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dans les anches en caoutchouc. C'est à cela qu'il tient que la colonne d'air ne puisse pas bien s'accommoder aux anches. Wheatstone a déjà signalé cette circonstance dans d'autres anches, et Bishop accorde beaucoup d'importance à l'accommodation réciproque des colonnes d'air en avant et en arrière des cordes vocales pendant la vie. Cette influence a cependant été très faible dans mes expériences, et je ne l'ai observée que quelquefois parmi un grand nombre de cas, en sorte que je ne puis pas lui accorder l'influence sur l'organe de la voix humaine que Bishop . lui attribue. Au contraire, il apparaît clairement que, dans les changements des sons, chez l'homme, on doit fort peu compter sur le raccourcissement et l'allongement tant de la trachée-artère que de l'espace situé au-devant des cordes vocales par les mouvements de descente et d'élévation du larynx. Tout au plus peut-on admettre que l'allongement du tuyau placé au-devant des cordes vocales par la descente du larynx, et son raccourcissement par l'ascension de cet organe, facilitent, toutes choses égales d'ailleurs, dans le premier cas la formation des sons graves, et dans le second celle des sons aigus, ce qui du moins est confirmé par ce qu'on observe sur l'homme vivant.

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XXVI. La structure en partie membraneuse du porte-vent, c'est-à dire de la trachée-artère, ne modifie pas sensiblement le son des cordes vocales, et la trachée-artère se comporte comme le ferait un tuyau en bois de même diamètre.

A cet égard, les anches à languettes membraneuses et à porte-vent en partie membraneux se comportent tout autrement que les anches membraneuses à colonne d'air vibrante, dans lesquelles, d'après les découvertes de Savart, la covibration des parois membraneuses modifie considérablement les vibrations principales de la colonne d'air. Cette influence va si loin ici, qu'une anche en cartoa mouillé mince peut abaisser le son de toute une octave au-dessous de celui que donne une anche d'égale longueur, mais à parois rigides. Dans les anches très courtes et cubiques, l'abaissement est plus considérable encore, et peut aller à deux octaves entières. Je fabriquai un porte-vent long de sept pouces et demi, avec trois pouces de trachée-artère d'homme et quatre pouces et demi de tuyau en bois le son d'une languette en caoutchouc soufflé avec ce tube fut le même que celui qui était produit par un porte-vent rigide d'égale longueur. L'apposition de la main sur la partie membraneuse de la trachée-artère n'exerce pas non plus d'influence appréciable.

XXVII. Le double corps de tuyau ajouté à l'organe vocal de l'homme, savoir, le tube buccal et le tube nasal, ne paraît pas agir autrement qu'un corps de tuyau simple, quant à l'élévation du son, mais il change l'éclat de ce dernier, par l'effet de la résonnance.

J'ai cherché à déterminer cette influence sur un larynx artificiel à rubans de caoutchouc, qui se terminait par un corps de tuyau court auquel on pouvait adapter un tube bifurqué. Le son était le même, pour l'élévation, qu'avec un corps de tuyau simple de même longueur; mais il était plus éclatant.

XXVIII. Lorsqu'on couvre la cavité supérieure du larynx en déprimant l'épiglotte, le son devient un peu plus grave et en même temps plus sourd.

C'est un effet analogue à celui que l'on produit en couvrant un corps de tuyau court adapté au larynx artificiel. Nous nous servons évidemment de ce moyen pour produire des sons très graves. C'est du moins le but que paraît avoir le mou

vement d'abaissement et de rétraction qu'on donne à la langue, en penchant la tête en avant, lorsqu'on veut produire des sons de basse- taille très graves.

XXIX. Du reste, l'épiglotte semble ne servir en rien à modifier les sons. J'attachai une épiglotte humaine au pourtour d'un corps de tuyau, un peu audevant de la lame en caoutchouc d'un larynx artificiel, en l'établissant à peu près à la même distance de la glotte que dans le larynx naturel. Le son que j'obtins en soufflant ne différait pas de celui qui avait lieu quand j'enlevais l'épiglotte; cependant il fallait que celle-ci pût vibrer, car, dès qu'elle était attachée de manière à agir comme obturateur, le résultat était le même qu'avec tout autre bouchon quel. conque. Grenié a cherché à empêcher le son de monter dans les anches à languette métallique, en mettant au-dessus de celle-ci une petite lamelle vibratile fixée seulement par sa base; Biot et Magendie présument que l'épiglotte remplit la même fonction. Les expériences directes que j'ai faites et celles de Longet (1) ne parlent point en faveur de cette hypothèse. Toutes choses égales d'ailleurs, le souffle peut élever successivement le son jusqu'à la limite d'une quinte, que l'épiglotte existe ou non. En mettant le doigt dans sa gorge jusqu'au bord supérieur de l'épiglotte, on peut se convaincre que celle-ci ne change pas de position, qu'on fasse sortir le son avec la voix de fausset ou avec celle de poitrine.

