> En vain mes défenseurs, remplissant leurs sermens, » Jusqu'au ceintre ébranlé poussent des hurlemens; » Envain, pour étouffer les cris de la cabale, » Leurs vigoureux battoirs font retentir la salle; » Quelques-uns plus zélés, dans leur juste courroux, » Prodiguant à la fois la menace et les coups, » En un champ de combat transforment le parterre : » L'arrêt était porté, rien ne put m'y soustraire. » Il fallut m'éloigner, désespéré, confus, >> Maudissant mon audace et mes vœux superflus; » Et dès le lendemain, de mon œuvre célèbre » Le Journal des Débats fit l'oraison funèbre. » Accablé sous le poids de ce cruel revers,' » Je jurai pour jamais de renoncer aux vers. » Je voulais retourner aux lieux de mon enfance, » D'un air humble et contrit abjurer ma démence, » Et laisser mes rivanx se disputer entr'eux » D'un art trop séducteur les lauriers périlleux. L'orgueil, l'orgueil maudit, source de ma misère, » M'empêcha d'accomplir ce projet salutaire. »J'osai croire qu'ailleurs je réussirais mieux. » Je présentai par-tout mon enfant malheureux. » Je cherchai dans Paris quelque nouvelle salle, » Du Théâtre Francais modeste succursale; » Mais hélas! en tous lieux je le vis rebuté, » Jusques à l'Odéon, jusques à la Gaîté. » L'un trouvait qu'il était sans chaleur et sans ame; » J'osai, plus fier encore, et bravant la critique, » Aux combats, aux ballets, et sur-tout au tailleur. Sort cruel! Contre moi j'avais les machinistes, » Le souffleur, le moucheur, la moitié des lampistes : » En manquant aux égards dont ils sont fort jaloux, » J'avais imprudemment excité leur courroux. >> Ils saisirent l'instant d'assouvir leur vengeance. > J'avais toujours fondé ma plus haute espérance » Sur un coup de théâtre artistement conduit : » Selon le goût du jour, on y faisait grand bruit; » L'orchestre et les acteurs, par un rare assemblage, » Semblaient s'y disputer la palme du tapage. » Déjà de mon triomphe on donne le signal..... >> O trahison affreuse! O désastre fatal! Les garçons de théâtre et leurs lâches complices » Restent sans mouvement collés dans les coulisses. > En vain l'orchestre entier redouble de fracas : » Les vils conspirateurs ne s'en émeuvent pas; » Ils ne connaissent plus le sifflet qui les guide, » Le parterre égayé rit de leur tour perfide, Et vingt autres sifflets, au premier répondans, » S'unissent en chorus au son des instrumens. Eperdu, maudissant mon étoile fatale, Je m'éloigne, je fuis l'harmonie infernale Que redouble déjà le public tout entier, Et que j'entends encor du bas de l'escalier. » C'est alors, que perdant un reste d'espérance, » Voyant dans l'avenir l'opprobre et l'indigence, » Abandonné de tous, je reculai d'effroi » Devant l'abîme affreux qui s'entr'ouvrait pour moi, Oh! Combien je maudis ma jeunesse abusée, » De mes premiers essais la gloire trop aisée, » Ces éloges menteurs, qui, tels qu'un vin nouveau, » Avaient de leurs vapeurs enivré mon cerveau! » Ah! Que n'ai-je plutôt, me bornant à la prose, » Su rendre mon travail utile à quelque chose, » Et plus modeste au moins, en mes voeux imprudens »Sur une autre matière essayé mes talens! » Si j'avais, abjurant ces ardeurs poétiques, A » Si j'avais, triomphant d'un attrait si fatal, » Sondé les profondeurs du calcul intégral, » Je n'aurais pas peut-être, au printemps de mon âge, » Un entresol pour gîte, et de l'eau pour breuvage. » La racine cubique a des fruits très-certains, » Qu'on ne peut espérer en limant des quatrains. » Je