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Enfin on peut sauter en avant et en arrière avec le secours de toutes les articulations, dès que la direction moyenne que celles-ci donnent au corps tombe soit en avant, soit en arrière, ou que la direction de leur développement tombe en dehors du point d'appui.

Le saut perpendiculaire peut avoir lieu quelle que soit l'inclinaison des diverses articulations, pourvu que les différentes impulsions se compensent assez bien pour que la moyenne soit parallèle à la perpendiculaire.

Chez les quadrupèdes, le saut a lieu de deux manières, avec ou sans appui du corps sur les membres de devant. Dans le premier cas, le corps s'arc-boute sur les membres de derrière, dont l'effort le jette en avant; les pattes de devant se soulèvent aussitôt, et entraînent avec elles celles de derrière. Parmi les sauteurs qui ne se servent pas de leurs pattes de devant, on compte plusieurs mammifères qui ont ces pattes très courtes, et celles de derrière fort longues, comme les gerboises, les macroscélides, les halmatures, un grand nombre d'oiseaux sautillants, notamment parmi les passereaux, et, chez les reptiles, les grenouilles.

Action de grimper.

Le mécanisme de l'action de grimper est suffisamment connu. Les animaux grimpeurs se fixent tantôt par leurs ongles, comme les chats, les écureuils, les didelphes, les phalangistes et les oiseaux grimpeurs qui ont un ou deux doigts dirigés en arrière; tantôt, comme les didelphes et les phalangistes, au moyen d'une queue préhensile, et même d'un pouce opposable aux pieds de derrière. D'autres doivent la faculté d'embrasser les corps à la longueur et à la liberté de leurs doigts, comme les singes, dont les quatre pouces sont opposables, et parfois en même temps à leur queue préhensile, comme les alouattes et les sapajous. Les singes sans pouce ne sont pas moins habiles à grimper, parce qu'ils ont des doigts fort longs, et que leur queue est enveloppante. Les paresseux grimpent au moyen de leurs longues griffes qu'ils implantent dans l'écorce des arbres, et les fourmiliers ont de plus une queue susceptible de s'enrouler : la longueur des ongles fait que les uns et les autres marchent mal, et qu'ils s'appuient de préférence sur le bord externe du pied; la longueur démesurée des bras et des avant-bras du paresseux le rend même si peu propre à marcher sur ses pattes, que, quand il se trouve à terre, il s'appuie sur ses coudes. Cependant on a tort de dire que la nature a traité ces animaux en marâtre, puisque leurs membres sont aussi favorablement disposés qu'ils pouvaient l'être pour grimper et se mouvoir sur les arbres. On peut leur comparer, parmi les reptiles, les caméléons, qui ont les doigts séparés en deux paquets, l'un antérieur, l'autre postérieur, et dont, en outre, la queue est enveloppante.

C'est à l'anatomie comparée qu'il appartient de faire ressortir la construction si variée des membres chez les vertébrés, suivant que ces animaux sont destinés à voler, à nager, à empoigner, à grimper, à fouir. Quelle énorme différence entre la main d'une raie et celle d'un cheval! Là, un nombre infini de doigts réunis en nageoires et de phalanges, sans bras ni avant-bras, tandis que, chez les mammifères pisciformes, l'accroissement du nombre des phalanges reparaît, mais l'avant

bras et le bras sont raccourcis; dans le cheval, l'autre extrême a lieu, la main et le pied se trouvent réduits à un seul doigt (1).

