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a pas de forte possible pour un chanteur qui crie toujours à tue-tête, le professeur qui punit toujours le plus possible se fait détester sans profit pour la discipline et pour le travail. Les élèves s'accoutument à tout. Je me rappelle qu'à un moment de mes études, étant interne, j'allais tous les jours à la retenue du soir. Un jour, le proviseur entra dans la salle et me demanda pour quel maître j'étais en retenue. Je n'en savais rien. J'y allais de confiance. Le surveillant, interrogé, n'en savait pas davantage. Le proviseur me délivra. Croyez-vous que cela me réjouit beaucoup ? Cela me gêna presque d'être en récréation à cette heurelà. J'en avais perdu l'habitude. Vous savez d'ailleurs que, selon les indications les plus sûres de la psychologie, la sensation ne croît pas comme l'excitation, c'est-à-dire qu'il faut des moyens bien plus forts du double pour produire le double d'effet. On a donné ici une Messe de Berlioz avec cinq cents puis avec mille exécutants. A la seconde audition, tout le monde a été déçu: l'effet n'a pas répondu à l'énorme déploiement des moyens. Si on prend pour mesure de l'efficacité des punitions non l'effet moral, tout de convention et d'opinion, qu'on réussit à en obtenir en les graduant, mais la quantité de douleur physique infligée, le fouet paraîtra bien vite insuffisant, car c'est par l'idée morale qu'on y attache qu'il produit chez nos voisins de si bons effets ; il faudra scalper les élèves pour qu'ils se laissent émouvoir.

<«< Ensuite, la répression ne saurait gagner les volontés. Elle les brise et les écrase, ou bien elle les révolte en les comprimant. Elle fait des lâches ou des insurgés. Elle n'atteint pas le for intérieur: Circum præcordia sævit. Pour gagner les volontés, il faut exciter les forces vives, il faut faire appel aux bons mouvements dont la jeunesse est coutumière, il faut entraîner, il faut séduire. Même au régiment, les chefs qui ont leurs soldats dans la main sont ceux qui se font aimer d'eux. Mais je vous ferais injure en insistant. Vous m'avez compris.

<«< Il est impossible qu'un professeur dominé par ces préoccupations élevées ne soit pas l'objet, de la part des familles, de sentiments de haute estime. Il est impossible qu'il n'occupe pas dans la société une place éminente, et qué cette confiance, cette gratitude des familles ne jettent un lustre sur sa vie modeste. J'en connais beaucoup qui préfèrent cette condition aux situations les plus fortunées.

« Voilà l'idéal que nous vous proposons; il n'a rien d'inaccessible; en le poursuivant, vous serez sûrs d'obtenir plus aisément les égards de vos chefs. Vous resterez ainsi étrangers aux mésintelligences qui séparent trop souvent l'administration et le corps enseignant. L'enseignement secondaire traverse une crise, salutaire à mon avis, mais mêlée, comme toutes les crises, de symptômes d'apparence inquiétante. La division qui règne quelquefois dans nos maisons et qui, grossie par la malveillance, défraie la chronique des petites villes, est une des causes les plus actives de nos pertes momentanées. Il faut espérer beaucoup des règlements nouveaux, qui appellent les professeurs au conseil de discipline et les invitent à travailler avec les administrateurs au bien de la maison sur un terrain défini. Il faut espérer beaucoup aussi de cette tendance générale de groupement hiérarchique qui se révèle en ce moment dans toutes les parties de la nation, et dont l'ordre tout spontané qui règne ici est un frappant exemple. Décidément le régime républicain est une bonne école de discipline, parce que c'est une école de discipline volontaire. Gardez, REVUE DE L'ENSEIGNEMENT. - XX.

