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Que d'embellir son trône ils ont le privilége;
Que des princes ses fils ils forment le cortége;
Et qu'un simple régent bien payé, bien traité,
Lui-même en ce pays, vit libre et respecté,
Dispensé de courir, lorsqu'Ambroise l'ordonne,
De Rennes à Strasbourg, ou de Lille à Bayonne ;
Que les arts protégés.... C'est où je vous attends.
Ces arts qui dans la France ont fleuri de tout temps,
Dont le culte exalta vos plus belles années,
Croyez-vous qu'ils aient fui nos rives fortunées ?
Qu'ils aient, ailleurs qu'au Louvre, établi leur séjour,
Et de Louis-le-Grand abandonné la cour!
Croyez-vous les trouver sous un climat sauvage
Où Rousseau des neuf sœurs désapprit le langage?
Ah! Craignez en fuyant, en rimant loin de nous,
Le destin d'un poëte un peu plus fort
que vous !
Craignez qu'à vos dépens un jour sur le Parnasse
Virgile et Varius ne se moquent d'Horace,
Quand leur gothique ami, grâce à son truchement,
Viendra, pour du français, leur donner du flamand.
-- De l'immortel Rousseau nous connaissons l'histoire ;
Sur les bords de la Dyle il a laissé sa gloire;

On y devait compter: il n'est, dans l'univers,
Que Paris pour la prose ainsi que pour
les vers;
Style, raison, bon goût, tout s'altère en province;
Tandis que le rimeur le plus froid, le plus mince,
A force de hanter, d'ouïr les beaux-esprits,
De se frotter près d'eux, perce enfin à Paris.
On ne peut le nier; mais qu'y faire? -- qu'y faire ?
Ce
que chacun conseille à Pardessus : vous taire :
Sur-tout ne point rimer : les vers sont votre écueil.
-- Ce n'est point ménager notre petit orgueil.
Je vous l'ai dit pourtant; il s'en faut que Bruxelle
Prétende avec Paris entrer en parallèle;
Bruxelle tous les ans ne voit pas en son sein
Fourmiller de rimeurs un innombrable essaim;
A peine *** en six fois douze strophes,

Des Français par hasard nous peint les catastrophes;

A peine dans l'Oracle, ainsi qu'en un tombeau,
** jette en passant un impromptu nouveau ;
Mais si nous n'avons pas d'écrivains si fertiles,
Si nous sommes en vers un tant soit peu
stériles,
Si nous ne possédons ni Bouvet, ni Michaud,
Ni Wailly, jusqu'aux cieux élevé par Dussaut,
Ni Piis qui taillant et retaillant sa plume,
De ses petits couplets enfla maint gros volume,
Ni le gentil auteur qui s'appelle Alissan,
Ni le comte Daru, ni le marquis Aignan,
Ni tant d'autres Phénix dont la veine féconde
Lasse Hoffman et Nodier qui lassent tout le monde,
Privés du doux plaisir d'entendre leurs accords,
Au défaut des vivans, nous recourons aux morts;
Et Racine, Boileau, Molière, La Fontaine
Valent bien, selon nous, ce fier Népomucène (1)
Qui, depuis qu'il a fait les vers d'Agamemnon,
Semble mettre sa gloire à démentir son nom.
Sans doute il est pénible à qui veut tout connaître,
De perdre tant d'écrits qui ne font que paraître ;
Mais la postérité qui rend justice à tous,

Elle-même peut-être en perdra plus que nous.

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C'est votre dernier mot. ---Sur un si beau chapitre
Il me serait aisé d'alonger cette épître ;

Mais nous y reviendrons; aussi bien j'entrevoi
Que vous ne pensez pas tout à fait comme moi;

Et je veux quelque jour vous prouver sans réplique
Que le bon goût n'est point étranger en Belgique.

L. V. R.

(1) M. Lemercier.

ÉNIGME.

Dans l'antiquité fabuleuse,
J'occupais un poste éminent;
Et de la terre au firmament

Je faisais mainte course heureuse.
Sans changer aujourd'hui de nom,
Mon destin a changé de face;
Devenu laquais du Parnasse
Je colporte en chaque maison
Le faux, le mauvais et le bon,
Les nouvelles du temps qui passe,
Et la mode de la saison.

J. B. V.

CHARADE.

