Page images
PDF
EPUB

Rome, un Italien dit: Gallus cantat... Utinam, repliqua l'évêque de Lavaur, ad illud gallicinium Petrus refipifceret! Tout le monde fent la double allufion qui fe trouve dans ce peu de mots. Gallus fignifie également un François & un coq; l'Italien prit ce mot dans ce dernier fens; & Danès, dans fa repartie, fit allufion au repentir que faint Pierre éprouva, au chant du coq, d'avoir renié Jefus-Chrift.

Galba étoit boffu. Un jour qu'il plaidoit devant Céfar, il répétoit fouvent: Redreffezmoi, Cefar, fi je me trompe en quelque chofe... » Je puis vous avertir & vous reprendre, lui » dit Céfar, & non vous redreffer. » César, pour s'amufer, prit ce mot redreffer au fens littéral, au lieu que Galba l'avoit pris au fens figuré.

Les allufions, qui ne roulent que fur des mots, ne font guères permifes que dans la converfation, dans les lettres familieres, les épigrammes & autres petits ouvrages qui ne portent avec eux aucune efpece de prétention; mais on doit les bannir de tout ouvrage férieux. Voyez JEU DE MOTS.

J'ajoûterai encore ici une remarque par rapport à l'allufion : c'eft que nous avons dans notre langue un grand nombre de chanfons dont le fens littéral, fous une apparence de fimplicité, eft plein d'allufions obfcènes. Les auteurs de ces productions font coupables d'une infinité de pensées qui faliffent l'imagination. Enfanter des productions que les perfonnes bien nées ne peuvent lire fans rougir, c'eft fe deshonorer dans leur esprit, Quintilien, tout payen qu'il

Inftit

qu'il étoit, veut que non-feulement on évite les paroles obfcènes ou trop libres, mais encore tout ce qui peut réveiller des idées d'obícénité: Obscenitas verò non à verbistan lib. 6, tùm abeffe debet, fed etiam à fignificatione. c. 3.

orator.

» On doit éviter avec foin, dit-il ailleurs, Lib. 3, »tout ce qui peut donner lieu à des allu- c. 3. » fions deshonnêtes. Je fçais bien que ces » interprétations viennent fouvent dans l'ef»prit, plutôt par un effet de la corruption. » du coeur de ceux qui lifent, que par la » mauvaise volonté de celui qui écrit ; mais » un auteur fage & éclairé doit avoir égard » à la foibleffe de fes lecteurs, & prendre » garde de faire naître de pareilles idées » dans leur efprit. » Voyez OBSCÈNE. POÉSIES LICENCIEUSES.

AMBIGUITÉ, AMPHIBOLOGIE : nous réuniffons ces deux mots dans un même article, non parce qu'ils ont une même fignification, mais parce qu'ils défignent l'un & l'autre le même vice de langage, c'eftà-dire un difcours fufceptible de diverfes interprétations; ce qui fait qu'on a peine à demêler la pensée précife de l'auteur, & qu'il eft quelquefois même impoffible de la pénétrer au jufte.

Le but de la parole eft de peindre les idées avec clarté. L'ambiguité des expreffions marque néceffairement de l'obfcurité dans la pensée :

Selon que notre idée eft plus ou moins obfcure,
L'expreffion la fuit, ou moins nette, ou plus pure:
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
D. de Litt, T. I

[ocr errors]

Boileau Art poët.

[ocr errors]

ch. La

On n'aime point les fens louches & enveloppés dans la fimple converfation: on les fupporte encore moins dans un ouvrage, dont l'auteur eft cenfé avoir réfléchi fur le choix des couleurs qu'il emploiroit pour peindre les idées. Son premier devoir eft de fe faire entendre, & d'épargner au lecteur la pénible contention de chercher à chaque inftant ce que l'écrivain a voulu dire. L'empereur Auguste vouloit qu'on répétât le même mot plufieurs fois, plutôt que de rien laiffer dans le difcours qui présentât un fens entortillé; & un des charmes du ftyle de M. de Voltaire eft cette clarté qui naît de la répétition des mots; car, qu'on y faffe attention, c'eft un des écrivains qui emploie le moins fouvent les pronoms.

