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voués à la même cause, ne pourrons-nous éteindre nos malheureuses querelles, quand, à deux lieues d'ici, nous voyons catholiques et huguenots marcher sous un même drapeau?

Des catholiques comme vous?

Aubry.

Pigenat.

Quel blaspheme! appeler les royaux, catholiques!

Sénaut.

Allons, c'est trop tarder.... Les conclusions de Louchard: le conseil est en nombre; nous sommes trentecinq. Président, il faut nous demander nos suffrages. La duchesse, au président.

Monsieur de Brézé, vous ne pouvez souffrir.... On n'ira pas aux suffrages....

Sénaut.

Si, si; les suffrages! les suffrages! Les conclusions de Louchard!

Roland, avec feu.

Vous voulez donc nous amener à un état populaire?

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Sortons, Messieurs; je n'y puis plus tenir....

Villeroy, bas à la duchesse.

Encore un moment, de grâce; si Monseigneur pou

vait arriver!....

Louchard.

Ah çà en finirons-nous? Allons président, nous le voulons!

Pigenat, se levant du banc des curés.

Attendez, monsieur le président: écoutez-moi, Messieurs, je vais tout accommoder. Ne faisons point d'élections nouvelles: laissons à monsieur de Mayenne le souverain commandement; mais pour prouver au peuple qu'il n'en veut point faire son patrimoine, qu'il proclame sur l'heure et reconnaisse pour roi très-chrétien le vénérable cardinal; qu'il ne soit que le lieutenant du peuple et de Charles X. Vive Charles X.

Aubry.

Vive Charles X.

Sénaut.

Non, non!

Louchard.

A bas!

Sénaut.

Plus de roi!

Louchard.

C'est au pape seul à nous donner un roi.

Pigenat, avec force.

Messieurs, tant que sa Sainteté n'aura pas disposé de la couronne, Jésus seul est notre roi! roi vraiment populaire, roi sans équipages, sans cour, sans laquais. Voilà le roi qu'il faut au peuple; et s'il a des lieutenants qu'ils imitent la modestie du maître, ou le maître nous autorise à nous gouverner sans eux.

Sénaut.

Très-bien, très-bien.

Villeroy.

Les insensés! Quand on pense que la porte SaintHonoré est peut-être au pillage.

Le président,

se levant.

Messieurs, maître Louchard va relire ses conclusions,

et nous passerons aux suffrages.

Pigenat.

A la bonne heure!

Aubry.

Et vive l'Union.

La duchesse.

Modérez ces cris de joie.... j'entends d'autres cris sur la place qui pourraient bien nous attrister tous. Regardez par les vitraux, monsieur de Villeroy; que veulent dire ces clameurs?

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Ne pouvait-il pas rester dans son faubourg?

Pigenat.

Que vient-il faire ici? Ce n'est pas son poste! (Entre Mayenne, convert de sueur et de poussière. Il est suivi de Lachâtre et d'autres officiers, membres du conseil.)

La duchesse.

Venez, mon frère, venez; vous trouverez ici des ennemis plus acharnés que sur le rempart. Pendant que vous jouez votre vie pour sauver leurs têtes et leurs biens, ils vous déchirent, ils vous accusent, ils parlent de vous dépouiller du commandement.

Mayenne.

Vraiment, mes maîtres, il vous sied bien, à vous

qui avez le visage frais et la fraise empesée, de faire ici les rodomonts et de m'apprendre mon métier de capitaine! Vous voyez ces bottes poudreuses et ce chapeau troué; je ne serais pas en tel équipage, si j'étais resté ici comme vous à me battre à coups de langue! Sans moi, tous vos faubourgs seraient enlevés, et nous n'avons pas perdu une seule bicoque. Sans moi, vous n'en auriez pas pour deux heures à vivre! Que je vous abandonne, et vous êtes bien sûrs d'être pendus dans deux jours. Voyons, voulez-vous être sages ou pendus? choisissez; le temps presse; il faut me donner sur l'heure plein pouvoir pour lever les impôts dont nous avons besoin, pour enrôler à volonté les gens du port et des halles, et pour faire emprisonner les traitres qui s'entendent avec le tyran.

Bussy.

Oh! pour cela, monsieur le lieutenant, je suis votre homme; il faut les emprisonner dans la Seine. A l'eau! à l'eau !

Louchard, bas à Sénaut.

Vois-tu Bussy? Le voilà déjà qui lâche pied.

Sénaut, bas.

Les curés vont en faire autant.

Ils cèderont tout,

je t'en réponds.

Louchard.

Point de suffrages, Sénaut, nous serions battus. Sortons d'ici et allons retrouver nos amis à la Confrérie.

Sénaut.

Tu as raison, partons.

Mayenne.

Monsieur le Président; personne ne s'oppose à ce qu'on passe aux suffrages sur les propositions que j'ai

faites. Vous plairait-il de les soumettre à l'assemblée ? Nous n'avons pas de temps à perdre.

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Les voilà maintenant doux et tranquilles! Vous le voyez, il n'est que de leur parler ferme comme à des laquais. A la place de mon frère, j'aurais plus tôt fini; je les mettrais tous à la porte à coups de botte et de houssine.

Le président, se levant,

Je vais donner lecture des conclusions.

Louchard.

Inutile, monsieur le Président. Nous sommes trahis: nous ne sommes d'ailleurs pas libres ici. Nous allons à la Confrérie, là, nous pourrons délibérer. Vous entendez à la Confrérie. :

Bussy.

Oui. A la Confrérie! A Saint-Gervais ! Et vive l'Union!

Villeroy, fils.

Allons, bon! Les voilà partis!

Roland.

Et tous nos gens sortent avec eux, même les curés!

Mayenne.

Comprenez-vous rien à ce départ subit, Messieurs?
Villeroy.

C'est un coup qu'ils ont monté pour rompre le conseil, et empêcher Monseigneur d'obtenir les pouvoirs qu'il demandait.

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