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débuts de l'École en 1871, dans une petite salle de la rue de l'Abbaye, et ses progrès successifs, jusqu'à son installation daus l'hôtel qu'elle possède à présent, et il en a profité pour faire un bel éloge de M. Boutmy qui, après avoir créé cette grande œuvre, a su, se faisant vraiment « évocateur d'âmes », susciter des vocations et, d'hommes jeunes et inconnus, faire des professeurs qui marquent aujourd'hui dans la science française.

L'ENSEIGNEMENT LIBRE CATHOLIQUE

M. Léon de Crousaz-Cretet publie, dans le Bulletin du 15 juin de la Société générale d'éducation, un intéressant article sur la dix-neuvième assemblée des catholiques. Nous en détachons les passages suivants :

<< Comme toujours, les catholiques réunis en congrès au mois de mai ont donné une large part de leurs travaux et de leur attention aux questions qui concernent l'enseignement à tous ses degrés; c'est sur ce terrain, en effet, que la lutte est la plus vive et la plus ardente entre les défenseurs et les adversaires de l'Église catholique.

Nos amis ont su tirer, dès le premier jour, un merveilleux parti des facilités que leur donnait la loi de 1875 sur la liberté de l'enseignement supérieur, en dépit des mutilations et les restrictions dont cette même loi a été, peu de temps après, l'objet. En l'absence de M. l'abbé Boudinhon, l'éminent recteur de l'Institut catholique, Mgr d'Hulst, qui faisait à la commission l'honneur de la présider ce jour-là, a bien voulu lui exposer la situation de la Faculté de théologie de Paris. Il a rappelé comment un vote de la Chambre, rendu au cours d'une discussion budgétaire, avait supprimé les Facultés de théologie catholiques de l'État, ne laissant subsister que les Facultés de théologie protestantes. Pour combler cette lacune et pour réparer cette injustice, une Faculté libre a été fondée près de l'Institut catholique; elle a reçu tout dernièrement l'institution canonique du Saint-Siège, ce qui lui permet de conférer les grades d'une façon officielle. Cette faveur va lui donner un nouvel essor; déjà l'enseignement des langues orientales y est organisé d'une façon très forte; de nouveaux développements vont être donnés aux autres branches des sciences sacrées. Très important est le rôle des Facultés de théologie catholiques à notre époque; on peut dire que leur rôle est double d'une part, elles fourniront aux paroisses des prêtres pourvus d'une solide instruction; et, d'autre part, elles seront en quelque sorte l'école normale où se formeront les professeurs de nos grands séminaires.

L'installation de Facultés de médecine catholiques répondrait, elle aussi, à un besoin bien urgent et à des desiderata bien souvent exprimés: car c'est surtout dans cet ordre d'idées que l'enseignement officiel présente les plus graves dangers. Malheureusement c'est là aussi que se rencontrent les plus sérieuses difficultés, tant sont grandes les exigences de la loi, si multipliées sont les conditions qu'elle impose aux Facultés libres. La première et la plus importante de toutes, c'est l'existence d'un hôpital d'au moins 120 lits mis à la disposition de la Faculté, de ses professeurs et de ses étudiants. A Paris on ne pouvait espérer, comme à Lille, traiter avec l'Assistance publique; il a donc fallu créer un hôpital de toutes pièces. On s'est mis à l'œuvre, sans se laisser arrêter

par les obstacles de toute nature que devait rencontrer une pareille entreprise. L'hôpital Saint-Joseph, installé à Vanves, ne compte encore que 50 lits; il en aura 100 l'année prochaine, et 150 l'année suivante. Même quand cela sera fait, l'organisation d'une Faculté libre de médecine n'en présentera pas moins de très grandes difficultés, à cause de la concurrence terrible de la Faculté officielle pourvue d'un outillage perfectionné, disposant des ressources que lui offrent tous les hôpitaux de Paris, où affluent les étudiants non seulement de toute la France, mais du monde entier. Avec une dépense annuelle de 60 à 80 000 francs, on pourrait peut-être arriver à organiser, non pas une Faculté libre, mais une simple École préparatoire : cela suffirait-il à attirer les étudiants que tant de raisons appellent sur les bancs de la Faculté officielle? C'est une question au moins douteuse. On voit, par ces quelques considérations, que la création d'un enseignement catholique de la médecine n'apparaît que dans un avenir encore assez lointain.

