Page images
PDF
EPUB

» uns fuppriment leurs noms pour éviter la » peine ou la confufion d'avoir mal écrit » ou d'avoir mal choifi un fujet ;, les autres » pour éviter la récompenfe ou la louange » qui pourroit leur revenir de leur travail; » ceux-ci, par la crainte de s'expofer aux » yeux du public, & de faire trop parler » d'eux; ceux-là, par un mouvement de pure » modeftie, pour tâcher de fe rendres utiles » au public fans en être connus ; d'autres » enfin par une indifférence & un mépris » de cette vaine réputation qu'on acquiert » en écrivant, parce qu'ils confiderent » comme une baffeffe & une efpece de def» honneur, (il falloit plutôt dire comme » un fot orgueil,,) de paffer pour auteurs, » de même qu'en ont ufé quelquefois des » princes, en publiant leurs propres ouvra»ges fous le nom de leurs domestiques. »

Il réfulte ordinairement deux préjugés de la précaution que les auteurs prennent de ne pas le nommer; une eftime exceffive, ou un mépris mal fondé pour des ouvrages fans nom d'auteur, parce qu'un nom, pour certaines gens, eft un préjugé qui leur fait adopter tout fans examen, & que pour d'autres, un livre anonyme eft toujours un ouvrage intéreffant, libre, quoique réellement il foit foible ou dangereux.

Ce n'eft que dans ce dernier cas qu'on peut condamner les auteurs anonymes : tout écrivain qui, par modeftie, par timidité, ou mépris de la gloire, ne s'affiche point à la tête de fon ouvrage, ne peut être que louable; ce n'étoit pas la vertu de ces philofo

phes dont Cicéron a dit: Illi ipfi philofo- Orat phi qui de contemnenda gloria fcribunt, proArch. etiam libris fuis nomen fuum infcribunt.

ANTANAGOGE: figure de rhétorique qui consiste, ou à rétorquer une raison contre celui qui s'en fert, ou à fe débarraffer d'une accufation, en la faifant retomber fur celui même qui l'a formée; c'eft ce qu'on appelle autrement récrimination; Voyez ce

mot.

ANTEOCCUPATION, figure de rhétorique qui confifte à s'exprimer de maniere que la perfonne qu'on inftruit de quelque fait, paroiffe en être déja convaincue. Cette figure féduit fouvent fans qu'on s'en apperçoive. Le poëte Sanlecque s'en fert ainfi, en parlant d'un hypocrite :

Il paroît fi dévot que même, d'affez près, Quelquefois on l'a pris pour l'abbé Defmarets. Il contrefait des yeux qu'on ne voit qu'à la Trappe; Il n'eft point de Jolli que ce fourbe n'attrape. »Tu fçais bien cependant qu'il eft plein de fierté, » Jaloux, vindicatif, malin, traître, entêté....

ANTIMÉTATHESE, figure de rhétorique, par laquelle on répete les mêmes mots, mais dans un fens oppofé, comme dans cette pensée: Non ut edam vivo, fed ut vivam edo, Je ne vis pas pour manger, mais je mange pour vivre. On la nomme encore antimétabole & antimétalepfe.

ANTIPARASTASE: figure de rhétorique qui confifte en ce que l'accufé apporte des raifons pour prouver qu'il devoit plutôt

poët

M. Gref

fet.

être loué que blâmé, s'il eût fait ce qu'on lui oppofe.

ANTITHESE, figure de rhétorique par laquelle on oppofe des penfées les unes aux autres pour leur donner plus de jour. Exemple:

J'ai vu mille peines cruelles

Sous un vain masque de bonheur
Mille petiteles réelles

Sous une écorce de grandeur;
Mille lâchetés infidelles

Sous un coloris de candeur.

Il y a plufieurs fortes d'antithèses, dit Quintilien. Quelquefois on oppofe un mot à un autre mot: La pudeur a été contrainte de céder à l'audace; ou deux mots à deux autres mots : Non par notre esprit, mais par votre fecours; ou une pensée à une autre penfée: Que la haine regne dans les affemblées du peuple, mais qu'elle foit bannie des jugemens. Le peuple Romain eft ennemi du luxe dans les particuliers, mais il aime la magnificence publique.