Mon premier, cher lecteur, sans pieds, ni mains, ni bras, Lentement chemine sur terre;

De mon second tout amant n’use pas

Quand il s'adresse à l'objet qu'il préfère ;

Sachez rendre à mon tout un hommage sincère,
Et plaignez ceux qui n'en font pas de cas.

J. B. V.

LOGOGRIPHE.

De sept pieds différens merveilleux assemblage,
Je fais tout pâlir devant moi;

Mais qu'on m'ôte le cœur, et sur le champ je gage

Que chacun volontiers me portera sur soi.

J. B. V.

LITTÉRATURE.

EXAMEN DE GERMANICUS,

Tragédie nouvelle par M. ARNAULT.

Ier. ARTICLE.

Il n'est pas encore jour. Séjan ouvre la scène avec

Sentius, sénateur romain, qu'il a rencontré dans le vestibule du palais de Germanicus, où se passe l'action, et dans lequel on voit, d'un côté le tribunal de César, de l'autre la statue d'Auguste.

Après s'être fait rendre compte des dispositions du peuple et de l'armée à l'égard de Germanicus, et avoir entendu le récit de la rupture éclatante qui vient d'avoir lieu entre ce prince et Pison, il interroge et sonde Sentius sur ses propres sentimens; il lui insinue que la popularité de Germanicus est suspecte à Tibère; que sa perte est résolue, qu'elle est nécessaire, et il se flatte de l'espérance de lui succéder. Interrompu par l'arrivée du prince, il sort en annonçant qu'il saura bientôt

renouer cet entretien.

Germanicus irrité du dernier outrage de Pison, s'est déterminé à l'exiler: et, malgré son amitié pour Marcus, fils vertueux d'un si indigne père, il demeure inébranlable dans sa résolution. Verauius est chargé d'intimer' au rebelle l'ordre de quitter l'Asie, et Sentius est prévenu de se tenir prêt à partir le lendemain pour Rome, avec une lettre qui instruira l'empereur de tout ce qui s'est passé.

Il semble que la position de Germanicus devienne moins critique; mais Séjan veille; il revient trouver

Sentius, achève de lui faire voir que la mort de Germanicus ne peut être différée; qu'il doit périr par les mains de Pison, et celui-ci porter sur-le-champ la peine de son obéissance à César et de ses crimes passés. Il ajoute que rien ne peut s'opposer à ses desseins; que certain anneau, remis en ses mains par l'empereur, en assure l'exécution: qu'il faut empêcher Pison de quitter Antioche, et se servir, pour le porter aux dernières extrémités, de l'influence de Plaucine, son épouse, femme envieuse, altière, ennemie irréconciliable d'Agrippine, et capable de tous les forfaits que pour lui, il n'est pas temps encore qu'il déchire le voile dont il se couvre à dessein. Seul, dans la scène suivante, il s'entretient de l'espérance qu'il a de supplanter un jour Tibère lui-même.

Marcus exhorte Plancine, sa mère, à fléchir la sévérité de Germanicus; elle s'y refuse, et veut au contraire entraîner son fils dans ses projets de vengeance; elle est avertie par Sentius que les soldats se soulèvent en faveur de Pison, mais que peut-être il serait imprudent de se rendre à leur vou. Agrippine qui survient, s'étonne de trouver sa rivale, malgré l'ordre qui la bannit d'Antioche, non-seulement dans la ville, mais encore dans le sanctuaire de la justice, où elle a été condamnée. Plancine répond qu'elle apportait des propositions de paix; mais que, puisqu'elle n'a pas un autre accueil à espérer, elle se retire, et du moins ne pourra être accusée des maux qu'elle prévoit et qu'elle voulait éviter.

Germanicus presse le départ de Sentius pour Rome, et confie à Véranius le soin d'aller réprimer la révolte qui éclate dans son camp cependant il engage Agrippine à quitter Antioche et à se réfugier chez le roi d'Arménie; elle résiste long-temps; mais, à la nouvelle la sédition calmée un instant se ranime avec plus de fureur, Germanicus, en s'éloignant, ordonne qu'elle parte.

que

L'ordre se rétablit dans le camp par le dévouement et le courage de Marcus; les soldats, honteux en apprenant que c'est leur révolte qui cause le départ d'Agrippine, la retiennent et la ramènent en triomphe, en lui

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