Avant d'entreprendre des constructions nouvelles, il faut réparer et relever celles qui existent depuis longtemps déjà et qui menacent ruine. La maison des Carmes, qui abrite actuellement l'Institut catholique, est dans un état de vétusté absolue; les salles de cours et de conférences sont insuffisantes; les collections de physique, de chimie et d'histoire naturelle ne peuvent plus trouver place dans les locaux qui leur sont assignés. Il est de toute nécessité de refaire au moins la partie des bâtiments qui bordent la rue d'Assas; c'est ce que M. Joseph Chobert, secrétaire général de l'Institut, a démontré dans un très intéressant rapport lu à la commission de l'enseignement. Les dépenses sont évaluées approximativement à 300 000 francs; c'est un gros chiffre sans doute, mais il n'y a pas trop lieu de s'en effrayer quand on songe que la souscription, à peine ouverte depuis quelques semaines, a déjà produit 78 000 francs.

Nos Facultés catholiques manifestent encore leur activité intellectuelle et scientifique en faisant paraître des Revues et des Bulletins qui ont pour objet de divulguer leurs travaux et leurs recherches, et d'établir un lien de plus entre les différentes branches de l'enseignement supérieur. M. Griveau a donné lecture d'une étude très complète sur les publications de ce genre et spécialement sur le Bulletin de l'Institut catholique de Paris, dont la création ne remonte qu'au 1er janvier de cette année.

Les professeurs des Facultés libres ne se bornent pas à enseigner la jeunesse qui se presse autour de leurs chaires; ils vont encore porter la bonne parole jusque dans les milieux officiels, où l'on professe la neutralité, sinon l'hostilité, pour tout ce qui tient au christianisme. C'est la tentative hardie et courageuse qui a été faite, cette année même, par l'honorable M. Gardair; et cette tentative, hâtons-nous de le dire, a été couronnée d'un plein succès. M. Gardair a obtenu du conseil général des Facultés de Paris l'autorisation de professer un cours libre sur la philosophie de saint Thomas dans une des salles de la Sorbonne; ce cours est suivi par plus de cent personnes, et notamment par plusieurs professeurs de l'Université qui témoignent, par leur présence assidue, de l'importance qu'ils attachent aux leçons de M. Gardair.

M. l'abbé Pisani a entretenu la commission du Congrès des savants catholiques qui doit se réunir en 1891. On n'a pas oublié celui qui se tint à Paris en 1888 et qui réussit au delà de toute espérance, puis

REVUE DE L'ENSEIGNEMENT.

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qu'il réunit quinze cents adhérents et qu'un très grand nombre de mémoires y furent lus sur toutes les questions intéressant les sciences mathématiques, physiques, philosophiques, juridiques, économiques et historiques. En même temps la gestion financière de l'œuvre a été si habile qu'elle s'est traduite par un excédent de recettes de près de 2 000 francs. L'assemblée des catholiques de 1889 a vivement applaudi le rapport présenté par M. l'abbé Pisani, et s'est empressée d'adopter le vœu suivant qui en était la conclusion :

« Le Congrès considérant qu'il convient de travailler à conserver aux enfants de l'Église la place qui leur a toujours appartenu dans le domaine de la science;

«<< Considérant qu'il ne faut pas se lasser de protester contre la théorie d'une prétendue incomptabilité entre la science et la foi; 1o manifeste ses sympathies aux organisateurs du Congrès scientifique international des catholiques qui doit se réunir en avril 1891; 2° émet le vœu que de semblables assemblées se tiennent périodiquement pour créer et entretenir des relations entre savants catholiques; 3° engage tous les catholiques zélés à contribuer au succès de l'entreprise en s'y associant par leurs travaux, leur adhésion et leurs offrandes. »>