Cette figure fe fait encore par une certaine converfion, ou, pour mieux dire, réciprocation de termes: Il faut manger pour vivre, & non pas vivre pour manger; elle fe termine auffi fort bien, ajoûte Quintilien, par une répétition du même mot, comme dans le paffage fuivant: Si excellent auteur, que vous diriez qu'il eft le feul qui dût monter fur le théatre; fi honnête homme, que vous diriez qu'il n'y dût pas

monter. C'est ce que Cicéron difoit de Rofcius.

» Les antithefes bien ménagées, dit le Entr. » P. Bouhours, plaisent infiniment dans les d'Ar. & d'Eug. » ouvrages d'efprit: elles y font à-peu-près » le même effet que dans la peinture, les » ombres & les jours qu'un bon peintre a » l'art de difpenfer à propos, ou dans la » mufique les voix hautes & les voix basses » qu'un maître habile fçait mêler ensemble. »

Le Sonnet de M. Hénault fur l'Avorton, eft plein d'heureuses antithèses; mais elles y font peut-être trop multipliées; car, quelque brillante que foit cette figure, on ne doit pas l'employer fans réserve : il faut la ménager, & fur-tout quand on écrit en profe. Parmi nos orateurs, M. Fléchier en a fait un trop fréquent ufage, & c'eft ce qui lui donne par-tout un air maniéré. Il plairoit davantage, s'il en eût été moins prodigue. Certains Critiques féveres opinent à la bannir entiérement du difcours : ils la regardent comme un vernis éblouiffant à la faveur duquel on fait paffer des penfées fauffes, ou qui altere celles qui font vraies. Peut-être les fujets extrêmement férieux ne la comportent-ils pas; mais pourquoi l'exclure du ftyle orné & des discours d'appareil, tels que les complimens académiques, les panégyriques, l'oraifon funébre, pourvu qu'on l'y emploie fobrement, & qu'elle ne roule que fur les chofes, & jamais fur les mots?

ANTONOMASE: trope ou figure de rhétorique,par laquelle on met un nom commun pour un nom propre, ou bien un nom propre pour un nom commun,

Par exemple, Sardanapale étoit un roi voluptueux, Néron un empereur cruel; & l'on donne, par antonomafe, à un débauché le nom de Sardanapale; à un prince barbare, le nom de Néron.

Quand les théologiens difent l'apótre pour S. Paul, l'ange de l'école pour S. Thomas; le docteur fubtil, pour Scot; & les gens de lettres, le deftructeur de Carthage & de Numance, pour Scipion Emilien; le Sophocle François, pour Corneille, ils parlent tous par antonomafe. La liaifon que l'habitude a mife entre le nom de S. Paul & celui d'apôtre, entre le nom de S. Thomas & l'idée de l'ange de l'école, &c. fait qu'on ne fe méprend point fur l'attribution de ces titres à ces perfonnages, préférablement à d'autres. A PART, A PARTE: terme affecté à la poëfie dramatique.

Un à parte eft ce qu'un acteur dit en particulier, ou plutôt ce qu'il fe dit à luimême, pour découvrir aux fpectateurs quelque fentiment dont ils ne feroient pas inftruits autrement, mais qui cependant est préfumé fecret & inconnu, pour tous les autres acteurs qui occupent alors la scène. On en trouve des exemples dans prefque toutes les piéces de théatre.

Les Critiques rigides condamnent cette action théatrale, & ce n'eft pas fans fondement, puisqu'elle eft manifeftement contraire aux régles de la vraifemblance, & qu'elle fuppole une abfurdité abfolue dans les perfonnages introduits avec l'acteur qui fait cet à parte fi intelligiblement entendu de tous les fpectateurs; auffi n'en doit-on

« PreviousContinue »