XXX. Les piliers du voile du palais et la luette se raccourcissent dans les sons de poitrine élevés, comme dans les sons de fausset, et, le son restant le même quant à l'élévation, l'isthme du gosier conserve le mème degré d'étroitesse, que ce son appartienne à la voix de poitrine ou à la voix de fausset. On peut aussi, dans les deux cas, toucher les piliers du voile du palais avec les doigts sans que le son change.

Rien n'est plus facile que de se convaincre de tous ces faits en introduisant le doigt dans la bouche, sur le côté, jusqu'à l'isthme du gosier. Ils réfutent l'opinion de Bennati, qui croyait que les piliers du voile du palais prennent part à la formation des sons de la voix de fausset, ou les produisent. Le simple fait du rétrécissement de l'isthme du gosier dans les sons élevés a été observé d'abord par Fabrice d'Aquapendente, puis, dans les temps modernes, par Mayer, Bennati et Dzondi.

XXXI. Le rétrécissement du commencement du corps de tuyau ou de la cavité supérieure du larynx, immédiatement au-devant des ligaments inférieurs de la glotte, peut, d'après la théorie des anches, élever un peu le son.

Cependant on ne saurait en donner la démonstration par des expériences, attendu qu'il n'est guère possible de comprimer la cavité laryngienne supérieure sur un larynx détaché du corps, sans exercer quelque action sur les cordes vocales. Un simple rétrécissement n'a pas d'influence sensible.

XXXII. Les ventricules de Morgagni ne servent évidemment qu'à rendre les cordes vocales libres en dedans, afin que leurs vibrations ne soient pas génées.

Cet usage leur a déjà été assigné par plusieurs écrivains, tels que Malgaigne, Ch. Bell et autres. Malgaigne compare les ventricules de Morgagni au godet de l'embouchure de la trompette, qui met les lèvres en liberté.

(1) Rech, exp. sur les fonct, de l'épiglotte, dans Archiv. génér. Paris, 1841.

Conclusions générales.

Des expériences faites sur le larynx artificiel à languettes membraneuses, et de celles sur le larynx humain lui-même, dont les résultats s'accordent parfaitement ensemble, quant aux points essentiels, il suit que l'organe vocal de l'homme est une anche à deux lèvres membraneuses. Telle est l'opinion de plusieurs physiciens, comme Biot, Cagniard-Latour, Muncke, de musiciens théoriciens comme G. Weber, et de quelques physiologistes, comme Magendie, Malgaigne, etc. Ferrein en avait déjà préparé les bases, en 1741, par ses expériences sur les sons que produisent les cordes vocales, et sur les modifications que les diversités de longueur et de tension de celles-ci leur font subir. Savart lui-même, qui attaqua la comparaison de l'organe vocal avec une anche, convint que, iorqu'on fait sortir des sons en soufflant dans la trachée-artère dont toute la partie antérieure a été retranchée jusqu'aux ligaments inférieurs de la glotte, ils sont produits de la même manière que ceux des anches. A la vérité, il regardait les sons des anches comme ne ressemblant pas à ceux de la voix humaine; mais, en suivant la méthode que j'ai employée, il m'a été impossible de trouver entre eux aucune différence essentielle; j'obtiens les sons de poitrine et ceux de fausset, avec tout l'éclat dont ils sont susceptibles, en réunissant les conditions que j'ai fait connaître, et ce qu'il y a de différent peut dépendre du corps de tuyau ajouté à l'organe vocal. Savart pensait que le corps à proprement parler sonore est l'air des ventricules compris,entre les ligaments supérieurs et inférieurs de la glotte, et il comparait cet appareil à l'appeau des oiseleurs, petite anche à colonne d'air vibrante. Cependant l'appareil élastique des ligaments inférieurs de la glotte et les moyens d'organisation employés pour amener leur tension sont trop évidemment calculés dans la vue d'un instrument à anche, pour qu'on puisse attacher une grande valeur à cette objection d'un homme qui a d'ailleurs rendu de si grands services à l'acoustique. En outre, la différence de tension ne modifie pas moins les sons dans les larynx auxquels on a laissé les ventricules latéraux et les ligaments antérieurs de la glotte, que dans ceux où l'on a enlevé ces parties jusqu'aux ligaments inférieurs de la glotte. Les mammifères auquels manquent les ligaments supérieurs de la glotte, les ruminants, s'élèvent d'ailleurs contre la théorie de Savart. Tout l'appareil situé au-devant des ligaments inférieurs peut bien avoir quelque influence sur la modification du son, comme le corps de tuyau ajouté à l'embouchure des instruments à anche, et cela plutôt par le rétrécissement de la cavité supérieure du larynx que par la longueur du tuyau ; cette partie antérieure du larynx peut aussi avoir, dans l'organe vocal de l'homme, une disposition particulière que nous ne saurions procurer au corps de tuyau d'une anche; mais la cause principale du son n'en demeure pas moins la vibration des ligaments inférieurs de la glotte eux-mêmes, et les sons naissent aussi simplement de ces membranes élastiques que du sphincter de l'anus, où la tension par la contraction musculaire remplace l'élasticité propre des cordes vocales.

