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leur coïncidence. Nous avons prouvé que cette distance devient plus grande quand l'objet est plus proche, et moins considérable lorsque l'objet est plus éloigné. La direction que les rayons prennent, en vertu de la réfraction, dépend d'ailleurs du rayon médian du cône lumineux, vers lequel s'inclinent les rayons latéraux. L'image d'un point se projette donc toujours dans la direction des rayons médians, c'est-àdire de ceux qui sont parallèles à l'axe Ba et Ab. A la vérité, le rayon médian d'un cône lumineux qui, au lieu de passer par l'axe même du cristallin, tombe obliquement sur la cornée et la lentille, subit aussi des déviations de sa route. Mais, si l'on fait abstraction de cette circonstance, l'endroit où l'image d'un point se projette sur la rétine est déterminé par le prolongement du rayon parallèle à l'axe, ou par le rayon qui traverse le milieu de la pupille de l'œil. On peut donc, à la figure pré. cédente, substituer celle qui suit: Ab est le

rayon central du cône lumineux parti de A,
et Ba celui du cône lumineux émané de B.
L'image de A apparaît en b, et celle de B
apparaît en a, renversée par conséquent. Ce e
qui était en haut dans l'objet est vu en bas,
ce qui était en bas l'est en haut; de même B
pour les parties droite et gauche, qui sont
vues la première à gauche, et la seconde à droite.

Fig. 125.

d

b

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y

On peut se convaincre de tout ce qui a été discuté jusqu'ici par une expérience sur l'œil d'un animal. Si l'on ouvre avec précaution cet œil par le haut, de manière qu'il soit possible de voir, à travers le corps vitré, ce qui se passe sur la rétine, on distingue au fond de l'organe l'image d'un objet brillant, par exemple d'une fenêtre éclairée. L'expérience est plus facile encore à l'aide de l'œil d'un lapin atteint. d'albinisme, dont les membranes sont translucides à cause de l'absence du pigment noir; il suffit de le bien préparer, d'en placer la partie antérieure en face d'une croisée éclairée, et d'en observer la paroi postérieure translucide. Dans cette expérience, citée par Magendie, on aperçoit au fond de l'œil une image très nette de la fenêtre, et tout y est renversé.

On nomme angle optique l'angle x compris entre les rayons centraux croisés de deux points d'un objet. Cet angle croît avec la distance du point A au point B, et comme x=y, l'éloignement des points de l'image a et b sur la rétine croît aussi avec l'angle optique x. Des objets diversement éloignés, qui ont le même angle optique, par exemple les objets c, d, e, doivent donc aussi projeter sur la rétine des images d'égale grandeur, et, s'ils appartiennent au même angle, leur image doit occuper le même emplacement sur cette membrane.

Précédemment, nous avions admis comme rayons parallèles à l'axe ceux qui passent par le milieu de la pupille, et qui par conséquent tombent au voisinage du centre de la lentille cristalline. Cependant cette hypothèse ne répond point d'une manière rigoureuse à la réalité, c'est-à-dire qu'une ligne qui passe par le centre de la pupille ne rencontre point exactement l'image de la rétine. En effet, les rayons médians d'un cône lumineux subissent aussi, quand ils tombent obliquement sur la cornée et le cristallin, une réfraction qui les dévie de leur direction. De là vient qu'il faut recourir à l'expérience et au calcul pour trouver le rayon qui sert réellement de guide au cône lumineux émané d'un point, et que ce qui a été dit de

l'angle optique doit subir une modification en conséquence. Les points de l'image a et b ne sont donc pas dans le prolongement de Bo et Ao. Maintenant une question se présente: De combien une ligne droite allant de l'objet à l'image sur la rétine s'écarte-t-elle du rayon central passant par le centre de la pupille?

Ne pouvant pas m'engager ici dans tous les détails que comporterait la discussion approfondie du problème, je me bornerai à donner le résultat des expériences qui ont été faites à ce sujet. Volkmann a publié là-dessus d'intéressantes recherches, desquelles il résulte que, dans l'œil, se trouve un point où les lignes tirées de différents objets à leurs images sur la rétine se croisent, et que le point où le croisement a lieu n'est situé ni au milieu de la pupille, ni au milieu du cristallin, mais derrière celui-ci.

