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d'Espignac.

La commission n'est pas des plus gracieuses. Mais je suis prêt, monseigneur.

Guise.

Eh bien! suis-moi: nous allons concerter ton ambassade. (Ils sortent.)

SCENE II.

Chez le roi.

Le roi, la reine.

Le roi.

Pardonnez-moi, madame, si je me présente à pareille heure dans vos appartements, mais je n'ai pu résister à l'envie de vous apprendre une nouvelle qui me comble de joie. Vous l'écouterez peut-être avec plaisir, bien qu'un certain personnage de vos parents n'ait pas lieu de s'en applaudir.

La reine.

Sire, comment ne pas me réjouir de ce qui vous cause de la joie?

Le roi.

Eh bien! vous saurez que nous avons fait échouer au port les desseins qui amenaient en cette ville votre cousin de Guise; et que, pour cette fois du moins, il n'est pas encore roi de France.

La reine.

Serait-il possible qu'il eût conçu le dessein de le devenir?

Le roi.

Comment, vous en doutez? mais la chose est publique.
La reine.

En ce cas, que Dieu l'en punisse.

Le roi.

Oui, et même pour plus de sûreté, je pourrai bien me permettre d'exécuter par provision le jugement de Dieu.

Comment, Sire?

La reine.

Le roi.

Ne m'entendez-vous pas? - Je suis vraiment fâché qu'il soit votre cousin.

La reine.

Quelle sera donc sa punition?

Le roi.

Moins douce que je ne voudrais; nous pourrions bien porter son deuil.....

La reine.

Ah! que dites-vous de là?

Le roi.

Vous m'aviez promis de vous en réjouir......
Catherine de Medicis, entrant.

Vous me voyez dans de vives inquiétudes, ma fille; vous savez l'imprudence qu'on a fait commettre au roi. Le roi.

Qu'est-il donc arrivé?

Catherine.

La ville est encombrée de soldats, et les pauvres habitants se demandent pour quel crime on veut les châtier. Le roi.

Ah! que vous me faites plaisir! ils tremblent donc un peu ces chers bourgeois! C'est leur tour!

Catherine.

Beau plaisir, que de faire peur à des bourgeois!

Le roi.

Et le Guisard? je voudrais voir quelle grimace...

Catherine.

Parlons sérieusement, mon fils: que comptez-vous faire de ces soldats?

Le roi.

Moi? rien; j'ai voulu seulement qu'ils fissent connaissance avec mes chers Parisiens: ils s'ennuyaient dans les faubourgs, ces braves Suisses.

Catherine.

Henri, votre gaité me désole; vous cachez quelque dessein.

Le roi.

Il n'y aurait pas grand mal, après tout.

Catherine.

Comment! vous mettriez de sang-froid votre ville au pillage?

Le roi.

Dieu m'en garde, ma bonne mère; je voudrais que Villequier fût là, il vous rassurerait; je lui ai donné ce matin la consigne la plus pacifique: tous ces pauvres soldats que vous calomniez ne brûleront pas plus de poudre qu'à une parade.

Catherine.

Mais alors pourquoi les avoir fait entrer?

Le roi.

Pourquoi? pour dormir plus tranquille dans mon Louvre. On ne craint ni loups ni voleurs, avec six mille bons chiens de garde. (à la reine.) Ma chère Louise, vos doigts font des chefs-d'œuvre! quel est ce cavalier la lance au poing? n'est ce pas le sire du Guesclin? La reine.

C'est lui-même; je suis charmée que vous le reconnaissiez.

Le roi.

Brave homme! Il n'était pas beau; mais, au moins, ce n'était pas de la graine de Guisard.

La reine.

Qu'est-ce que j'entends?

Catherine.

C'est le tocsin!

Le roi.

Le tocsin!

Catherine.

Ecoutez: je crois entendre une grande rumeur làbas, du côté de la Grève.

La reine.

Oui, vous avez raison: qu'est-ce que cela signifie?
Le roi.

Vous voilà toute tremblante......de quoi avez-vous peur? ce n'est rien: vous savez bien qu'il est impossible qu'il y ait de danger. (Entre d'Elbenne.) Ah! c'est vous. d'Elbenne. Arrivez donc! quelle nouvelle? que veulent dire ces cloches?

d'Elbenne.

Sire, il parait que du côté de l'Université les écoliers et les bourgeois s'avisent de vouloir résister; mais vos soldats en auront bientôt fait justice.

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Que craignez-vous, sire? vos soldats n'ont-ils pas du cœur, de bonnes armes, des munitions?......

Le roi.

C'est bel et bon; mais je ne comptais pas livrer bataille.

d'Elbenne.

Quand ils auront vu tomber deux ou trois de leurs camarades, ils ne tarderont pas à s'aller cacher dans leurs boutiques.

Catherine.

Que de calamités pour ces pauvres gens!

d'Elbenne.

Que voulez vous, madame; ils l'auront bien cherché.
Le roi.

Monsieur d'Elbenne, savez-vous que vous avez pris sur vous une terrible responsabilité en me faisant introduire ces troupes dans la ville.

d'Elbenne.

Comment, Sire, n'est-ce pas vous-même?....

Catherine.

Ah! monsieur l'abbé, qu'avez-vous fait?

d'Elbenne.

Eh quoi! madame, vous vouliez que....

Catherine.

Compromettre la sûreté du roi, la vie de tous les

honnêtes gens!

d'Elbenne.

Mais encore un coup, madame....

Le maréchal de Biron, entrant le visage animé. Sire, pas un moment à perdre; je vous en supplie, prenez cette plume et signez.

d'Elbenne.

Qu'y a-t-il donc, monsieur de Biron?

Biron.

Il faut faire diligence ou tout est perdu.

Comment?

d'Elbenne.

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