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Messieurs, cet esprit de libre sagesse! Ayez le sentiment très net que la prétention de rejeter tout contrôle et tout lien social est pour nous tous un principe de désorganisation et une cause de faiblesse. En un mot, dans vos rapports avec vos collègues pour la coordination trop souvent négligée des enseignements, avec les maîtres répétiteurs pour l'échange de vos impressions sur vos élèves, avec le proviseur ou le principal pour l'organisation de votre service et la discipline, comme avec le public et les autorités locales, dans ces rapports multiples ayez toujours pour règle cette idée: que tout ce que vous faites et tout ce que vous êtes sert ou nuit à la maison, au lycée ou au collège dans lequel vous enseignez au nom de l'État, par conséquent à l'Université et au pays. Je ne crains pas de vous le répéter, c'est une grave erreur de croire qu'on fait tout son devoir quand on accomplit sa tâche dans son coin et sans vouloir tenir compte des besoins généraux du corps auquel on appartient. Il est digne d'esprits assouplis et élargis par une forte culture d'envisager toujours l'ensemble des relations sociales auxquelles ils sont mêlés, et de plier leurs fantaisies personnelles aux intérêts supérieurs de la solidarité universitaire.

LE RAPPORT DU CONSEIL GÉNÉRAL DES FACULTÉS
DE L'ACADÉMIE D'AIX

Lundi, a eu lieu, à Aix, la rentrée des Facultés.

Suivant une nouvelle décision, un seul rapport d'ensemble a été présenté. Cette année, c'est M. Jourdan, doyen de la Faculté de droit, qui en avait été chargé.

Nous reproduisons les principaux passages de cette spirituelle allo cution.

MONSIEUR LE RECTEUR, MESSIEURS,

Comme toutes les Facultés de droit de France, la Faculté d'Aix est dans une période de transformation: elle tend de plus en plus à se transformer d'École professionnelle en École des sciences morales et politiques. Dans ces dernières années, de nouveaux enseignements ont été créés droit constitutionnel, histoire du droit, droit international privé et public, économie politique. Nous nous attendons encore à d'autres créations. Nous ne pouvons qu'applaudir à ce mouvement. Jusqu'ici le même personnel a suffi à ce surcroît de besogne. Seulement, comme nous ne sommes pas maîtres du temps, et pour ne pas surcharger, j'ai failli dire surmener, les plus studieux de nos élèves, il faudra réduire certains enseignements quant à leur durée il y aura, il y a déjà des enseignements semestriels.

La récente loi militaire a été pour nous un événement considérable. Elle porte que, à condition d'avoir obtenu le diplôme de docteur en droit avant l'âge de 26 ans, on sera dispensé de deux années de service. Nous avons déjà eu un avant-goût des rudes combats que nous aurons à soutenir contre les pères et les mères, qui viendront nous dire : Ce n'est point par amour du droit que mon fils aspire au diplôme de docteur, c'est uniquement pour ne faire qu'une année de service: soyez donc indulgents. Nous n'entrerons pas dans cette voie : c'est pour nous un cas de conscience. Nous entrevoyons, nous savons par le résultat des derniers examens, que les aspirants au doctorat seront plus nombreux,

mais que le nombre des ajournements sera proportionnellement plus grand. Il y a deux ans, nous n'avons eu que 39 inscriptions de doctorat; nous en avons eu 89 l'année dernière. Là où, il y a deux ans, nous n'avons eu que deux ajournements sur 10 candidats, soit 1/5, nous avons eu, dans la dernière année, 11 ajournements sur 26 candidats, presque la moitié. Voilà les avertissements que nous devons aux intéressés.

Sans que cela résulte d'une transformation proprement dite, comme celle que je viens de vous signaler pour la Faculté de droit, la Faculté des sciences voit, d'année en année, son enseignement s'étendre. Des chaires ont été dédoublées et même détriplées. Avec ce nombre croissant de professeurs, les travaux du laboratoire deviennent de plus en plus importants, non seulement ceux accomplis par les professeurs euxmêmes, mais encore ceux exécutés par les élèves sous la direction de leurs maîtres. A cet accroissement d'activité devraient répondre des ressources plus abondantes. Les ouvriers toujours plus nombreux de cette noble usine scientifique sont en mesure de mettre en œuvre un capital plus considérable, outillage, matières premières et auxiliaires. Or, les crédits alloués aux sciences physiques et naturelles sont restés les mêmes. Les locaux sont insuffisants; on y étouffe. La plupart d'entre nous ont, il est vrai, assisté, il y a six ans, à la pose de la première pierre d'une nouvelle Faculté des sciences; mais cette première pierre n'en a pas vu une seconde et a tout l'air d'une pierre tumulaire. Il faut encore à la Faculté des sciences beaucoup de livres, et des livres très chers. Lorsqu'il s'agit de la répartition du crédit qui est alloué en commun à toutes les Facultés du ressort, nous faisons volontiers la plus grosse part à la Faculté des sciences; mais cela ne lui suffit point. M. le doyen émet le vœu, bien modeste assurément, qu'on lui fasse une plus large part dans les ouvrages et revues scientifiques que l'État envoie gratuitement aux bibliothèques publiques. Il pense avec raison que ces libéralités seraient plus profitables à la science si elles s'adressaient aux bibliothèques universitaires dans une proportion plus forte qu'aux bibliothèques des villes.

