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songer à les discuter ici : disons seulement qu'elles méritent d'appeler l'attention de tous ceux qui souhaitent de s'éclairer sur ces délicates questions.

Il n'y a pas lieu d'insister avec autant de détail sur le second ouvrage : l'Éducation anglaise en France, enrichie d'une préface remarquable de M. Jules Simon. La cause qu'il plaidait naguère, avec tant de chaleur, est aujourd'hui en partie gagnée. Il est juste de reconnaître que M. de Coubertin a eu le mérite de poser l'un des premiers le grave problème de l'éducation physique et d'y intéresser le grand public par une série d'articles et de conférences. Maintenant que des progrès si sérieux et si pratiques ont été réalisés, chacun des promoteurs a le droit de réclamer la part d'honneur qui lui revient dans l'œuvre accomplie. Les tableaux qu'il nous trace de l'éducation universitaire en France sont d'un pessimisme noir, à coup sûr fort injuste. Nos lycéens y sont représentés, par opposition avec les élèves de tel établissement d'enseignement libre, comme de malheureux êtres, au sourire bête, au regard baissé, à l'air gêné, « ce qui les rend, paraît-il, si agaçants et si humiliants pour notre amour-propre national ». Pauvres lycées! On s'est mis à les malmener avec un singulier acharnement. Il semble qu'ils aient assumé, depuis quatre-vingts ans, tous les torts et toutes les responsabilités, qu'ils n'aient livré au pays que des générations malingres et rachitiques, usées avant l'âge. Franchement, c'est aller un peu loin. Il y avait sans doute, et il y a encore bien des réformes à effectuer dans nos lycées, mais de là à en présenter de si sombres descriptions, il n'y a plus aucun rapport. Cette réserve faite, nous ne faisons pas difficulté d'approuver tel ou tel réquisitoire du livre de M. de Coubertin, de goûter sincèrement plusieurs de ses chapitres, comme le 2o et le 3o de la première partie : Un comité de jeunes gens et de gens rajeunis et l'École Monge à Eton; comme le 3o, le 10° et le 11° de la seconde partie. Au loin et le Choix des carrières renferment de sages conseils, qu'on ne saurait trop répéter. Mais, encore une fois, ne poussons point au noir les défauts et les lacunes de l'ancienne éducation et, comme le faisait observer si justement M. Monod, il y a quelques semaines, ne nous grisons pas trop avec ce mot barbare, le surmenage.

S'il fallait, à l'égard de ces trois ouvrages exprimer une préférence, je me prononcerais sans hésiter pour le dernier récemment paru sous le titre Universités transatlantiques, et qu'on intitulerait plus exactement : « L'éducation physique dans les Universités d'Amérique. » Ce n'est pas qu'il ne donne lieu à aucune critique; mais il est en somme plus neuf et plus personnel, dans son ensemble, que les deux premiers. Ce sont toujours de rapides esquisses, des croquis, des notes de voyage, mais un peu plus fournies, plus nourries de faits et de comparaisons. De ces photographies de mœurs instantanées, il se dégage une impression assez juste et suffisamment nette de la vie universitaire américaine, observée surtout par le dehors. Certes, l'aviron, les concours athlétiques, les courses à pied, le dynamomètre, le spiromètre, etc., y tiennent une large place, mais ce n'est pas tout à fait la faute de l'auteur. Au reste, celui qui jugerait de l'activité et du sérieux des études, d'après le nombre et la fréquence des exercices physiques cultivés par les étudiants risquerait fort de se méprendre. On travaille beaucoup dans ces jeunes Universités : l'auteur ne le fait pas remarquer assez. Si

l'on trouve par surcroît le temps de s'y amuser, qui peut songer à s'en plaindre? M. de Coubertin, qui a visité ces établissements très vite, on peut dire au pied levé, nous promène successivement à travers les Universités de Princeton, de Cambridge près Boston, en particulier, de Montréal, de Québec, d'Ottawa, de Toronto, d'Ithaca, d'Ann Arbor, de Chicago, de Saint-Louis, nous faisant ainsi courir du nord au sud et réservant pour la fin les établissements de Washington et de Baltimore, auxquels il consacre une étude un peu plus détaillée. Il s'oriente avec une grande aisance au milieu de ces institutions si diverses et si compliquées sans jamais fixer mais, aussi sans lasser l'attention de son lecteur, donnant, chemin faisant, des renseignements sur les autres ordres d'enseignement, indiquant par des observations sommaires, les différences qui caractérisent les établissements catholiques, surtout ceux du Dominion, et célébrant avec enthousiasme les bienfaits de la liberté et des dotations particulières. A ce point de vue, surtout, c'est un livre qui vient bien à son heure. Il est à souhaiter que ceux de nos compatriotes, qui aspirent à se signaler par de généreuses fondations, méditent les glorieux exemples qui nous viennent d'Amérique et se décident à les imiter. Au lieu de créer indéfiniment de nouveaux prix sous le poids desquels les Académies commencent à fléchir, qu'ils songent donc à doter nos futures Universités. Si quelques personnes bien inspirées se décidaient à entrer dans cette voie, elles contribueraient singulièrement à simplifier les graves questions qui nous préoccupent (1).

