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d'ailleurs contester la justesse, pour recommander, comme une mesure de salut public, l'occupation d'Amélia et de Galvestown. Le système qu'ont adopté les gouvernemens, d'employer les feuilles publiques à préparer l'opinion aux actes qu'ils méditent, porte à croire qu'en effet on ne tardera pas à apprendre qu'un corps de troupes Américaines a pris possession de ces points importans. L'exécution de cette mesure présentera peu de difficultés; mais les suites peuvent en être graves. Les insurgés y verront une hostilité directe, et, ce qui est plus encore, un outrage prémédité, que les circonstances ne justifieront probablement pas à leurs yeux, et qu'ils ne manqueront pas de ressentir avec cette irritabilité qui est le partage ordinaire de la jeunesse des gouvernemens, comme de celle des hommes. La métropole, de son côté, quoique hors d'état de s'opposer en ce moment à ce qu'elle regardera comme la plus injuste des spoliations, n'en perdra pas le souvenir; car on ne peut guère supposer que cette démarche ait été secrètement convenue entre l'Espague et les Etats-Unis; où serait là nécessité d'un pareil mystère? Enfin, la reine des mers, la jalouse et soupçonneuse Angleterre verra-t-elle avec indifférence la seule rivale qu'elle redoute aujourd'hui, s'emparer d'une station qui peut favoriser le développe ment de sa puissance maritime? Le temps doit nous donner la solution de ces questions diverses, et peut-être ne la fera-t-il pas attendre long-temps.

Les seules nouvelles de quelqu'intérêt que l'on ait reçues depuis peu, touchant la guerre de l'Indépen dance, sont celles qui regardent le Mexique. Le sort de Mina continue à être l'objet des plus étranges incer titudes. Suivant la gazette de Madrid, il erre de forêt en forêt avec un petit nombre des siens, poursuivi par les troupes royales, et prés à chaque instant de tomber entre leurs mains; tandis que, suivant d'autres rapports, transmis par les feuilles anglaises, il s'avance en vainqueur vers la capitale de ce royaume, dont il n'était plus, ajoute-t'on, qu'à six lieues de distance lors du départ des dernières nouvelles. Il est vraisemblable qu'il y a daus ces récits opposés une exagération à-peu-près égale. Mina, qui a perdu à la prise du fort de Sombrero une partie de ses forces, a pu se voir contraint d'abandonner du terrain aux vainqueurs, dans une guerre où la possession du terrain n'est rien, et d'aller attendre dans des

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bois impénétrables à une armée régulière, les renforts d'une foule de guérillas, qui sous des chefs déjà célèbres, opposent aux Espagnols la même résistance que ceux-ci firent éprouver aux envahisseurs de la péninsule. Dans une pareille lutte, où il s'agit, de détruire l'ennemi plutôt que de le vaincre, la rapidité des mouvemens et la multiplicité des attaques sont plus utiles que la connaissance de l'art militaire et la fermeté même de la défense. L'opiniâtreté de ces Numides d'Amérique, qui ressemble à celle des insectes de ces contrées, irrite le soldat européen, qu'elle condamne à des fatigues et à des privations sans cesse renaissantes: il finit par s'affranchir du joug d'une discipline, que chaque jour lui rend plus difficile; il se venge par le pillage, par l'incendie, et ces excès lui créant de nouveaux ennemis, il finit par s'anéantir au milieu d'une immense population, armée toute entière contre lui.

ASIE. Depuis longtemps une guerre d'autant plus cruelle que le fanatisme religieux en était ou la cause ou le prétexte, ensanglantait les sables de l'Idumée, et menaCait sur ce point la puissance ottomane, ébranléc tant de fois, et jamais renversée. Les inquiétudes de la Porte à cet égard viennent d'être calmées, ou peut-être seulement de changer d'objet, par une victoire qu'a remportée sur les Wéchabites un fils du pacha d'Egypte. La défaite de ces redoutables sectaires, si elle est complète, peut servir efficacement les vastes desseins qu'annonce ce gouverneur, qui n'a rien de la mollesse et de l'inertie des Musulmans, et qui, affranchi de leurs préjugés les plus enracinés, ne craint pas d'emprunter à l'Europe les arts qui assurent sa supériorité. Tandis qu'il menace à l'occident les régences barbaresques, il paraît vouloir dominer sur les côtes du golfe arabique; et si les circonstances secondent les vues qu'on lui suppose, peut-être est-il réservé à ce Turc de faire reprendre au commerce de l'Inde la route de la Mer-Rouge, et d'opérer, sous ce rapport, une révolution dont les suites seraient incalculables. Un pareil événement ne serait pas l'un des moins remarquables de ce siècle de phénomènes.

