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susciter tels que les pratiquaient les anciens, qu'il cite à chaque page. Les Grecs et les Romains avaient plus de loisirs que nous; nos mœurs ne sont pas les mêmes que les leurs. Nous avons autre chose à faire que de manger et de digérer, de nous faire oindre avec des parfums, frictionner avec des huiles douces, gratter avec des strigiles. Nous ne pouvons pas prétendre mouler nos corps sur le modèle antique; il doit nous suffire de les rendre sains, agiles et vigoureux.

Il a paru nécessaire de donner à cette notice une certaine étendue pour faire apprécier le service qu'a rendu M. Quick à l'histoire de la littérature pédagogique en publiant les Positions. L'éminent écrivain prépare une édition pareille d'un autre livre, très remarquable aussi, le Ludus literarius de Brinsly (1612). Cette œuvre sera en quelque sorte le complément des Positions, en ce que l'auteur ne nous y dit pas seulement ce qui devait se faire dans les écoles, mais encore ce qui s'y faisait.

Jacques PARMENTIER,

Professeur à la Faculté des lettres de Poitiers

DU

RATTACHEMENT DES SOCIÉTÉS SAVANTES

A L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

Les efforts qui ont été tentés depuis quinze ans pour transformer l'enseignement supérieur auront, avant la fin du siècle, produit quelques-uns des résultats désirés : la France possédera sept ou huit grandes Universités provinciales, autour desquelles graviteront pareil nombre de petites Universités. La première partie du programme de M. Duruy sera ainsi à peu près réalisée.

Le moment est peut-être venu de songer à la seconde. Dès 1868, écrivait-on récemment ici même (1), M. Duruy « rêvait de rattacher aux Facultés les Sociétés savantes pour affirmer plus nettement l'unité, la solidarité de tous les intérêts scientifiques du pays». Le but est excellent. On pourrait toutefois en chercher d'autres : par exemple, vivifier l'une par l'autre les Facultés universitaires et les Sociétés savantes, ces deux moules modernes de l'activité scientifique; aider la province à cette reprise d'une vie intellectuelle propre, qui est l'un des caractères de la seconde moitié de notre siècle; par-dessus tout, donner à cette vie moins l'intensité que la qualité scientifique qui lui manque trop souvent encore.

Mais, ces fins admises, quels sont les moyens de réalisation? La réponse à cette question est le véritable objet du présent article.

Le premier moyen serait d'amener, par voie de décret ministériel, les associations savantes de chaque ressort académique à considérer le recteur comme leur organe naturel et obligé auprès du ministère de l'instruction publique dans tous les cas où elles ont à correspondre avec lui. Entre elles et les Facultés universitaires d'un même ressort académique existerait dès lors un premier lien administratif qui permettrait d'en établir d'autres. Ainsi on pour

(1) Le Mouvement des idées pédagogiques dans l'enseignement supérieur, par Henri MARION (Revue de l'enseignement supérieur, XVIII, 294).

rait songer à remettre aux recteurs la surveillance de certains intérêts communs aux Sociétés savantes et aux Facultés universitaires, tout particulièrement de ceux que représentent les bibliothèques, les archives, les musées, les laboratoires. Innovation d'une très réelle portée, puisqu'elle tendrait à faire des recteurs les grands surveillants, non seulement de l'enseignement public à ses trois degrés, mais encore de tous les services qui ressortissent actuellement au ministère de l'instruction publique.

Une conséquence de cette organisation serait d'obliger les recteurs- qui, aujourd'hui, en règle générale, ne connaissent d'autres sociétés savantes, d'autres établissements scientifiques que ceux du chef-lieu de leur circonscription, à étendre considérablement le cercle de leurs préoccupations. Peut-être ce programme paraitra-t-il bien vaste en lui-même et bien lourd aux épaules de maints recteurs. Pourtant ceux-ci jouissent déjà d'une considération et d'une autorité morale qui faciliteraient beaucoup leur tâche. Ils trouveraient d'ailleurs des auxiliaires tout naturels dans les doyens de chaque Faculté, en leur déléguant certaines attributions conformes à la nature de leurs études.

Quant à l'étendue du programme, elle est commandée par le sentiment, très vif en certaines provinces, de l'absence d'un pouvoir spécial, voisin et compétent, au service de tous les intérêts intellectuels. Si l'on gouverne bien de loin, on ne contrôle bien que de près. C'est une doctrine exprimée, si nous ne nous trompons, par Napoléon III; elle n'a rien perdu de sa valeur. Or, dans l'état des choses, le ministère de l'instruction publique est, pour les matières techniques, le seul contrôleur des établissements scientifiques. Pour les matières administratives, ce sont les pouvoirs locaux, préfets et maires. Mais qui ne sait que ceux-ci se désintéressent trop souvent de cette partie de leurs attributions, sollicités qu'ils sont par d'autres services d'une importance moins discutable pour eux? Ne serait-ce pas remédier à ces inconvénients que de transporter la surveillance des établissements scientifiques de chaque province, non point à des inspecteurs généraux qui apparaissent de loin en loin, mais à des fonctionnaires qui résident et qui, mieux que les magistrats de l'ordre administratif, sont pénétrés de l'importance des intérêts intellectuels?

Il importe, pour être bien compris, de préciser la nature des attributions qui pourraient être dévolues à ces hauts représentants du ministère de l'instruction publique.