Le P. Lallemand a lu un rapport des plus remarquables sur les réformes de l'enseignement secondaire classique. Il a d'abord rappelé les vicissitudes sans nombre par lesquelles ont passé les programmes de ces études; pour ne rappeler que les plus récentes, ce sont les modifications apportées au régime de nos établissements secondaires par M. Duruy en 1865, par M. Jules Simon en 1872, par M. Jules Ferry en 1880. On sait quel était l'esprit de ces dernières; l'étude des langues anciennes était réduite dans des proportions considérables, la part faite aux sciences, aux langues vivantes, à l'histoire et à la géographie devenait prépondérante, le système des devoirs écrits faisait place à l'explication orale; c'était toute une révolution. Qu'en est-il résulté ? un abaissement déplorable des études classiques: au bout de quelques années, les maîtres de tout ordre faisaient entendre les plaintes les plus vives et les mieux fondées; pour leur donner satisfaction, on dut nommer, en juillet 1888, une grande commission chargée d'examiner les modifications qu'il conviendrait d'apporter au programme. Ce sont les propositions de cette commission, sanctionnées par un arrêté ministériel du 28 janvier 1890, qui sont aujourd'hui le règlement des lycées et des collèges.

L'idée maîtresse de cette réforme, c'est un retour à l'ancien système, c'est-à-dire une part plus grande faite au grec ou au latin, de nombreuses restrictions apportées à l'enseignement des sciences, de l'histoire et des langues vivantes; les exercices de composition latine sont remis en honneur; le thème grec fait sa réapparition en troisième et même en seconde. Sous ce rapport, on ne peut qu'applaudir aux nouveaux programmes; car c'est la reconnaissance, sinon complète, au moins très large, des principes qui ont toujours prévalu dans les institutions libres. Mais ce qui manquera toujours aux établissements de l'État, c'est cette éducation morale basée tout entière sur la religion qu'on ne saurait remplacer par des exercices de gymnastique, si bien combinés soient-ils.

Il y a des gens qui, parait-il, ne trouvent pas les programmes de

l'enseignement secondaire assez chargés, et qui veulent y adjoindre l'enseignement agricole. C'est, du moins, l'objet d'une proposition de M. Édouard Rey qui a été déposée, il y a quelque temps, sur le bureau de la Chambre des députés. M. Specht, dans une courte et excellente note lue à la commission du Congrès, a fait voir tout ce qu'une pareille innovation renfermait d'inconvénients. Il vaut bien mieux que les jeunes gens commencent par faire de bonnes études classiques, et qu'ils aillent ensuite recevoir l'instruction technique qui leur est nécessaire dans des établissements spéciaux, comme l'Institut agronomique de Paris ou comme l'École des hautes études agricoles de Lille. La commission a pleinement partagé les idées exposées par l'honorable M. Specht.

M. F. Gibon a donné lecture d'un très spirituel rapport sur l'enseignement secondaire des jeunes filles. En groupant habilement un certain nombre de faits qui se sont produits depuis quelques années, en entremêlant sa démonstration de quelques anecdotes piquantes, il n'a pas eu de peine à établir que la fameuse loi Camille Sée avait produit des résultats déplorables, au point de vue physique comme au point de vue moral et intellectuel. C'est ce dont conviennent aujourd'hui les promoteurs les plus ardents des lycées de filles, comme le professeur Deschanel. Ils ne veulent pas renoncer à leur œuvre néfaste, mais ils sont obligés d'en confesser les désastreux effets. L'affaiblissement de la santé des jeunes filles par suite du surmenage scolaire, la perversion qu'engendre l'enseignement d'une morale sans Dieu et l'exemple de maîtres et de maîtresses corrompus, la formation d'une foule de déclassées impuissantes à trouver un gagne-pain dans ce brevet si ardemment sollicité : voilà quelques-uns des vices, disons mieux, des crimes imputables aux auteurs de la nouvelle législation sur l'enseignement des filles.

Le R. P. Regnault a entretenu la commission du Congrès de l'Alliance des maisons d'éducation chrétienne. Nous n'en dirons rien ici, car ce rapport a été reproduit in extenso, ainsi que le vœu qui en était la sanction, dans le Bulletin de la Société d'Education du 15 mai 1890 (1). Nous nous contenterons de rappeler deux chiffres significatifs : l'Alliance comprend aujourd'hui 401 établissements ou institutions; dans le cours de l'année 1890, 177 000 exemplaires d'ouvrages classiques ont été édités et vendus par ses soins.