Fechner objecte que, si l'organe vocal était une anche, il devrait ne pas se produire de sons pendant l'ouverture de la glotte; d'après la théorie des anches, les sons ne devraient dépendre que des alternatives d'ouverture et de fermeture de la

glotte en vertu de l'interruption périodique du courant d'air; mais les cordes vocales peuvent très bien vibrer sans clore périodiquement la glotte; donc la production des sons est réellement indépendante de cette occlusion. Cependant j'ai démontré que cette théorie de la production des sons par les anches n'est point aussi exacte qu'on l'admet généralement; car il suffit de simples courants d'air passant au-devant de languettes minces pour produire des sons pareils, quant au degré et à l'éclat, à ceux qui ont lieu quand les languettes agissent comme des valvules; d'ailleurs il y a une position de la languette, soit métallique, soit membraneuse, qui fait qu'elle ne se meut plus comme valvule, mais vibre librement au-devant de l'ouverture, par l'effet de la force du courant d'air, lorsque celui-ci a une force suffisante pour rechasser la languette avant qu'elle ait pu clore l'ouverture. Enfin, il est souvent possible, sur le larynx artificiel à rubans de caoutchouc, de faire sortir encore des sons, quoique les lèvres de l'anche laissent entre elles une fente considérable.

Quant à la comparaison des ligaments de la glotte avec des cordes, elle est exacte à certains points de vue, mais manque de justesse à d'autres égards. Les expériences de Ferrein qui établissent cette analogie sont du nombre des meilleures qu'on ait jamais faites. Ferrein a montré que les ligaments de la glotte résonnent à la manière des cordes que l'air fait parler, et que les sons qu'ils produisent ne varient point en raison de la largeur diverse de la glotte. La moitié des cordes vocales lui donnait l'octave de leur son fondamental, et le tiers leur quinte. Enfin, il a trouvé qu'un changement de deux à trois lignes dans la longueur de ces ligaments suffisait à toutes les variations de la hauteur du son, la tension remplaçant ici ce que la diversité de longueur opère sur les cordes tendues également. Quoique ces expériences aient été attaquées par Bertin, elles furent trouvées exactes par Montagnat, Runge et Nollet (1). En effet, celles que j'ai faites sur le larynx artificiel s'accordent parfaitement avec elles. La moitié d'une languette de caoutchouc donnait l'octave du son fondamental; et les expériences avec la tension des cordes vocales soumises à la mensuration ont fait voir qu'en général ces languettes changent leurs vibrations d'après les mêmes lois, à très peu près, que les cordes. Je ne puis me ranger à l'avis de Biot, quand il dit : « Qu'y a-t-il dans la glotte qui ressemble ■ à une corde vibrante? Où trouverait-on la place nécessaire pour donner à cette ⚫ corde la longueur qu'exigent les sons les plus graves? Comment pourrait-on en » tirer jamais des sons d'un volume comparable à ceux que l'homme produit ? Les plus simples notions d'acoustique suffisent pour faire rejeter cette étrange opi>nion (2). » Il est facile de réfuter l'objection de Biot. Toute languette membraneuse vibre d'après les lois des cordes, comme toute languette métallique d'après celles des verges. Une corde, à quelque degré qu'on la raccourcît, pourrait produire des sons graves si l'état de détente où elle doit être permettait qu'elle eût encore de l'élasticité. Mais les membranes élastiques et les rubans de caoutchouc ont encore ce degré d'élasticité lorsqu'ils sont très détendus, et nous avons vu qu'en se raccourcissant, ces courts rubans changent leurs sons, comme les cordes, en raison inverse de la longueur. De petites lamelles de caoutchouc tendues don