Leur rôle, en ce qui concerne les Sociétés savantes, serait celui d'une influence purement morale, comme il convient à l'égard de

sociétés libres (1): intéresser celles-ci à l'enseignement des professeurs qui instituent des recherches sur la région; inversement associer aux travaux des sociétés les savants de profession pour réduire l'influence néfaste des amateurs; s'efforcer d'introduire l'esprit scientifique partout où règne le chauvinisme de province et d'église; provoquer la formation d'associations nouvelles, tout au moins le développement de celles qui existent, dans la mesure réclamée par les besoins locaux; fonder, dans les villes où il n'y a point de Facultés, des chaires répondant à des besoins spéciaux, telles que chaires de chimie industrielle, de droit commercial, de notariat, d'histoire provinciale, etc.

A l'égard des établissements scientifiques, le recteur veillerait à l'observance des règlements, si outrageusement violés parfois; à la rédaction des catalogues et des inventaires, totalement abandonnée dans quelques villes. Il organiserait l'échange des livres, des manuscrits et des périodiques qui, aujourd'hui, dans l'étroite mesure où il se pratique, se fait pour plus de retards par l'intermédiaire du ministère. Il écouterait les doléances du public, les transmettrait aux pouvoirs locaux et appuierait auprès de ceux-ci toutes les demandes d'amélioration qu'il y aurait lieu de présenter.

En ce qui touche aux travaux scientifiques et historiques, le recteur pousserait à la publication des dictionnaires et répertoires départementaux prescrits par le ministère, mais abandonnés partout à la seule bonne volonté des Sociétés savantes et des travailleurs isolés. Il provoquerait la publication des recueils de textes historiques, si indispensables aux progrès des études; il encouragerait la rédaction des monographies cantonales et des histoires provinciales. Les revues régionales qui se sont fondées en ces dernières années (Annales de l'Est, Annales de la Faculté des lettres de Bordeaux, Annales de l'enseignement supérieur de Grenoble, Annales du Midi) pourraient devenir, par l'entremise des recteurs, les organes de grandes enquêtes régionales sur certains points à déterminer.

A ces attributions indispensables le ministère, en se plaçant à divers points de vue, en ajouterait sans doute bien d'autres. Mais la réforme administrative une fois opérée, on ne serait encore qu'à mi-chemin du but à atteindre, car l'on n'aurait guère ratta

(1) Nous relevons dans un ouvrage récent (l'Allemagne depuis Leibnitz, par M. LÉVY-BRUHL, p. 23) une singulière preuve de confiance donnée à la fin du XVIe siècle aux associations savantes : «< Leibnitz, nous est-il dit, n'espère rien des Universités dont les défauts lui paraissent sans doute incurables. Il voudrait plutôt fonder des sociétés savantes où l'esprit de la science et de la philosophie modernes se manifesterait par des découvertes de toute sorte...

ché les Sociétés savantes à l'enseignement supérieur que d'une manière toute formelle. Après la réforme par le pouvoir central, il faudrait donc qu'il se produisit dans le corps universitaire -si dédaigneux en province (et souvent avec raison) de tout ce qui se fait en dehors de lui un changement d'esprit dont nous allons indiquer les conditions de succès.

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Ce changement d'esprit ne peut guère se provoquer par voie d'autorité. Mais si, comme on peut l'espérer, il se produit spontanément, par suite d'une vue claire des intérêts de la science, il aura besoin, pour aboutir, de l'appui du ministère de l'instruction publique. Le changement, la petite révolution que nous appelons, consisterait en ce que chaque Université, grande ou petite, affichât hautement l'ambition de prendre le gouvernement intellectuel d'une ou plusieurs provinces. Sans développer ici cette idée (1), nous ferons pourtant remarquer que les Universités provinciales joueraient ainsi, à très juste titre, dans l'élaboration de la science, le rôle prépondérant qu'y ont joué les parlementaires et le clergé aux trois derniers siècles, les sociétés savantes dans le nôtre (2).

Mais pour les trente ou trente-deux provinces qui existaient en 1789, il n'y avait, en 1870, que seize ressorts académiques. Il en résulte que la moitié de ces anciennes provinces ne sauraient trouver sur leur propre territoire le centre universitaire qu'il leur faut. Le problème est donc de rechercher dans quel ordre il conviendrait d'appareiller les provinces déshéritées avec les provinces plus favorisées, l'ordre actuel étant reconnu ne plus répondre aux besoins existants. Ce nouvel ordre, déterminé par une rigoureuse constatation des affinités historiques et des intérêts actuels, conduirait nécessairement à remanier les circonscriptions académiques établies en 1854 sur un principe assez différent. Mesure grave, à

(1) Nous nous tenons, de parti pris, dans la question administrative jusqu'à la fin de l'article.

(2) Bien que constituées par départements, beaucoup de ces sociétés étendent leurs recherches à la totalité de leurs provinces: Société historique de Provence Société des archives de la Saintonge, Société historique du Périgord, Société historique de Gascogne, Société des bibliophiles de Guyenne, Société des bibliophiles languedociens, Société archéologique de Touraine, Société des bibliophiles bretons, Société archéologique et historique de l'Orléanais, Société d'archéologie lorraine, Société académique du Nivernais, Comité flamand de France, Société des antiquaires de Morinie, Société d'émulation de l'Auvergne, Société des bibliophiles de Béarn, Société archéologique du Maine, Académie des sciences de Savoie, Société des antiquaires de Normandie, Société de l'histoire de Normandie, Société des antiquaires de Picardie, Société littéraire, artistique et archéologique de la Vendée, Société des archives historiques du Poitou, Société archéologique et historique du Limousin.

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