pouvais m'élever à la métaphysique, » Selon le goût du jour, parler de statistique, » Sur ce qu'on sait par-tout, des mémoires secrets. » Pour combler mon bonheur, dirait du mal de moi. » La satire elle-même épargne leur couronne, >> Toujours tendre et discret, modeste et retenu, » J'aurais pu mériter le surnom d'Ingénu; · >> Mes chants, toujours moraux, décrîraient l'innocence, » La candeur, la pudeur, l'amitié, la constance; » J'édifîrais chacun; et le lecteur content >> Se dirait : « Cet auteur est vraiment bon-enfant. » » Oui, tel est l'avenir auquel je pouvais. croire, » Si l'éclat mensonger d'un fantôme de gloire Où puis-je maintenant chercher quelque assistance? » De mes sobres dîners qui paîra la dépense? >> Dans quel lointain séjour cacherai-je ce front, » Que deux fois des sifflets a fait rougir l'affront? » Comment me dérober à tant d'ignominie? « Quel fripier, pour couvrir l'étui de mon génie, >> Voudra complaisamment me fournir des habits? » Et ce feu dévorant qui brûle en mes écrits, » A-t-il versé jamais la chaleur nécessaire » Dans mon triste grenier refroidi par Frimaire ? » De mes brillans travaux voilà quelle est la fin : » La honte, l'abandon, la misère et la faim! » A ces mots, il se taît: et son ame oppressée Par un profond soupir atteste sa pensée. « Je plains, dit Lycidas, le déplorable sort Qui de votre jeunesse a comprimé l'essor. » La rigueur des destins ne m'est point étrangère, » Et malheureux, j'appris à plaindre la misère. » Comme vous, égaré par un premier succès, »De la fièvre d'auteur j'éprouvai les accès; » Comme vous, j'écrivis; mais par un sort contraire, » J'eus le malheur plus grand de réussir à plaire. » Alors je vis s'armer contre mon Apollon » Des zoïles du jour le poudreux bataillon, Ces faiseurs de pamphlets, cette cohorte impure » D'écrivailleurs, goujats de la littérature, » Qui vendant à bas prix leur encre et leur honneur, >> Semblables aux limiers lancés par le chasseur, » De leurs ongles crochus vont déchirant leur proie, Pour servir les projets de tel qui les emploie. » Devenu plus prudent, je voulus éviter » Une lutte sans gloire, et non pas sans danger : » Et préférant enfin le repos à la gloire, » Pris congé pour toujours des filles de mémoire. Et dans le calme heureux d'une retraite obscure, » Ces dons sont un cœur pur, la raison, la santé, » Le travail, et sur-tout la médiocrité. » De ces biens précieux connaissez l'importance; » Il en est temps encore; et cette expérience » Dont votre ame abusée a maudit la rigueur, » Peut devenir pour vous la source du bonheur. » Calmé par ce discours, Alcippe, sans murmure, Fit ses adieux en forme à la littérature. Les secours généreux, les soins de Lycidas, Jusqu'au toît paternel conduisirent ses pas. Désabusé des vers, il rentra dans sa ville, Jurant que désormais il y vivrait tranquille, Et dès le lendemain, pour occuper son temps, Fit le plan d'un poëme en quarante-deux chants. Si facit exilium MEVII VOTUM. pravo de vate Maronem, Pu. L***. O Rex summe, precor, mittar in exilium. ÉNIGME. Z. élève à l'athénée. C'est de moi seul qu'on a pu dire : Il renferme le bon, le mauvais, et le pire; Un tel destin, lecteur, n'aura rien qui t'étonne, Se mêle de parler de finances, d'amour, D'exploits fameux, de querelles du jour, Sur le monde, et la ville, et les champs, et la cour. CHARADE. Ce n'est point sans péril qu'on franchit mon premier; Et mon second souvent a lieu par mon entier. C. à Tournay. |