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Ornano.

S'ils osent vous refuser passage, nos épées vous ouvriront un chemin. Mais il n'en sera pas besoin.

Le roi.

Je n'en crois rien: vous ne les connaissez pas: ces clercs et ces bourgeois sont d'un entêtement.... Non, décidément, je ne monterai pas à cheval, ce serait une grande faute.

Biron.

Mais au moins, sire, envoyez en votre place les compagnies qui sont de trop ici. Assurons-nous des postes qui nous restent.

Le roi.

Maréchal, le premier de tous les postes est le lieu où je suis.

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Avec ses canons, vous pouvez tenir la ville en re

spect.

Le roi.

Très bien nous les prendrions entre deux feux ces chers bourgeois. Le gouverneur Testu n'est pas homme à nous trahir, ce me semble.

Biron.

J'y vais aller moi-même pour m'assurer de lui.

Le roi.

A merveille, mon cher maréchal, allez. Avec la Bastille, je suis encore tranquille. lonel?

N'est-ce pas, co

Ornano.

Mais n'oubliez pas votre régiment de Picardie, sire; il faut envoyer à sa rencontre pour lui faire presser le pas.

Le roi.

Oui, le régiment de Picardie.... il a dû passer hier à Pontoise.

Ornano.

S'il pouvait arriver ce soir, je me ferais fort de prendre avant la nuit une bonne revanche sur cette cohue d'écoliers, de moines et de vieilles femmes.

Le roi.

J'y enverrai quelqu'un. Mais il n'est pas nécessaire qu'on sache si bien ce que nous devons faire. Il y a ici des oreilles de trop. Suivez-moi, messieurs. (Ils sortent.)

SCÈNE III.

La scène représente la chambre du roi.

Quel bruit!

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Le roi, seul.

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Ce n'est rien. Je crois toujours qu'ils vont forcer les portes. Ils me tueront, bien sûr. Mais non, ils ne me tueront pas: ils n'oseront pas dans ce pays-ci.... Pauvre reine Marie! on pourtant trouvé un bourreau pour la tuer! Je vois bien leur dessein, ils veulent me faire moine; moine.... on dit que c'est humiliant. Pour moi, il me semble que je passerais ma vie aussi bien au couvent qu'ici. Oui, mais prenons garde; une fois dans la trappe, je n'en sortirais plus! Les coquins m'y feraient mourir à

petit feu. Huit heures, les chevaux doivent être prêts, il faut partir. (Entrent d'Elbenne et d'Ornano). Vous voilà, mes amis; eh bien! où en sont nos affaires?

Ornano.

Sire, je viens de commander vingt chevaux pour escorter Votre Majesté; voue devez partir sur-le-champ. Le roi.

Comment? Pourquoi sur-le-champ?

d'Elbenne.

Les rebelles viennent de sortir par la porte SaintDenis.

Eh bien?

Le roi.

Ornano.

Ils sont plus de quatre mille.

Le roi.

Mais qu'est-ce quils veulent?

Ornano.

Prendre le Louvre par derrière.

Le roi.

Mon Louvre? Que dites-vous-là?

d'Elbenne.

Dans une heure ils seront aux Tuileries.

Crillon, entrant.

J'apprends que Votre Majesté va se mettre à notre tête. Bonne nouvelle! Bonne nouvelle!

Le roi.

Mon bon ami, c'est à Saint Cloud que je veux aller.
Crillon.

A Saint-Cloud?

Le roi, à d'Ornano.

Alphonse, vous partirez avec moi.

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Mon cher Crillon, c'est le salut du roi.

Crillon.

Comment! Et vous aussi, colonel. Ah! ces Guisards vont-ils se moquer de nous? Vous leur abandonnez votre Paris.

Le roi.

Ah! ça, Crillon, convenons de nos faits.... je vais à Saint-Cloud, et de là à Chartres.... tu viendras m'y trouver avec tous tes chevaux le plus tôt que tu pourras. M'entends-tu, Crillon?

Crillon.

Oui, Sire, oui, j'entends.

Le roi.

Tu n'as pas l'air de bonne humeur, mon enfant?

Crillon.

Pas trop, non, pas trop.

Le roi.

Il faut t'égayer, mon ami. Ce n'est pas une fuite, c'est une ruse, tu verras.... une ruse de guerre. Mais tu me réponds que je pourrai passer, Cril

lon?

Crillon.

Vous avez encore un bon quart-d'heure.

Le roi.

Ce n'est pas trop.

Ornano.

Sire, j'entends les chevaux, descendons.

Le roi.

Ah! çà, mes amis, je vous adieux à messieurs les Parisiens. si jamais ils me revoient dans leur

charge de faire mes Dites-leur bien que maudite ville, je n'y

serai rentré que par la brèche; et surtout qu'ils tiennent leurs têtes à deux mains, car j'aurai bonne envie d'en décharger leurs épaules.

d'Elbenne.

Sire, vos chevaux....

Le roi.

Partons, partons, Crillon, c'est bien entendu, le chemin de Chartres. Allez, mes amis, n'ayez pas peur, nous nous vengerons: nous leur enverrons de nos nouvelles. Adieu! adieu.

d'Elbenne.

Dans quelques heures nous serons auprès de Votre Majesté. Dieu vous accompagne! Sire. (Le roi sort avec d'Ornano.)

Crillon.

Eh bien! voilà qui est beau pour un roi!

d'Elbenne.

Croyez-moi, Crillon, c'était le parti le plus sage.
Crillon.

Il ne s'agissait pas de sagesse, monsieur l'abbé; il fallait tomber à grands coups de dague sur tous ces coquins de moines et d'écoliers.

d'Elbenne.

Les voilà partis, enfin. Mon cher Crillon, préparons-nous à en faire autant.

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