La Chambre ardente. Étude sur la liberté de conscience en France sous François Ier et Henri II (1540-1550), suivie d'environ 300 arrêts inédits, rendus par le Parlement de Paris, de mai 1547 à mars 1550, par N. WEISS (1 vol. in-12. Paris, librairie Fischbacher. 1889). L'ouvrage que vient de publier M. Weiss est une importante contribution à l'histoire religieuse du xvie siècle. Il apporte des résultats vraiment nouveaux et modifie complètement sur plusieurs points les opinions admises jusqu'ici. Publié pour le premier centenaire de la liberté de conscience, ce livre est digne à tous égards de la grande date que la société de l'histoire du protestantisme français a voulu célébrer. Il se compose de deux parties bien distinctes: une étude ou introduction historique divisée en trois chapitres sur la liberté de conscience pendant les dernières années du règne de François Ier et les trois premières de celui de Henri II, et un recueil d'arrêts inédits rendus par le Parlement de Paris contre les luthériens, depuis le commencement du règne de Henri II jusqu'au mois de mars 1550. L'introduction est un morceau solide, condensé, qui témoigne d'une connaissance sérieuse de toute cette période. Nous ne pouvons que signaler ici les pages tout à fait neuves consacrées à l'histoire de la Chambre ardente, à ses préliminaires, aux

(1) Les conclusions de ce livre sont adressées sous forme de rapport « à Son Excellence monsieur le ministre de l'instruction publique ». Ces quelques pages qui n'ajoutent rien à l'intérêt du volume, produisent une impression fâcheuse sur l'esprit du lecteur. On peut ne pas juger de trop près de simples « notes de voyage », mais on est en droit de chercher dans un rapport officiel des qualités d'une autre portée que celles qu'on se plait à reconnaitre dans l'oeuvre aimable d'un amateur éclairé.

circonstances qui ont accompagné son institution, à son fonctionnement. La découverte faite par M. Paul Guérin, aux Archives nationales, d'un registre original du Parlement resté jusqu'ici inconnu, a permis à M. Weiss de nous donner en appendice de nouveaux détails, non moins précieux, sur l'établissement et l'organisation de la seconde Tournelle criminelle ou Chambre ardente. Comme son volume était déjà imprimé an moment de cette trouvaille, l'auteur n'a pu faire à ce registre que de courts emprunts. Espérons que cette circonstance l'amènera à étendre et à remanier son intéressante introduction, de manière à nous donner une vue d'ensemble du mouvement religieux au milieu du xvie siècle. C'est un sujet des plus attrayants, que les historiens ont à tort négligé jusqu'ici et sur lequel nous n'avons encore que d'incomplètes données. Le savant bibliothécaire est en état mieux que personne de le traiter d'une manière définitive. La collection d'arrêts qui forme la seconde partie du volume a été publiée avec soin. Elle fournit, pour l'histoire du protestantisme dans les régions les plus diverses, des renseignements aussi nombreux que variés, en éclairant d'autre part d'une vive lumière le rôle et l'attitude des différentes classes sociales à l'égard de la Réforme.

Rapports du relatif et de l'absolu, par FÉLIX CELLARIER (1 vol. in-18, Paris. Félix Alcan, 1890). L'auteur de ce livre s'est aperçu, en parcourant les diverses appréciations dont son premier travail, Études sur la raison, a été l'objet, que la critique n'avait en général que très imparfaitement saisi le vrai sens et toute la portée de ses idées. Il tente donc aujourd'hui un second pas qui, sans atteindre encore le but, lui permettra d'en accomplir bientôt un troisième et dernier. Il demande en conséquence qu'on veuille bien différer ce qu'il appelle l'arrêt définitif jusqu'à ce moment-là ce suprême effort devant être décisif dans un sens ou dans l'autre (p. vi). La totalité de la nouvelle théorie, mise alors dans tout son jour aux yeux du public, rendra possible un jugement éclairé par l'examen de toutes les pièces du procès. Il n'y a donc qu'à s'incliner devant le désir exprimé par l'auteur, en lui donnant acte du « second pas » qu'il vient d'accomplir.