EUROPE. Turquie. En guerre dans l'Asie, inquiet sur l'Afrique, le sultan voit encore, à une distance plus rapprochée, un de ses sujets aspirer à l'indépendance. Le

pacha de Janina renforce ses bataillons et grossit ses trésors. Depuis long-temps sa conduite était plus que suspecie; elle a cependant été tolérée, et même ces nouveaux préparatifs n'ont pu tirer le monarque de son appareute insouciance. En attendant, le peuple de, l'ancienne Thessalie gemit sous une domination d'autant plus insupportable qu'elle est plus concentrée. Ce despote vient de se signaler par un trait qui semble appartenir aux récits fabuleux dont on épouvante l'enfance. Son fils aîné, Mouktar, qui pendant la guerre de 1'Egypte montra à la tête de la cavalerie albanaise une intrepidité dont les relations françaises parlèrent avec admiration, avait conçu un sentiment aussi vif que tendre pour une jeune grecque, non moins séduisante par sa beauté que par cette élégance de mœurs et ce goût passionné des arts que les descendans de la plus brillante des nations conservent encore au milieu de leurs barbares et stupides maîtres. Le feroce Ali a vu avec indignation un sentiment qui menaçait d'adoucir le caractère de son fils, et d'introduire dans Janina cette civilisation européenne, qui si elle n'est pas toujours mère de la véritable liberté, est au moins l'ennemie du despotisme. Il a condamné la jeune Euphrosine à périr dans les flots avec quinze de ses compagnes. Personne n'osant exécuter cet arrêt, il l'a lui-même accompli, et un lac voisin a englouti les victimes. On n'ajoute point si Mouktar a survécu à ce crime, qu'il ne pouvait punir par la mort de l'assassin, puisque cet assassin était son père. Cette anecdote, si tous les détails en sont fidéles (et le caractère connu de ce despote ne la rend que trop croyable) est une assez bonne réponse aux écrivains qui vantent les avantages du pouvoir absolu.

Espagne. Le ministère, qui paraît résolu cicatriser les plaies de l'état en détruisant de grands abus, consacrés par des siècles d'existence, ne recule point devant les difficultés de cette tâche immense. Un édit royal vient d'établir une sorte de conscription militaire, qui n'admet plus les priviléges arrachés par l'orgueil de la naissance, et ne comporte que les exceptions nécessitées par la nature même des choses. En rapprochant cette ordonnance de celle qui soumet le clergé au paiement de sa quote part dans les impôts publics, on ne peut qu'admirer le courage des hommes qui, pour l'intérêt de

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Ja nation, n'ont pas craint de s'attirer les ressentimens des deux corps les plus puissans de l'état, et desirer que tant de patriotisme, de lumières soient couronnés de succès. - France. La loi sur la presse rencontre une vive opposi tion dans la chambre des pairs. Les Tracy, les Mathieu Montmorency, les Lally-Tollendal, ont énoncé à ce sujet les plus saines doctrines, soutenues de l'autorité de leur nom et de l'ascendant de leur éloquence. Le duc de Broglie a prononcé des paroles dans lesquelles on a retrouvé quelque chose du caractère et du génie de la femme étonnante qu'ont récemment perdue les lettres et la liberté, et qui n'eût point donné sa fille à un courtisan. Un des dé fenseurs de la loi n'a pas rougi de reprocher au jeune et noble'orateur d'être le partisan des principes qui avaient tué son père : comme si les crimes des bourreaux devaient s'imputer aux victimes: comme s'il y avait quelque chose de commun entre les idées libérales des hommes éclairés du 19. siècle, et la rage désorganisatrice des niveleurs de 1793. Cette apostrophe, exemple à la fois de géné rosité, de logique et de candeur, a été repoussée par l'indignation de l'assemblée, qui a rendu, dans cette circonstance, l'hommage le plus éclatant aux bienséances scandaleusement violées.

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Angleterre. L'affaire de Hone, trois fois mis en jugement pour une parodie des Ecritures, que l'on cherchait à présenter comufe blasphematoire, parce que quelques divinités terrestres s'y trouvaient peu ménagées, et trois fois acquitté par d'opiniâtres jurys, a été, depuis quel que temps, presque le seul objet de l'attention publique. L'opinion a encore remporté cette victoire, qui fournit une nouvelle preuve des effets de ce pouvoir dont on a naguères nié gravement l'existence à la tribune des députés français, et qui prouve cependant cette existence chaque jour comme un philosophe grec prouva celle du mouve

ment.

Pays-Bas, Deux événemens d'un grand intérêt local ont eu lieu pendant cette semaine. L'un est l'installation de l'Athénée de Bruxelles, établissement qui, sous divers noms, n'a jamais cessé, depuis sa création, d'être cher aux amis des bounes études; l'autre est l'ouverture du salon de Gand, où se pressent une foule de productions agréables, parmi lesquelles il en est plusieurs qui offrent un talent distingué. Nous reviendrons sur cet objel,

MERCURE BELGE.

POËSIE.

LE BONHEUR QUE PROCURE L'ÉTUDE DANS TOUS LES ÉVÉNEMENS DE LA VIE.

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ENFIN, cher Euphémon, la voix de la sagesse
De tes jeunes erreurs a dissipé l'ivresse,
Et ton cœur, détrompé de ses premiers désirs,
Veut un bonheur plus pur et de plus vrais plaisirs.
Trop souvent le dégoût et la crainte importune
Corrompent, me dis-tu, les dons de la fortune :
La gloire nous vend cher sa brillante faveur :
L'amour....., il est bien doux; mais il est si trompeur!
Ainsi, lassé d'errer sur l'océan du monde,
Faible nocher, jouet des caprices de l'onde,
Tu prétends désormais, retiré dans le port,
Te créer un bonheur indépendant du sort.
Eh bien! L'étude, ami, réclame ton hommage.
L'étude est le trésor, la volupté du sage.
Si de nos jeunes ans elle enchante le cours,
Elle sourit encore au déclin de nos jours:
A nos destins divers son charme se marie;
Il s'unit à notre ame, il se fond dans la vie.
Elle habite avec nous l'humble asile des bois,
Sous le dais orgueilleux s'assied auprès des rois :
Le riche en son palais, le pauvre en sa chaumière,
Chérissent les rayons de sa douce lumière :

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