Comme le plan de l'œil sur lequel les images se forment est concave, et que, du milieu vers les bords, il se rapproche peu à peu du cristallin, on comprend que les images des objets placés de côté ne peuvent pas être aussi nettes que celles des objets médians, à la distance focale desquels se trouve le milieu de la rétine. Mais le défaut de netteté des images latérales a encore d'autres causes; car les rayons d'un cône lumineux provenant d'objets placés sur le côté ne se réunissent pas exactement au même point, à cause de l'inégalité de la réfraction. Cependant la principale cause qui fait que la netteté des images va en décroissant du milieu de la rétine à son pourtour paraît tenir à cette membrane elle-même.

Les rayons qui tombent sur le bord du cristallin subissent une autre réfraction que les rayons médians ou centraux, en vertu de l'aberration de sphéricité; la netteté de la vision exigeait qu'il y eût dans l'œil un appareil analogue à celui dont on se sert dans les instruments d'optique, c'est-à-dire que le bord du cristallin fût couvert d'un diaphragme qui ne permît qu'aux rayons centraux de passer par son ouverture médiane. Le diaphragme de l'œil est l'iris, et son ouverture la pupille; mais il a l'avantage d'être mobile, de pouvoir s'élargir et se rétrécir. La dilatation de la pupille dans les lieux peu éclairés permet qu'au moins la quantité de lumière compense la perte éprouvée du côté de la netteté de l'image. Il peut aussi arriver, dans certaines circonstances, qu'avec une pupille très large l'image des rayons marginaux soit nette, lorsque celle des rayons centraux manque de netteté, ou même n'est point vue, parce qu'elle n'est pas reçue à la distance requise. L'étroitesse de la pupille, une juste distance et une lumière vive sont les conditions qui rendent l'image aussi nette et aussi claire que possible, parce que, dans ce cas, la quantité de la lumière suffit, malgré le peu d'ouverture de la pupille, et que l'étroitesse de celle-ci empêche la formation d'une image sans netteté des rayons marginaux, qui ont une autre distance focale.

Relativement au cristallin, cette lentille doit être d'autant plus dense et plus convexe qu'il y a moins de différence de densité entre l'humeur aqueuse et le milieu dans lequel vit l'animal. Chez les poissons, le cristallin est sphérique et la cornée plate, la plupart du temps. Chez les animaux qui vivent dans l'air, la cornée est plus convexe, et le cristallin plus déprimé.

L'intérieur des parois de l'œil, derrière l'iris et le corps ciliaire, derrière même la rétine, est couvert de pigment noir. Cette disposition offre le même avantage que la couleur noire dont on teint les parois intérieures des instruments d'optique. Le pigment absorbe les rayons lumineux qui pourraient être réfléchis, les empêche de

parvenir une seconde fois au fond de l'œil, et fait ainsi qu'ils ne peuvent pas troubler la 'netteté de l'image. Tel est le but du pigment qui garnit la face postérieure de l'iris et du corps ciliaire. Mais celui qui existe à la face postérieure de la rétine et celui même de la choroïde ne sont point sans importance à cet égard. La rétine est translucide si, au lieu d'une membrane de couleur foncée, il s'en trouvait derrière elle une capable de réfléchir la lumière, les rayons lumineux qui auraient déjà rencontré la rétine elle-même seraient réfléchis par elle, et reportés sur d'autres points de cette membrane, ce qui non seulement causerait l'éblouissement par excès de lumière, mais encore troublerait les images. Les animaux chez lesquels manque le pigment de la choroïde, et les hommes atteints d'albinisme, se trouvent dans ce cas; la lumière du jour les éblouit aisément, et ils voient mieux dans l'obscurité. Plusieurs animaux qui se montrent actifs et qui chassent au crépuscule, tandis qu'ils sont lourds et lents pendant la journée, ont également des points de leur choroïdes dépourvus de pigment, ou plutôt couverts d'un pigment blanc, comme les chats et autres animaux ennemis de la lumière.