Un coup d'œil sur les mouvements, et en particulier sur la locomotion des animaux articulés ne sera pas sans intérêt pour ceux qui s'occupent d'histoire naturelle. Si beaucoup de ces animaux se servent de leurs pattes ambulatoires (Hydrophilus), ou de leurs pattes aplaties et ciliées (Dyticus, Notonecta), comme d'un gouvernail, des hydromètres s'élèvent à la surface de l'eau, et nous offrent le spectacle remarquable d'un corps vivant léger qui sautille à la surface du liquide, sur lequel il fait agir ses pattes. La marche des insectes sur la terre paraît plus régulière qu'au premier abord elle ne semblerait devoir l'être d'après le nombre accru des extrémités. Toute action à laquelle beaucoup de membres prennent part, est rendue plus facile par un ordre déterminé établi entre les appendices; voilà pourquoi la marche des insectes paraît fort simple malgré leurs six pattes. Si l'on observe un de ces animaux marchant avec lenteur, on voit que constamment trois de ses membres sont portés en avant, et servent d'appui, tandis que les trois autres font effort pour pousser le corps; la patte de derrière d'un côté, celle de devant du même côté, et celle du milieu du même côté s'avancent d'abord, puis la patte antérieure de ce dernier côté, sa patte postérieure, et la patte médiane de l'autre côté, de manière que toutes les pattes de l'animal agissent dans les deux pas. Chez les araignées, qui sont octopodes, il paraît que quatre pattes se portent à la fois en avant, tandis que les quatre autres se soulèvent; l'observation présente ici beaucoup plus de difficultés que chez les insectes; cependant il paraît qu'entre deux pattes qui s'avancent, il y en a toujours une qui se lève. De même, chez les cloportes, qui ont quatorze pattes, il semble y avoir un ordre très régulier dans l'action simultanée d'un certain nombre de ces appendices, tandis que l'effet total donne l'impression d'un mouvement ondulatoire. Certains animaux légers, notamment parmi les insectes, ont les pattes armées d'organes dont ils se servent pour se tenir à des surfaces perpendiculaires lisses, ou même pour s'accrocher au plafond (2). Tels sont ceux qu'on trouve à la plante des pattes des mouches, et qui sont peut-être susceptibles d'agir comme des ventouses, au moyen d'une rétraction de leur centre. Tels sont encore, chez d'autres insectes, plusieurs appareils analogues, qui permettent d'opérer, ou une application intime aux surfaces, une adhésion complète, ou même une véritable succion.

Les geckos, parmi les reptiles, offrent une disposition semblable: leurs doigts sont garnis, à la face inférieure, de plis transversaux réguliers, qui rappellent la ventouse des écheneis, et qui produisent probablement, en se redressant, un vide au moyen duquel l'animal se trouve fixé. Ces animaux ont la faculté, à ce qu'on assure, de courir sur des murs perpendiculaires et même sur les plafonds. Je dois aussi mentionner ici le mécanisme à l'aide duquel certains animaux peuvent se tenir facilement dans une situation qui semble exiger de grands efforts musculaires. La station des animaux et de l'homme est le résultat d'un effort soutenu des muscles extenseurs mais, chez quelques animaux, une disposition spéciale la facilite au point qu'elle peut être prolongée jour et nuit sans fatigue. Les cigognes et plusieurs (4) Voy., sur la signification physiologique de la main dans les différents ordres d'animaux, l'ouvrage de Charles Bell, The hand. Londres, 1834.

(2) HOME, Philos. Trans., 1814. Lectures on comp. anatomy, t. IV, p. 84.

autres oiseaux demeurent quelquefois pendant très longtemps perchés sur une seule patte, et dorment même dans cette situation. Cuvier avait déjà signalé la conformation particulière de l'articulation du pied de la cigogne, qui rend le phénomène possible. Au milieu de la face antérieure de l'extrémité inférieure du fémur, se trouve un creux qui peut recevoir une saillie du tibia; pour fléchir la jambe, il faut que la saillie sorte du creux, et passe sur son bord postérieur; mais alors elle tiraille les ligaments plus qu'ils ne le sont dans l'extension, en sorte que ces ligaments maintiennent d'eux-mêmes la jambe étendue comme des espèces de ressorts, et sans que les muscles aient besoin d'y contribuer (1). Cependant la nature n'a point employé ce mécanisme chez tous les animaux capables de se tenir longtemps sur une seule jambe ainsi, par exemple, il n'existe pas chez les canards. Cette circonstance nous prouve donc que, même pendant le sommeil, l'action des muscles extenseurs chargés de maintenir l'équilibre peut être dominée par la province des organes centraux d'où partent tous les mouvements volontaires.

