Page images
PDF
EPUB

comme répétiteur. Cette réforme serait à la fois éminemment. démocratique et profitable à l'Université. Celle-ci serait assurée de recruter son personnel parmi les plus dignes et les plus capables; il n'y aurait plus de déclassés, mais des jeunes gens sûrs d'arriver à une position honorable dès qu'ils auront réussi à attirer l'attention par leur aptitude, leur travail et leur conduite. Les bourses seraient données autant que possible dans la région, par le recteur, non plus après concours, mais d'après l'ensemble des notes et le résultat des examens d'une ou de plusieurs années, sur la proposition du conseil des professeurs compétents et l'avis favorable du grand conseil, qui apprécierait en dernier ressort. On ne donnerait d'ailleurs ces bourses que pour un temps limité; elles seraient renouvelables, par exemple, tous les deux ou trois ans. L'État, pour ne point renoncer à récompenser des services rendus, continuerait à avoir ses boursiers, qu'il enverrait où bon lui semblerait mais son choix ne devrait porter que sur des sujets qui satisferaient aux diverses conditions indiquées plus haut, et le conseil de l'Université provinciale, sur la proposition des conseils spéciaux, aurait toujours le droit de demander au ministre l'éloignement ou la radiation de ses boursiers.

Un mot encore au sujet des examens du baccalauréat, et nous aurons fini. Les professeurs de Faculté ne peuvent pas, ne doivent pas se désintéresser des examens de l'enseignement secondaire, du baccalauréat moins encore que de tous les autres. Mais ils ne doivent pas non plus y figurer seuls : nous admettons qu'ils forment la majorité dans le jury, et que les professeurs des lycées et des collèges, pourvu qu'ils soient agrégés, soient appelés à siéger avec eux. Du reste, avec la réforme que nous proposons, cet examen sera bien simplifié le nombre des candidats sera moins grand, et leur qualité moins médiocre, puisqu'ils devront avoir satisfait auparavant à divers examens de fin d'année ou de passage, et que les professeurs de Faculté les auront déjà vus et presque suivis dans le cours de leurs études secondaires.

La seule difficulté sérieuse provient de la liberté de l'enseignement. Dieu nous garde de vouloir toucher à cette prérogative de notre société moderne! Tout au plus admettrions-nous que l'État se réservât de choisir ses serviteurs où il lui plait, et qu'il n'admit à entrer dans ses écoles spéciales, tout comme dans les rangs de ses maitres, que des élèves ayant fait leurs études sous sa direction; personne ne pourrait, sans injustice, s'insurger contre une pareille prétention. Mais nous n'avons pas à nous occuper ici de cette question. La liberté de l'enseignement secon

daire existe il faut compter avec elle. Comment organiser alors ces visites, ces inspections, ces examens de fin d'année, dont nous faisons une des pierres angulaires de notre nouvel édifice? Le moyen nous paraît bien simple: il n'y a qu'à déléguer des professeurs de l'État chargés de faire ces inspections et ces examens dans les établissements libres. Ceux-ci auront, dans bien des cas, plus à gagner qu'à perdre à une pareille innovation: la loi votée, on ne songerait plus à crier, mais à profiter de cette bonne aubaine. Tout le monde serait content, et les études ne s'en trouveraient pas plus mal. Il est inutile, croyons-nous, de réfuter à ce propos les objections tirées des faiblesses ou des passions de la nature humaine si, malheureusement, nous devons toujours un peu compter avec elles, n'est-il pas permis de supposer que c'est dans le corps enseignant, dans ce corps universitaire si intelligent et si honnête à la fois, qu'elles exercent leur moindre action? Les institutions, a-t-on dit, ne valent que par les hommes qui les mettent en œuvre notre Université idéale aurait grande chance de se fonder et de vivre, s'il était permis, pour cela, de ne compter que sur le bon esprit et la vieille probité des universitaires!

L.-E. HALLBERG.

ÉTAT ACTUEL

DE

L'ENSEIGNEMENT DES LANGUES VIVANTES

DANS L'ÉDUCATION DES GARÇONS

EN FRANCE

Parmi les différents ordres d'enseignement, un des plus nouveaux, ou du moins des plus nouvellement organisés, est celui des langues vivantes (1). L'importance donnée à l'étude de l'allemand et de l'anglais aux différents degrés de l'enseignement (l'italien et l'espagnol sont étudiés dans le Midi, l'arabe en Algérie), l'introduction de ces matières dans les programmes d'examen et, parallèlement, la considération du public pour une étude autrefois méconnue et délaissée, l'adaptation de cette étude aux besoins des différentes catégories d'élèves dans les écoles et l'assimilation aux autres branches de l'éducation, tout cela est récent, tout cela est l'œuvre de l'Université nouvelle.

Dans l'enseignement supérieur et l'enseignement primaire supérieur, cette organisation a marché de pair avec les créations. et les réformes générales des quinze dernières années; dans l'enseignement secondaire, l'étude des langues vivantes a participé aux fluctuations par lesquelles ont passé tous les programmes des lycées et des collèges. Mais nous sommes à la veille d'une nouvelle organisation de notre enseignement secondaire : le plan d'études adopté après les délibérations les plus récentes du Conseil supérieur de l'instruction publique va entrer en vigueur dès la prochaine année scolaire, c'est-à-dire au mois d'octobre; les circulaires contenant les dernières instructions sur les méthodes particulières à chaque ordre d'enseignement viennent d'être envoyées dans tous les lycées et collèges.