La netteté ou la clarté de l'image sur la partie moyenne de la rétine tient à plusieurs conditions diverses :

1° A ce que les rayons-lumineux venant d'un point se réunissent complétement en un point correspondant de la rétine, de manière à éviter les cercles de diffusion; 2° A ce que l'éclairage ait une intensité suffisante;

3o A ce que les plus petites parcelles de la rétine soient aptes à percevoir, comme si elles étaient séparées les unes des autres.

La première condition dépend de ce que la rétine se trouve exactement à la distance focale de l'image. A elle se rattache le plus ou moins de portée de la vue distincte chez les différents hommes, qui, comme on le sait, tantôt sont myopes, tantôt sont presbytes, tantôt n'ont pas de limites arrêtées à cet égard, leur œil pouvant s'ajuster à toutes les diversités de l'éloignement des objets et de la distance focale des images. Cependant, comme la faculté de s'accommoder aux différentes distances, par des changements intérieurs, a des limites, il y a, pour chaque individu, un éloignement auquel il voit plus nettement qu'à tout autre, et dont la distance focale de l'image est celle qui correspond le mieux à l'intervalle compris entre la rétine et le cristallin, ainsi qu'au pouvoir réfringent des milieux de son œil. Cette distance de la vision distincte peut être évaluée de cinq à dix pieds pour la majorité des hommes; les objets qui sont trop rapprochés de l'œil projettent sur la rétine des cercles de diffusion d'une grande étendue; c'est ce qui fait qu'un corps mince, par exemple une épingle, qu'on tient trop près de son œil, ne peut être aperçu, ou ne procure que la sensation d'une nébulosité. Il est peu d'hommes qui puissent lire encore l'écriture à une distance de vingt pouces. Cependant la puissance réfringente des milieux de l'œil devient la source de nombreuses différences à cet égard. Le myope ne voit distinctement que les objets très rapprochés de lui, et ne distingue pas ceux qui sont placés à une grande distance; le presbyte, au contraire, est obligé, pour bien voir un objet petit et difficile à distinguer, de le porter à une plus grande distance.

La seconde condition de la netteté de la vue est une quantité suffisante de lumière. L'excès et le défaut de lumière rendent également tous deux l'image confuse.

Enfin la netteté de la sensation dépend des particules de la rétine qui sont susceptibles de percevoir isolément des autres, comme si elles étaient séparées de celles-ci dans l'espace. Nous en avons un exemple dans les corps qui présentent des lignes très fines, alternativement blanches et noires. Quand on regarde une gravure d'une distance telle que les images des traits blancs et noirs tombent à la fois sur des parcelles de la rétine d'une certaine grandeur, on ne peut pas distinguer les limites de ces lignes, et l'on n'a qu'une impression mixte de gris. La même chose arrive pour les lignes très fines, diversement colorées, et dont les teintes alternent ensemble: si elles sont bleues et jaunes, par exemple, elles font naître l'impression mixte du vert; c'est cette cause enfin qui fait que tous les mélanges de deux couleurs différentes ne nous apparaissent pas comme un mélange, mais comme teinte intermédiaire homogène. De là résulte donc qu'il y a, dans la rétine, des minima, qui confondent en un seul tout les impressions reçues par eux, et ne peuvent plus les distinguer les unes des autres, quoiqu'elles soient réellement distinctes dans l'image or l'idée se présente naturellement que ces minima sont, suivant toute probabilité, les terminaisons papillaires de la couche interne de la rétine. On peut donc présumer que des rayons différents qui tombent à côté les uns des autres sur ces minima de la membrane nerveuse ne sont plus sentis distincts, et que chaque papille n'obtient et ne transmet qu'une seule impression moyenne des influences qui l'affectent en même temps. De cette manière, l'image ressemblerait à une mosaïque, dont chaque élément serait homogène en lui-même : or les plus petites parcelles de la rétine coïncident assez bien avec les plus petits points sensibles de cette membrane. L'angle le moins ouvert sous lequel nous puissions distinguer deux points est de quarante secondes. Smith a calculé d'après cela que le plus petit point sensible de la rétine avait 1/8000 de pouce. D'après les recherches de Treviranus, le diamètre transversal des papilles de cette membrane est de 0,0038 dans le lapin, et de 0,002 à 0,004 dans les oiseaux: or 0,003 millimètres 0,00011 pouce anglais, et 0,004 millimètres - 0,00015 pouce. Donc, en évaluant le diamètre moyen des papilles de la rétine entre 0,003 et 0,004, c'està-dire à peu près entre 1/6000 et 1/10000 de pouce, la plus petite partie sensible de cette membrane correspondrait très exactement à sa plus petite partie matérielle. Les mesures que E.-H. Weber avait déjà données des globules de la rétine, en les portant de 1/8000 à 1/8400 de pouce, s'accordent parfaitement aussi avec ces appréciations.

