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Biron.

Je ne réponds plus de la ville, si dans une heure tout n'a changé de face.

Le roi.

Vous ne répondez plus de la ville! Miséricorde! mais où est le danger? on nous attaque donc?

Biron.

Comment, vous ne savez pas?.... La place Maubert vient d'être enlevée....

La place Maubert!

Le roi.

Biron.

Il n'y avait pas un soldat dans la place.

d'Elbenne.

Comment, maréchal, pas un soldat dans la place Maubert!

Biron.

Je n'y peux rien; tous mes ordres ont été méconnus, toutes mes dispositions changées. J'avais demandé trois cents hommes pour le Grand - Châtelet, on en a envoyé trente; cinq cents pour le Marché. Neuf, il n'y en a pas une cinquantaine; et ici au pied du Louvre, où ils n'ont que faire, j'en trouve plus de trois mille! Le roi.

La place Maubert! C'est un rêve en vérité: j'ai pourtant six mille hommes dans la ville.

d'Elbenne.

Sire, hâtez-vous de signer les pouvoirs que demande le maréchal.

Biron.

Mes aides-de-camp sont là prêts à les porter à tous

les commandants.

d'Elbenne.

Dites-moi, maréchal, qui a été assez hardi pour contremander vos ordres?

Biron.

Vous le demandez? quel autre voulez-vous que le gouverneur, monsieur de Villequier?

Le roi, après avoir signé.

Tenez, Biron; puisse-t-il être encore temps!

Biron.

Sire, vous me permettrez d'emmener avec moi ces trois compagnies de hallebardiers qui sont rangées dans la seconde cour.

Le roi,

Non pas, s'il vous plait; laissez-moi mes hallebardiers.

Biron.

Ils sont inutiles ici, et nécessaires à la Grève ou au Châtelet.

Le roi.

Je n'en ai pas déjà trop; en vérité, c'est bien le moment de me dégarnir!

(Alphonse Ornano entrant, le visage tout couvert de sueur.) Je vous cherche partout, maréchal;.... Sire, les deux Châtelets sont pris.

Les deux Châtelets!

Le roi.

Ornano.

C'est une affreuse trahison! On a si bien divisé et parsemé vos pauvres soldats de ça et de là, que bientôt ils ne pourront pas plus bouger que des perroquets en cage.

Le roi.

Mais que faire? que devenir, mes amis?

d'Elbenne.

Avant tout, vous devez mander monsieur de Villequier pour le mettre hors d'état de continuer ses indignes menées.

Ornano.

Vous avez bien raison. Si dès ce matin Sa Majesté l'avait mis sous les verroux, nous nous serions bien vite rendus maîtres de tous ces bourgeois.

Le roi.

Ah! s'il était ici, je vous promets que....
d'Elbenne.

Monsieur de Villequier vient d'entrer au château : le voici lui-même. (Le comte de Villequier entre.)

Ornano.

Vous arrivez à point, monsieur le gouverneur.
Villequier.

Sa Majesté a-t-elle des ordres à me donner?

Le roi.

Il s'agit bien d'ordres! nos affaires sont en beau train!

Villequier.

Rien n'est désespéré, sire, tout se calmera.

Le roi.

En attendant, les deux Châtelets ne sont plus à

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Ne faites donc pas tant l'étonné, monsieur, quand vous même avez prêté l'épaule à ceux qui s'en sont emparés.

Villequier.

Qui, moi? Vous êtes en délire, monsieur l'abbé.

d'Elbenne.

On connait les ordres que vous avez donnés aux

compagnies.

Villequier.

Qui s'avise de fronder les ordres du roi?

Le roi.

C'est bon, c'est bon; au lieu de vous quereller, aidez-moi à prendre un parti.

Villequier.

Vous me permettrez pourtant, sire, de confondre l'imposture.

Le roi.

Point d'injures, monsieur, je vous prie; retenez votre langue. (à d'Ornano.) Alphonse, ouvrez votre avis, le

temps presse.

Ornano.

Sire, il faut payer de votre personne, il faut vous montrer au peuple.

Le roi.

Eh bien! oui, j'y pensais..........

Ornano.

Montez à cheval, sire, et venez sur l'heure avec nous droit à l'hôtel de Guise; nous avons encore assez de pieux et de madriers pour en faire tomber les portes.

Le roi.

Vraiment! Vous croyez qu'il serait encore temps de surprendre ce cher cousin entre ses murailles, et de l'enfumer comme un renard dans son terrier? cette idée me sourit.

Ornano.

Je vous réponds qu'il est encore dans son hôtel à attendre de quel côté le vent finira par souffler.

Le roi.

Eh bien! à cheval, à cheval! allons visiter mon cousin. Qu'en dites-vous, ma mère?

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Si j'étais votre ministre, je parlerais peut-être comme ces messieurs, mais je suis votre mère....

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On peut si facilement.... un coup de mousquet....

Le roi.

Oh! craintes de femmes.... Ce ne sera pas la première fois que je verrai le feu; et après tout, si le malheur le voulait.... Cependant si ma présence devait laisser les choses dans l'état où elles sont, je ferais peut-être mieux de ne pas quitter mon Louvre. Qu'en pensez-vous, messieurs?

Ornano.

Sire, montez à cheval, je vous réponds de tout.

Le roi.

Mais s'ils osent me braver en face, voilà ma dignité compromise, et ma position cent fois pire qu'auparavant.

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