On doit donc prendre garde lorsqu'on écrit, non-feulement fi l'on s'entend foimême, mais encore fi l'on fera entendu des autres, foit qu'on fe propofe de les inftruire, foit qu'on ne veuille fimplement que les amufer. Des préceptes peu intelligibles deviennent inutiles, & le plaifir, qu'on ne goûte qu'en furmontant de grandes difficultés, ceffe d'être plaifir. La poëfie furtout demande une diction fimple, précife & dégagée: il faut qu'à la premiere lecture, avec une médiocre attention, fans gêne & fans étude, le lecteur trouve un fens net & développé. La profe a cet avantage, qu'elle peut manier les expreffions avec toute l'étendue néceffaire pour répandre la lumiere fur les objets qu'elle traite. Voyez CLARTE. PRÉCISION. NETTETÉ.

AMPLIFICATION: ce mot porte avec

lui fa fignification; on s'en fert, en rhétorique, pour défigner l'art de faire paroître par le difcours une chofe plus grande, ou moindre qu'elle n'eft en effet : or il y a plufieurs moyens d'amplifier une chofe. Dans le genre démonftratif, par exemple, on peut faire voir que la perfonne qu'on loue eft la feule ou la premiere qui ait fait telle ou telle action, ou qu'elle y a plus de part qu'aucune autre. On tire encore l'amplification des occafions ou des circonftances, en montrant qu'en pareil cas, tout autre n'eût pas fait telle action, exécuté tel projet; que c'eft à l'occafion de cette action ou de ce projet, qu'on a établi des récompenfes, pour animer les autres à faire des actions femblables. Par exemple, Harmodius & Ariftogiton ont été les premiers à Athènes, à qui T'on ait érigé des ftatues dans la place publique. Si la perfonne que nous voulons louer ne fournit pas une matiere d'éloges affez abondante, ayons recours aux paralle les; c'étoit la méthode d'Ifocrate. Comparons notre héros avec des gens illuftres: efforçons-nous de prouver fa fupériorité, ou du moins avec des gens d'un mérite commun, & donnons-lui l'avantage; car c'est toujours un mérite que de furpaffer les

autres.

A ces notions, qu'Ariflote donne pour le genre démonftratif, ajoutons pour celui-ci & pour les deux autres (le genre délibératif & le genre judiciaire,) qu'on amplifie une pentée générale en la particularisant, en la développant, & une penfée reftreinte & particuliere, en remontant de conféquence

en conféquence jufqu'à fon principe. L'am plification fe fait encore ou par exagéra tion, ou par raisonnement, ou par un amas de termes expreffifs qui femblent donner plus de force au difcours que les termes fimples qui, dans le fond, fignifient la même chofe. Ce n'eft pas néanmoins tant à l'abondance des mots, qu'à celle des chofes & à la grandeur des idées qu'il faut s'attacher dans l'amplification; car autrement elle feroit plutôt l'art d'un fophifte & d'un déclamateur, que celui du véritable orateur. Auffi Cicéron la définit-il, une augmentation véhémente, une affirmation énergique qui perfuade en remuant les paffions.

Quintilien & les autres maîtres de l'éloquence font de l'amplification l'ame du difcours; Longin en parle comme d'un des principaux moyens qui contribuent au fublime; mais il blâme ceux qui la définiffent un difcours qui groffit les objets, parce que, dit-il, ce caractere convient au fublime & au pathétique, qu'il diftingue de l'amplification, en ce que le pathétique & le fublime confiftent uniquement dans l'élévation des fentimens & la nobleffe des termes; & l'amplification, dans la multitude des uns & des autres. Le fublime peut fe trouver dans une feule pensée; & l'amplification dépend du grand nombre.

Toutes ces belles defcriptions des orages, des tempêtes, des combats finguliers, de la pefte, de la famine, fi fréquentes dans les poëtes; toutes ces harangues aux foldats, aux peuples, aux ennemis de la patrie, qu'on lit dans les historiens, ne font

« PreviousContinue »