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son état de démence, tous les actes du pouvoir sont toujours revêtus de son approbation, ou plutôt de celle du conseil de Castille qui la représente. Ah! vous ne savez pas ce que c'est que le joug de ces vieux précepteurs de rois!

En vérité!

François I.

Charles-Quint.

Je voulais, moi, qu'on vous donnât pour prison un palais, avec une lieue de forêt pour la promenade et la chasse!.... mais mes vieux conseillers prétendaient que Votre Majesté tenterait de s'échapper, et leur prudence exagérée....

François I.

Devait mal s'accorder avec votre franchise? N'en parlons plus. Vos conditions, Sire?

Charles-Quint.

Mes conditions, à moi!.... aucune!.... Mais je suis bien obligé de vous apporter celles du conseil. La longue et terrible guerre que nous venons de soutenir contre Votre Majesté, nous a tellement obérés, qu'on exige, pour réparer nos pertes, qu'une rançon de douze cent mille écus d'or soit payée par la France........

François 1.

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Par la France?.... Non pas; mais par moi. Je vendrai mes domaines, mes apanages, mes diamants. Accordé !

Charles-Quint.

Il est naturel qu'avec un ennemi si redoutable, on prenne ses garanties. On exige que vous abandonniez toute prétention sur l'Italie et les Pays-Bas.

François I.

Perdre d'un trait de plume ces conquêtes achetées par tant d'or et de sang!

Charles-Quint.

Et vous pourriez dire, par tant d'immortels exploits! Mais, injuste ou non, le sort des batailles vous les a fait perdre.

François I.

Et, Dieu aidant, je peux les regagner.

Charles-Quint.

Vous en êtes bien capable, sire, et c'est justement ce qu'on veut empêcher....

François I.

Soit.... Accordé !

Charles-Quint.

Après....

François I.

Après!

Charles-Quint.

Ceci est un acte de reconnaissance et de bonne foi, un engagement solennel contracté par l'Espagne, envers le connétable de Bourbon.

François I.

Le connétable! ce traitre!

Charles-Quint.

Qui nous a loyalement servis.... pour un traitre! Et le conseil demande, pour prix de ses services, que Votre Majesté l'indemnise, et au delà, de tous ses biens confisqués en France.

François I.

Le payer! pour m'avoir vendu? Prenez garde, Sire ....ne donnez pas, pour vous-même, un pareil exemple! Il peut y avoir du danger à payer les traitres.

Charles-Quint.

Il peut y en avoir à ne pas les payer....

François I.

Les craindre est plus honteux encore que de s'en servir, et Votre Majesté entreprend là une lourde tâche pour ses finances obérées, car si elle estime aussi haut la trahison, j'ignore de quel prix elle pourra payer la loyauté de ses fidèles sujets! Cela vous regarde, sire. Accordé !

Ah!

Charles-Quint.

François I.

Touchons-nous donc la main et signons notre traité.
Charles-Quint.

Je ne le puis, par malheur, sans une dernière condition.

Encore une autre?

François I.

Charles-Quint.

Celle-là est la justice même!.... et votre loyauté ne saurait s'y refuser!

François I.

Quelle est-elle? Voyons.

Charles-Quint.

Le roi Louis XI, qui fut un grand politique, et qui conquérait plus de provinces par la plume que d'autres par l'épée, avait usurpé sur nos pères, et annexé à la France, le duché de Bourgogne....

François I.

Le duché de Bourgogne! Il a pu entrer dans votre pensée que je consentirais à l'abandonner.... à le céder....

Charles-Quint.

C'est-à-dire, à le rendre....

François I.

Ah! c'est trop longtemps irriter ma patience!

Charles-Quint.

Calmez-vous, sire; que votre modération égale la

mienne!

François I.

Croyez-vous que j'aie été dupe de cette feinte modération, de votre fausse bonhomie et de vos prétentions au rôle de jeune homme en tutelle? Je me suis contenu, cependant, et, quelque cruels que fussent les sacrifices qu'on exigeait, tant qu'ils ne regardaient que moi, j'ai tout accordé; mais s'attaquer à la France, mais me demander son morcellement et son déshonneur!.... alors le souverain se relève et vous dit: Moi, vivant, vous n'y toucherez pas!....

Charles-Quint.

Très bien si vous étiez en France, et dans votre royaume; mais vous oubliez que vous êtes à Madrid! François I.

Et vous aussi, vous l'oubliez, en insultant un ennemi désarmé! Mais le roi captif a un peuple qui n'a pas besoin de chef pour combattre et repousser l'étranger; le roi captif a des alliés qu'indigne votre ambition, et le roi d'Angleterre, Henri VIII......

Charles-Quint.

Peut lever en votre faveur des armées et des flottes; il trouvera Charles-Quint partout....

François I.

Excepté sur les champs de bataille!

Charles-Quint.

Et pourquoi donc?

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Il s'est livré de beaux combats depuis que vous avez âge d'homme; vous n'en avez vu aucun. Votre royaume s'est enrichi de nombreuses conquêtes.... vous n'en avez fait aucune. Qui commandait les Espagnols vainqueurs dans la Navarre?.... Villalva! - dans le Milanais? Colonna! dans la Castille! le comte de Haro! mais Charles - Quint!.... absent, toujours absent!....

Sire,

Sire, par grâce!

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Charles-Quint.

Henri.

François I.

C'est toi, Henri, tu seras le témoin de ma vengeance! (à Charles-Quint) Enfin, les Espagnols ont vaincu les Français à Pavie!... Qui était leur chef?.... un Français!.... un Français félon! Oui, pour vaincre la France, il vous a fallu acheter l'aide de la France, l'acheter par la trahison, par la corruption.

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