Je n'insisterai pas sur les examens passés devant la Faculté des sciences. Je me borne à en signaler l'augmentation régulière progressive, la proportion des admis, 33 p. 100, restant constante, à peu de chose près.

Voici venir maintenant la Faculté des lettres avec la formidable statistique de ses examens du baccalauréat : 1023 candidats à examiner et plusieurs milliers de compositions à lire ! La proportion des admis varie de 39 p. 100 à 57 p. 100, suivant la nature de l'examen, première ou deuxième partie; suivant les saisons qui amènent des candidats plus ou moins solides. Je me garderai d'ailleurs de toucher à cette épineuse question du baccalauréat, sur laquelle ceux qui passent pour les plus compétents ne paraissent pas près de s'entendre. En présence de cette abondance de candidats, la Faculté des lettres se demande avec tristesse

D'où lui viennent de tous côtés

Ces enfants qu'en son sein elle n'a point portés,

tandis que ses vrais enfants, ses vrais élèves, ceux qui aspirent à la licence et à l'agrégation, lui font de plus en plus défaut? La raison en est simple les débouchés manquent pour les licenciés ès lettres, et, quant aux boursiers d'agrégation, ils paraissent devoir être réservés

aux Facultés privilégiées, aux futures Universités. La Faculté des lettres d'Aix n'a plus un seul boursier d'agrégation. Le nombre des boursiers de licence va en décroissant : en 1886 et en 1887, dix-sept candidats ont subi les épreuves du concours pour l'obtention des bourses de licence; en 1888, il s'en présente quatorze; en 1889, huit; cette année, cinq se font inscrire, et quatre seulement affrontent les épreuves. C'est une vraie déroute. Allons-nous donc revenir aux temps héroïques des Facultés des lettres, alors que quatre ou cinq professeurs sans élèves ne visaient qu'à charmer un auditoire, d'élite sans doute, mais ondoyant et divers?

A mesure que nous avançons, les doléances deviennent de plus en plus vives et, je dois le dire, plus légitimes. La Faculté de droit ne réclame que la liberté de ne pas faire de mauvais docteurs, ce qui ne dépend que d'elle; la Faculté des sciences se plaint de l'insuffisance de ses locaux et des crédits qui lui sont alloués, ce qui est bien quelque chose, mais enfin elle marche; la Faculté des lettres se plaint d'avoir trop peu d'élèves à instruire et trop de bacheliers à interroger, et de se voir ainsi réduite au rôle ingrat de commission d'examens. Nous arrivons à l'École de médecine, et ici la plainte a un accent particulièrement douloureux. Ce ne sont pas les élèves qui lui manquent; mais on les lui enlève au moment où ils lui sont devenus le plus chers, au moment où cette alma mater serait heureuse d'achever l'éducation scientifique qu'elle a commencée et de constater les progrès accomplis! Sic vos non vobis... Vous raconterai-je qu'il y a eu dans la dernière année 676 inscriptions; que les examens des pharmaciens sont médiocres; que ceux des officiers de santé sont un peu meilleurs; que d'ailleurs l'officiat tend à disparaître ; que les examens du doctorat ont été satisfaisants; que les locaux affectés à l'École sont insuffisants? Il s'agit bien de cela, vraiment! Le grand, l'unique et éternel grief, dans lequel tous les autres viennent se fondre, le voici : Partout, à Paris comme en province, il est notoire que les cours théoriques sont délaissés et les cours pratiques régulièrement suivis. Au point de vue des travaux pratiques, Marseille offre les immenses ressources d'une ville de 400000 habitants. Il serait facile d'y établir, autour de l'École, des cliniques spéciales en dehors du cadre officiel de l'enseignement. Or, disent nos collègues de l'École de médecine, qu'arrive-t-il? Les travaux pratiques sont d'autant plus profitables aux étudiants qu'ils sont plus avancés dans leurs études... mais c'est précisément alors qu'ils nous quittent, à l'approche des derniers examens. Ils s'en vont dans la Faculté qui doit leur conférer le grade de docteur; ils se rapprochent de leurs juges pour se faire connaître d'eux, pour se familiariser avec les questions pour lesquelles ils ont une prédilection marquée et qui seront peut-être posées le plus habituellement aux examens. Enfin, il est permis de supposer qu'ils ne sont pas attirés ailleurs uniquement par le désir de trouver des maîtres plus savants.