A. L.

Le Gérant: Armand COLIN.

Paris. Typ. G. Chamerot, 19, rue des Saints-Pères.-26427.

DE

L'ENSEIGNEMENT

LA NOUVELLE LOI BELGE

SUR LA

COLLATION DES GRADES ACADÉMIQUES

ET

LE PROGRAMME DES EXAMENS UNIVERSITAIRES

Au moment où éclata la révolution de 1830, il existait en Belgique trois Universités, toutes trois Universités de l'État, toutes trois créées ou réorganisées par le gouvernement hollandais (1): celles de Louvain, de Liège et de Gand. La réaction qui se produisit alors contre tout ce qui, de près ou de loin, tenait au régime déchu, et l'engouement général pour les idées de liberté eurent pour conséquence la ruine de l'enseignement public, et notamment de l'enseignement supérieur. Mutilées, privées de l'élite de leurs professeurs, abandonnées par le gouvernement, les Universités de l'État trainèrent une vie misérable jusqu'en 1835. Dans l'intervalle, l'épiscopat belge, faisant usage de la liberté d'enseignement décrétée par la Constitution (2), avait créé une Université catholique qui fut inaugurée à Malines le 4 novembre 1834, et le parti libéral, de son côté, avait fondé l'Université libre de Bruxelles, qui fut ouverte le 20 novembre de la même année.

L'instruction supérieure fut enfin organisée, sous le ministère. de M. de Theux, par la loi du 27 septembre 1835.

(1) L'arrêté royal du 25 septembre 1816 décréta le rétablissement de l'Université de Louvain et la création des Universités de Liège et de Gand.

(2) L'article 17 de la Constitution belge porte: « L'enseignement est libre; toute mesure préventive est interdite; la répression des délits n'est réglée que par la loi. L'instruction publique donnée aux frais de l'État est également réglée par la loi. »

REVUE DE L'ENSEIGNEMENT.

XX.

22

Cette loi laissait deux Universités seulement entre les mains de l'État. L'Université de Louvain était supprimée, et une convention conclue avec le gouvernement le 13 octobre 1835 céda à l'Université catholique, auparavant établie à Malines, les locaux, la bibliothèque, les collections et les bourses de fondation de notre vieille Université nationale.

Deux Universités de l'État et deux Universités libres, l'une catholique, l'autre libérale, se trouvaient donc en présence.

A qui devait appartenir le droit de conférer les grades académiques? Telle est la question qui s'imposa tout d'abord à l'attention du législateur, et qui, depuis 1835, a dominé chez nous tous les débats relatifs à l'instruction supérieure, question d'autant plus importante qu'en Belgique, où l'examen d'État (Staatsexamen) est chose inconnue, les grades académiques donnent directement accès aux carrières libérales ou à certaines fonctions.

Diverses solutions furent adoptées successivement, dont aucune, à l'épreuve, ne parut satisfaisante. Et il n'y a pas à s'en étonner: opposition d'intérêts entre l'enseignement officiel et l'enseignement libre, opposition de tendances entre les Universités libres elles-mêmes, représentant les deux grands partis politiques qui divisent le pays, c'étaient là des difficultés sérieuses qu'aggravaient encore les fluctuations du régime parlementaire.

La loi de 1835 déterminait les branches de l'enseignement, les grades et les matières des examens. Les grades étaient conférés, aux élèves des Universités libres aussi bien qu'à ceux des Universités de l'État, par des jurys siégeant à Bruxelles et composés chacun de 7 membres, qui étaient nommés chaque année de la manière suivante : 2 étaient désignés par la Chambre des représentants, 2 par le Sénat, et 3 par le gouvernement. L'idée de confier à des assemblées politiques la nomination de la majorité des examinateurs n'était pas heureuse. De 1836 à 1843, le parti catholique étant au pouvoir (sauf une courte interruption, du 18 avril 1840 au 13 avril 1841), il se trouva que la Chambre avait nommé 65 jurés de Louvain, 38 de l'État, 16 de Bruxelles, 73 hors du corps professoral. Ce serait présumer beaucoup de la vertu humaine que de croire que des jurys ainsi composés montrèrent une égale bienveillance pour tous les récipiendaires. Des abus furent dénoncés; des protestations énergiques se firent entendre.

« La circonstance que des préoccupations politiques primaient le plus souvent les véritables intérêts de l'enseignement dans le choix des titulaires, avait encore d'autres conséquences fâcheuses: ces jurys, composés d'éléments hétérogènes, de fonctionnaires,

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