La manière dont les oiseaux qui se perchent pour dormir serrent les branches est le résultat d'un mécanisme que Borelli avait indiqué le premier. Vicq-d'Azyr révoqua en doute cette explication, en faveur de laquelle Cuvier s'est prononcé avec raison. Les tendons des fléchisseurs des doigts non seulement passent sous l'articulation du talon, et tirent les orteils pendant la flexion du pied, mais encore peuvent être tirés eux-mêmes par un muscle accessoire, situé au côté interne de la cuisse, dont le tendon passe sur l'articulation du genou. La flexion des deux articulations par le poids du corps doit donc fléchir en même temps les orteils, et leur faire serrer mécaniquement la branche. Et cela est si vrai qu'on peut reproduire le phénomène même après la mort de l'animal.

Quelque chose d'analogue a lieu pour d'autres muscles chez le chien. Si l'on étend le genou de cet animal, le gastrocnémien se trouve tendu en même temps et le talon attiré. De là vient qu'un chien peut encore marcher un peu après la section du nerf sciatique, aussitôt que les muscles extenseurs de la cuisse, qui ne se ressentent pas de cette lésion, étendent la jambe.

SECTION III.

DE LA VOIX ET DE LA PAROLE.

Les sons qui constituent la voix et la parole n'ont point pour cause proprement dite des mouvements musculaires; ils dépendent des vibrations d'un appareil particulier, comparable à un instrument de musique. Cependant c'est à des contractions musculaires que cet appareil doit le degré de tension nécessaire à la production des sons, dont l'élévation et la succession se rapportent aussi à la même cause.

(1) MACARTNEY, dans Transactions of the Royal Irish Academy, t. XIII, p. 20.

A ce point de vue done, l'histoire de la voix et de la parole doit succéder immé diatement à celle des mouvements. Mais, avant de l'étudier, il est indispensable de connaître les conditions générales de la formation du son.

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CHAPITRE PREMIER.

Des conditions générales de la production du son,

Une impulsion mécanique soudaine, communiquée à l'organe de l'ouïe, peut faire naître en nous une sensation auditive, telle que celle d'une explosion, si l'action a été violente, ou celle d'un bruit, si cette action a été faible. L'écoulement rapide d'un air comprimé et l'influence également rapide de l'air ordinaire dans un espace vide, produisent l'impression du son sur l'organe de l'ouïe, lorsque l'ébranlement du fluide aérien est transmis à cet appareil, Mais, pour que des sons d'une valeur soutenue et comparable soient sentis, il suffit d'un certain mode d'impulsion mécanique, c'est-à-dire d'une impulsion uniforme qui se répète avec rapidité dans un très court espace de temps. De la fréquence des impulsions ou chocs dépend la sensation du degré d'élévation des sons.

La plupart du temps, lorsque nous entendons des sons, c'est parce que les vibrations d'un corps résonnant se sont propagées jusque dans l'intérieur de l'oreille et transmises au nerf auditif. Or, en partant du fait que les corps qui résonnent sont élastiques, soit par leur cohérence, comme les corps rigides, soit par leur pression ou leur force expansive, comme les gaz, soit enfin par leur tension, comme les cordes, et que tous les corps sonores vibrent lorsqu'ils donnent des sons, on est tenté d'admettre que les vibrations sont la seule cause essentielle de la production du son. Mais on prendrait une idée bien fausse de la nature de ce dernier, si l'on croyait qu'un mouvement vibratoire finalement communiqué au nerf auditif lui-même est nécessaire pour faire naître la sensation du son. La cause prochaine de cette sensation semble bien plutôt, même pour les sons dus à des oscillations de corps résonnants, tenir aux chocs, régulièrement reproduits par l'effet des mouvements vibratoires, qui se transmettent au nerf acoustique. C'est ce qu'on peut conclure de la considération des sons qui naissent, non de vibrations d'un corps élastique, mais de simples chocs se succédant avec rapidité. Si l'on présente une languette de bois aux dents d'une roue qui tourne sur elle-même, chacun des chocs produit une impulsion sur l'organe auditif, et par là donne lieu à la sensation d'un bruit; mais, si la roue tourne avec beaucoup de vitesse, au lieu de chocs isolés, on perçoit un son dont l'acuité croît avec la rapidité des chocs. Les sons qu'on peut produire par le moyen d'un courant de gaz ou de liquide, d'eau ou de mercure, rapidement et régulièrement interrompu, sont d'un plus grand intérêt encore pour faire connaître la cause essentielle à laquelle tient la production du son, et pour prouver que celle-ci dépend d'une succession rapide de chocs; ils acquièrent même d'autant plus d'importance que les liquides, n'ayant point d'élasticité, sont impropres à produire des sons par des vibrations analogues aux oscil