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(1) HALLER, Element. physiol., t. III, lib. IX, §§ 8, 9, 10.

(2) Loc. cit., t. I, p. 470.

nent même, par la percussion, des sons clairs, quoique ceux-ci ne soient pas soutenus, comme dans les cordes longues; mais le choc continu de l'air, en soufflant, fait qu'ils se soutiennent et qu'une lamelle qui vibre comme corde par simple percussion se transforme en anche. A ce point de vue donc, les ligaments de la glotte ressemblent parfaitement aux cordes, et la seule différence consiste dans le corps qui les fait parler. Jusqu'ici la comparaison établie par Ferrein est parfaite

ment exacte.

Mais, à un autre égard, les cordes vocales diffèrent totalement des cordes ordinaires, et cette différence est assez grande pour leur assigner, ainsi qu'aux autres anches membraneuses, une place particulière parmi les instruments de musique. Une percussion plus forte rend le son d'une corde plus grave; la force plus grande du souffle élève, au contraire, le son d'une languette membraneuse d'un semi-ton, de deux, ou plus, et, quand les languettes membraneuses élastiques sont humides (cordes vocales et rubans de tunique artérielle), l'élévation va mème jusqu'à un grand nombre de semi-tons. L'anche métallique d'une trompette d'enfant donne toujours, quand on souffle avec plus de force, des sons plus aigus, dont l'élévation va jusqu'à une octave et demie sans intervalles, et, si d'autres anches métalliques ne se comportent pas de la même manière, il n'en faut chercher la cause que dans leur force comparée à celle du courant d'air. Ainsi, dans une anche, l'élévation du son dépend à la fois et de l'anche et de l'air qui la choque. Au contraire, dès qu'une corde a reçu une impulsion, celle-ci n'exerce plus d'action ultérieure et modifiante sur les vibrations; la corde est abandonnée aux seules oscillations qui dépendent de sa longueur et de sa tension.

Plusieurs physiologistes, parmi lesquels on compte Dodart et Liscovius, ont cherché la cause essentielle de la voix dans la largeur ou l'étroitesse de la glotte et dans les vibrations de l'air produites en cet endroit.

Quoique Dodart connût bien l'influence que la tension des cordes vocales exerce sur le changement du son, cependant il finit par ne plus attribuer la production des différents sons qu'à la grandeur de l'ouverture, admettant que, selon leur degré de tension, les cordes vocales déterminent, par les vibrations que l'air leur communique, une ouverture différente de la glotte. Il disait qu'un changement, dans la glotte, de 1/54 d'un fil de soie, ou de 1/384 de cheveu, donne déjà un autre son. Cette hypothèse est absolument inexacte; car, pourvu que la tension des cordes vocales ne varie point, un changement, même notable, de l'ampleur de la glotte ne fait pas varier l'élévation du son.

Quant à la théorie de Liscovius, voici en quoi elle consiste. C'est de la glotte elle-même et de sa différente largeur que dépendent principalement et la production de la voix et son caractère divers d'acuité ou de gravité. En passant avec une certaine violence et avec rapidité à travers cette ouverture étroite, l'air éprouve une compression et un ébranlement tels que toutes ses molécules subissent un mouvement de va-et-vient. Quelque chose d'analogue arrive toutes les fois que l'air traverse une ouverture étroite quelconque. Plus l'ouverture de la glotte est grande, plus le son est grave, parce qu'il résulte de là des ondes aériennes plus grandes et par conséquent plus lentes.

Les objections de Liscovius contre la production du son par les cordes vocales elles-mêmes sont celles-ci. Suivant lui, les cordes vocales doivent être tendnes

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