Ah! si au lieu d'être une École, nous étions une Faculté !...

M. Lange, réélu à la presque unanimité membre du Conseil supérieur de l'instruction publique, a adressé à ses collègues la lettre suivante : MES CHERS COLLÈGUES,

En me nommant, en 1888, votre délégué au Conseil supérieur, vous

m'avez fait un très grand honneur. Vous venez de m'en faire un plus grand encore, en me témoignant, par votre vote du 30 octobre, que j'ai rempli fidèlement mon mandat.

J'en suis d'autant plus touché que notre enseignement se trouve dans une situation plus difficile et que notre tâche est devenue plus lourde que jamais.

La grande majorité d'entre vous n'a pas songé à m'en rendre responsable. Vous n'ignoriez pas, sans doute, que depuis mon entrée au Conseil supérieur je n'ai cessé de faire des démarches multipliées et pressantes, afin d'obtenir pour les professeurs de langues vivantes une situation conforme à l'équité et égale à celle de leurs collègues. Peutètre saviez-vous aussi que, dès cette année, nous avions lieu d'espérer que l'administration et le Parlement nous accorderaient la satisfaction réclamée par nous depuis si longtemps.

Vous vous êtes dit, du reste, que l'élection du 8 octobre ne portait que sur un seul point : la suppression de l'épreuve de langue vivante au baccalauréat. Vous avez compris que c'était une véritable consultation sur cette question vitale pour notre enseignement, et vous l'aviez prononcée avec calme et fermeté, sans idée d'indiscipline comme sans faiblesse.

Respectueux de la loi, si regrettable qu'elle nous paraisse, nous nous appliquerons à tirer le meilleur parti que nous pourrons des institutions qui nous régissent.

Mais comment ne nous serait-il pas permis d'espérer que l'administration et le Conseil supérieur ne se décident à rétablir à bref délai une épreuve dont les résultats n'ont été contestés par personne, et qui est considérée par tous les maîtres chargés d'enseigner les langues vivantes comme la sanction nécessaire de cet enseignement? Nous ne saurions douter du désir des hommes placés à la tête de l'instruction publique, de voir prospérer toutes les branches des études. Pourquoi, s'ils reconnaissaient l'erreur qui a été commise, désespérerions-nous de leur empressement à la réparer?

Quant à moi, mes chers collègues, je n'ai pas besoin d'ajouter que je me consacrerai plus que jamais à la défense de vos intérêts et de ceux de notre enseignement. Ma meilleure récompense sera de conserver votre estime, dont vous venez de me donner un si précieux témoignage.

M. Girard, professeur agrégé à la Faculté de droit de Paris, commencera son cours libre sur les sources du droit romain, le mardi 9 décembre à 4 heures un quart, et le continuera les mardis suivants à la même heure (Troisième Amphithéâtre).

Il dirigera, en outre, les second et quatrième jeudis de chaque mois, à 5 heures un quart (Salle des Conférences, no 5) des exercices pratiques consacrés à l'étude de textes de Droit romain pris dans les auteurs juridiques, les auteurs littéraires et les recueils épigraphiques.

Mme Kergomard a été réélue membre du Conseil supérieur de l'Instruction publique par 583 voix sur 1311 électeurs inscrits et 1007 vo

tants.

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