lations d'un pendule. Ces conditions se trouvent réunies dans la sirène imaginée par Cagniard-Latour. Là, un courant de liquide qui s'écoule par une ouverture est interrompu momentanément par chaque dent d'une roue tournant avec vitesse sur elle-même ; si la roue se trouve placée sous l'eau, et qu'elle ne fasse que déterminer des interruptions rapides et régulières du courant amené de bas en haut par pression, les chocs qui en résultent produisent, lorsqu'ils se succèdent avec assez de rapidité, un son clair, dont l'acuité croît avec la vitesse des interruptions ou chocs.

Au point de vue de l'organe de la voix humaine, les corps qui nous intéressent le plus sont ceux qui donnent, par des vibrations, le nombre nécessaire de chocs rapidement répétés. Il n'y a que les corps élastiques qui soient susceptibles de produire ainsi des sons. Une impulsion communiquée à l'une de leurs parties se propage au tout, et fait exécuter au corps des oscillations semblables à celles d'un pendule; les chocs déterminés par les vibrations se communiquent aux corps qui sont en contact avec celui-là, et parviennent ainsi, de proche en proche, à l'organe auditif.

A mesure que les sons deviennent plus aigus, le nombre des vibrations augmente. Le son le plus grave dont on fasse usage en musique, l'ut du tuyau d'orgue de trente-deux pieds, donne par seconde 32 vibrations de l'air contenu dans le tuyau; l'ut des octaves suivantes en donne 64, 128, 256, etc. Comme il n'importe en rien que les impulsions soient dues au choc des dents d'une roue ou aux vibrations d'un corps, l'instrument imaginé par Savart, et dans lequel les sons sont déterminés par les chocs des dents d'une roue contre un corps, fournit un moyen facile de connaître avec précision le nombre des vibrations que chaque son comporte.

Les vibrations d'un corps résonnant peuvent avoir lieu dans toute son étendue. Mais ce corps peut aussi se diviser en parties aliquotes, qui vibrent suivant des directions opposées, tandis que les points d'intersection, appelés nœuds de vibration, demeurent en repos. Des chevrons de papier posés sur les nœuds ne remuent point. Les vibrations peuvent aussi varier de direction, être transversales, longitudinales, ou tournantes. Un exemple de vibrations transversales nous est fourni par une corde tendue entre deux points et oscillant d'un côté à l'autre, ou par une verge métallique fixée à l'un de ses bouts. Dans les vibrations longitudinales de l'air, des cordes et des verges, vibrations qu'on détermine sur les cordes et les verges en les frottant suivant leur longueur, les molécules du corps éprouvent, l'une après l'autre, une contraction et une expansion alternatives, qui, une fois arrivées à l'extrémité, ou au nœud de vibration, reviennent sur elles-mêmes. Les vibrations tournantes n'ont été observées par Chladni que dans les verges.

Les corps qui résonnent par vibrations sont ou des fluides élastiques, comme l'air; ou des corps élastiques par tension, comme les cordes tendues; ou des corps solides élastiques par eux-mêmes, comme les verges métalliques et les disques de métal ou de verre. Les lois d'après lesquelles les vibrations productives du son ont lieu dans ces différentes classes de corps résonnants sont d'une grande importance. pour l'établissement de la théorie de la voix humaine. Nous allons les passer rapidement en revue, afin de reconnaître à quelle classe d'instruments sonores appartient l'organe vocal de l'homme. Nous suivrons surtout pour cela les recherches de

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