, et celle d'un fond coloré offre la couleur complémentaire opposée. Quand on regarde un champ pendant longtemps, l'image secondaire ou physiologique couvre l'image subjective; mais, si l'on donne à l'œil un très petit mouvement sur le côté, le bord de l'image physiolo gique apparaît au bord de l'objective. Ces bandes, qui ne paraissent que du côté vers lequel l'œil se porte, doivent être bien distinguées des handes colorées dioptriques, qui sont objectives, et qui ont leur source dans les milieux réfringeuts de l'œil. Comparetti a décrit les deux phénomènes mêlés ensemble. La vision de bandes colorées a, comme on voit, des causes entièrement objectives dans l'œil, et, pour ce qui le concerne, il ne faut pas songer à ces changements dans la rétine dont parlent certains traités de pathologie. Lorsque le phénomène a lieu pathologiquement, il est la suite, non d'un changement dans l'acte de la vision, mais d'un changement dans le pouvoir qu'a l'œil de s'accommoder aux distances. Certaines personnes se plaignent de voir des bandes colorées, quoique leur faculté visuelle n'ait subi aucune altération, et qu'il n'y ait chez elles aucune tendance, soit à l'amblyopie, soit à la cataracte. Ici se rangent aussi les lignes rouges qui se peignent autour des carac

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