Il serait fort à désirer qu'on arrivât à de pareils résultats en ce qui concerne l'enseignement primaire, aussi l'Assemblée des catholiques a-t-elle adopté le vœu suivant qui servait de conclusion à un travail de M. l'abbé Binz :

<< Considérant que beaucoup de directeurs et de directrices d'écoles libres usent trop souvent, faute de renseignements suffisants, de livres classiques qui ne présentent pas toutes les garanties nécessaires au point de vue religieux, mais qui ont un caractère fâcheux de neutralité; « Considérant, d'autre part, que les livres classiques publiés par des éditeurs chrétiens sont en général d'un prix plus élevé que les autres, par suite du nombre restreint d'établissements auxquels ils s'adressent; «Dans le but de remédier à ce double inconvénient;

« L'Assemblée des catholiques émet le vœu : « 1° Qu'il soit formé,

(1) V. p. 235.

entre les directeurs et directrices des écoles primaires libres, une alliance analogue à celle qui fonctionne avec succès entre les maisons d'enseignement secondaire libres; 2° que la Société générale d'éducation et d'enseignement prenne l'initiative de la création de cette alliance, en cherchant à établir une entente entre les supérieurs des différentes congrégations enseignantes d'hommes et de femmes; 3° que la Société générale d'éducation et d'enseignement continue la publication d'une liste de livres classiques qui peuvent être recommandés en toute sécurité aux écoles libres. >>

PROJET DE RÉORGANISATION DE L'AGRÉGATION DES FACULTÉS DE DROIT

Le ministre de l'instruction publique avait adressé à la date du 14 mai la circulaire suivante :

«Monsieur le recteur, les épreuves du concours d'agrégation de droit ne sont plus en accord avec l'enseignement des Facultés. Il y a un intérêt de premier ordre et pour l'enseignement et pour la science à ce qu'elles soient modifiées sans retard. J'ai l'intention de saisir le Conseil supérieur de la question. Mais auparavant je désirerais savoir le sentiment des Facultés de droit. Je vous prie donc d'inviter l'assemblée de la Faculté de droit de Lyon à me faire connaître le plus tôt possible quelles modifications elle serait d'avis d'introduire dans la forme et dans la nature des épreuves du concours de l'agrégation. »

Se conformant à l'invitation qui précède, la Faculté de droit de Lyon a, pendant les mois de mai et de juin, consacré plusieurs séances à l'exposé et à l'examen de réformes qui pourraient être apportées au régime actuel de l'agrégation des Facultés de droit.

Le 10 juin, M. Thaller a été chargé de résumer les diverses opinions qui ont été sucessivement exposées.

Son rapport a été lu dans la séance du 16 juin.

Voici le texte des résolutions adoptées par la Faculté (séance du 3 juillet 1890):

«La Faculté estime que certaine proposition, tendant à sectionner l'agrégation en deux ou trois branches, présenterait plus d'inconvénients que d'avantages; car elle romprait l'unité du recrutement, pourrait à l'occasion provoquer au sein des Facultés de fâcheuses rivalités d'origine, déterminerait des difficultés considérables dans l'organisation du service courant, et surtout, de quelque manière que l'on arrêtât les programmes, entraînerait, à l'égard d'une partie du personnel, renonciation à ces garanties de connaissances juridiques premières sans lesquelles on ne peut prétendre à l'enseignement sûr et éclairé du droit.

«Elle fait observer que, dans les derniers concours d'agrégation, on n'en est plus à compter les hommes qui, mettant à profit cette initiation prétendue scolastique, ont marqué honorablement leur place dans les sciences sociales ou administratives par la puissance de leurs recherches et l'indépendance de leur talent; que la tendance des élèves à reproduire l'esprit de cet enseignement se retrouve dans le choix des sujets de thèses de doctorat ou de mémoires, empruntés le plus souvent à ces mêmes sciences; et elle en conclut que la nécessité des

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