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Cependant il n'y a plus correspondance lorsqu'on prend d'autres déterminations pour point de départ, et Volkmann croit très probable que la faculté de distinguer avec la rétine a plus de portée qu'elle n'en aurait si les fibres nerveuses étaient les derniers éléments. Muncke admet que le plus petit angle visuel est de trente secondes. Treviranus distinguait jusqu'à une distance de quarante-huit lignes un point noir de 0,00833 ligne de diamètre sur un fond blanc, et Volkmann calcule d'après cela que le diamètre de la plus petite image sur la rétine est de 0,000060 ligne. Cette évaluation est trop forte encore, car un œil médiocre distingue, à la distance de trente lignes, un cheveu qui n'a que 0,002 ligne de diamètre, ce qui donnerait une image sur la rétine ayant un diamètre de 0,000023 ligne. Un élève de Raër pouvait encore apercevoir à une distance de vingt-huit lignes un poil d'un soixantième de ligne, ce qui, selon Volkmann, donnerait une image sur la rétine

de 0,00000014 ligne de diamètre. De là, Volkmann conclut qu'en faisant abstraction du dernier cas, qui est tout à fait extraordinaire, les plus petites images sur la rétine sont inférieures aux moindres éléments de cette membrane dont nous connaissons la masse.

III. CHANGEMENTS INTÉRIEURS DANS L'OEIL POUR LA VISION DISTINCTE A DES DISTANCES DIVErses.

De ce qui précède on peut déjà conclure d'une manière générale que la vision distincte à des distances diverses exige qu'il se passe des changements dans l'intérieur de l'œil. Le foyer de l'image est un peu plus rapproché du cristallin pour les objets proches, et un peu plus distant pour les objets éloignés. Olbers s'est occupé de rechercher à combien s'élève la différence dans la distance focale pour la vue de près et de loin, avec les conditions de réfraction qui existent dans l'œil (1).

Je vais faire connaître par avance quelques uns des résultats auxquels il est arrivé, afin qu'on puisse prendre une idée nette de l'étendue des changements nécessaires dont il s'agit ici. D'après le calcul d'Olbers, voici quelle serait la distance de l'image à la cornée pour quatre distances de l'objet choisies à titre d'exemples.

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De là résulte qu'une différence de 0,143 pouce dans la distance focale de l'image serait nécessaire pour la vision distincte à des distances diverses depuis quatre pouces jusqu'à un éloignement infini. En conséquence, si la cornée et le cristallin conservent leurs convexités, la distance de la rétine au cristallin n'aurait besoin de changer que d'une ligne environ pour toutes distances des objets, ce qui pourrait être opéré, soit par l'allongement de l'œil, soit par le déplacement du cristallin. Young porte le changement à un sixième de l'axe de l'œil.

On conçoit que le même but pourrait être atteint sans changement de la distance du cristallin à la rétine, si la convexité ou de la cornée ou du cristallin était susceptible de modifications.

Olbers a recherché aussi par le calcul quel serait le changement que la convexité de la cornée devrait subir pour la vision distincte à des distances diverses. Le rayon de la cornée pour les quatre cas précédents serait ainsi qu'il suit :

(4) De internis oculi mutationibus. Gættingue, 1780.

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