Le moment est donc favorable pour examiner la place faite

(1) Voy. dans la Revue du 13 juin 1889 l'Enseignement du français en Allemagne. 3

REVUE DE L'ENSEIGNEMENT.

-

XX.

aux langues vivantes aux différents degrés de l'enseignement, les méthodes appliquées et les résultats obtenus : c'est ce que nous voudrions essayer d'exposer ici à grands traits.

I

Rien ne montre mieux le rôle effacé, presque honteux, joué il y a encore une vingtaine d'années par les langues vivantes, que la manière dont on étudiait l'anglais et l'allemand dans les Facultés, pour ne prendre que les deux langues modernes les plus officiellement consacrées, les plus classiques aujourd'hui. Rien non plus que le mode de recrutement des maîtres de l'enseignement secondaire. M. Beljame, l'éminent professeur à la Sorbonne, a exposé dans la Revue, au moment où le mouvement de réforme de l'enseignement supérieur commençait à se préciser, les vices d'organisation dont souffrait l'étude des langues et des littératures étrangères : il a montré les énormes lacunes de cet enseignement, non représenté dans nombre de Facultés, représenté dans quelquesunes par une seule chaire, la chaire de « littérature étrangère » dont la dénomination vague indique déjà l'insuffisance. Quant aux examens, M. Beljame marque les tribulations auxquelles ils ont été soumis, établis une année, supprimés une autre, continuellement modifiés sans répondre jamais aux exigences de l'enseignement (1).

Cet état de choses est heureusement bien changé. Les langues vivantes ne jouissent pas encore d'une organisation complète dans les Facultés, tant s'en faut. Mais des postes sont créés et pourvus d'année en année. La Sorbonne possède actuellement cinq maîtres de langues et littératures germaniques. A la plupart des Facultés sont attachés des professeurs ou tout au moins des chargés de cours et des maitres de conférences pour les langues modernes; la spécialisation, au moins aussi indispensable pour les littératures des nations voisines que pour les littératures anciennes, est favorisée par le dédoublement des chaires. L'impulsion est donnée; tout porte à croire que le mouvement se propagera rapidement. Paris, Nancy, Lyon, Lille deviennent des centres tous les jours plus fréquentés des étudiants en langues vivantes. A côté de ces Facultés, celles de Caen, Bordeaux, Rennes, Aix, Poitiers, Clermont ont leurs cours et conférences de langue allemande, anglaise, italienne ou espagnole, quelquefois de deux ou trois de ces langues en même temps.

(1) Voy. la Revue, t. IX, janvier à juin 1883 et t. IV, 1er juillet 1882.

Mais l'enseignement ne vit pas uniquement de professeurs. A côté des maîtres il faut des élèves. L'institution qui a le plus contribué à attirer autour des professeurs les étudiants en langues vivantes, comme, du reste, les autres étudiants du groupe des études littéraires, a été celle des bourses: bourses de voyage, bourses d'agrégation et de licence. Malheureusement, les langues vivantes ne sont pas la seule branche à solliciter les secours des pouvoirs publics. Elles sont encore noyées au milieu des autres spécialités. Il faut dire aussi que les bourses de séjour à l'étranger sont, par leur nature même, plus coûteuses que les autres : de là le nombre encore très restreint de celles dont disposent les Facultés en faveur des étudiants en langues vivantes. D'autres bourses viennent aussi faire tort à celles que pourraient accorder les Facultés : ce sont celles qu'on donne aux élèves de l'enseignement primaire supérieur. Certes, il est très désirable qu'on envoie le plus possible à l'étranger les jeunes gens les plus distingués formés par l'enseignement primaire. Quelques-uns d'entre eux préparent, par la suite, les examens qui donnent accès aux postes de l'enseignement secondaire. Mais ne serait-il pas préférable d'assurer avant tout le recrutement des étudiants, c'est-à-dire des futurs professeurs des lycées et des collèges, parmi les jeunes gens qui ont reçu l'instruction secondaire, quitte à doter postérieurement l'enseignement primaire des bourses de voyage? Car, on s'en rend compte aisément, un professeur d'allemand de l'enseignement secondaire peut plus facilement faire un bon maitre de l'enseignement primaire supérieur, qu'un jeune homme ayant recu l'éducation générale de l'enseignement primaire devenir un bon maître dans un collège.

--

Mais il faut espérer que le nombre des bourses augmentera: il suffit pour cela, qu'au lieu d'être distribuées par intervalles, dans quelques Facultés privilégiées, elles soient généralisées et distritribuées régulièrement dans les différents centres universitaires. Il faut espérer aussi qu'autour des boursiers viendront se grouper, pour l'étude des langues vivantes, comme c'est le cas pour les autres branches de l'enseignement, des jeunes gens qui puissent subvenir d'eux-mêmes à leurs besoins durant le cours de leurs études. Du reste, il est facile de constater que le relief donné à l'Université et à l'enseignement public par le régime même où nous vivons, et la considération qui en rejaillit sur le corps enseignant, attirent de plus en plus vers l'enseignement les jeunes gens appartenant à des familles aisées. Il est à souhaiter qu'un certain nombre se tournent du côté des langues vivantes :

« PreviousContinue »