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SCENE II.

Les mêmes. Mme Mercadet.

Mme Mercadet.

Justin, êtes-vous allé faire les commissions que je vous avais données?

Justin.

Oui, Madame, mais on refuse de livrer les robes, les chapeaux, toutes les commandes enfin.

Virginie.

J'ai aussi à dire à madame que les fournisseurs de la maison ne veulent plus....

Je comprends.

Mme Mercadet.

Justin.

C'est les créanciers qui sont la cause de tout le mal. Ah! si je savais quelque bon tour à leur jouer! Mme Mercadet.

Le meilleur serait de les payer!

Justin.

Ils seraient bien attrapés....

Mme Mercadet.

Il est inutile de vous cacher l'inquiétude excessive que me causent les affaires de mon mari. Nous aurons sans doute besoin de votre discrétion, car nous pouvons compter sur vous, n'est-ce pas ?

Ah! Madame!

Tous.

Virginie.

Nous disions tout-à-l'heure que nous avions de bien bons maîtres!

Thérèse.

Et que nous nous mettrions au feu pour vous.

Justin.

Nous le disions!

Mme Mercadet.

Merci, vous êtes de braves gens.

Monsieur ne

veut que gagner du temps, il a tant de ressources dans

l'esprit.

SCENE III.

Les précédents, Mercadet.
Mercadet, bas.

Chère amie! Voilà comment vous parlez à vos domestiques?.... ils vous manqueront de respect demain. (haut.) Justin, allez à l'instant chez monsieur Verdelin, vous le prierez de venir me parler pour une affaire qui ne souffre aucun retard. Vous, Thérèse, retournez chez les fournisseurs de Madame Mercadet, dites-leur sèchement d'apporter tout ce qui a été commandé par vos maitresses. Ils seront payés comptant. . . . allez. (Justin et Thérèse vont sortir.) Ah! (Ils s'arrêtent.) Si ces messieurs se présentent, qu'on les laisse entrer.

Ces.... messieurs?

Justin.

Mercadet.

Eh oui, ces messieurs! ces messieurs mes créanciers.

Mme Mercudet.

Comment, mon ami?

Mercadet.

La solitude m'ennuie.. j'ai besoin de les voir. Allez ...

SCÈNE IV.

Mercadet, Mme Mercadet, Virginie.

Mercadet, à Virginie.

Eh bien! madame vous a-t-elle donné ses ordres?

Virginie.

Non, monsieur; d'ailleurs les fournisseurs....

Mercadet.

Il faut vous distinguer aujourd'hui. Nous avons à diner quatre personnes.... Ainsi nous serons sept. Ces diners-là sont le triomphe des grandes cuisinières ! Ayez pour relevé de potage, un beau poisson, puis quatre entrées, mais finement faites....

Virginie.

Mais, monsieur, les fournis....

Mercadet.

Au second service.... Ah! le second service doit être à la fois savoureux et brillant, délicat et solide....

Virginie.

Mais les fournisseurs!

Mercadet.

Hein! quoi les fournisseurs?

Virginie.

Ils ne veulent plus rien fournir.

Mercadet.

Qu'est-ce que c'est que des fournisseurs qui ne fournissent pas?.... on en prend d'autres. Vous irez chez leurs concurrents, vous leur donnerez ma pratique, et ils vous donneront des étrennes.

Virginie.

Et ceux que je quitte, comment les paierai-je?

Mercadet.

Ne vous inquiétez pas de cela, çà les regarde.

Virginie.

Et s'ils me demandent leur paiement, à moi?.... Oh! d'abord je ne réponds plus de rien.

Mercadet, bas à sa femme

Cette fille a de l'argent. (haut.) Virginie, aujourd'hui le crédit est toute la richesse des gouvernements; mes fournisseurs méconnaitraient les lois de leur pays.... ils seraient inconstitutionnels et radicaux, s'ils ne me laissaient pas tranquille. Ne me rompez donc pas la tête pour des gens en insurrection contre le principe vital de tous les Etats bien ordonnés! Occupez-vous de votre diner, comme c'est votre devoir.

Mais Monsieur....

Virginie.

Mercadet.

Allez!.... je vous ferai gagner de bons intérêts à dix francs pour cent francs tous les six mois. C'est un peu mieux que la caisse d'épargne.

Virginie.

Je crois bien, elle donne à peine cent sous par an!
Mercadet, bas à sa femme.

Quand je vous le disais! (haut.) Comment, vous mettez votre argent entre de mains étrangères! Vous avez bien assez d'esprit pour le faire valoir vous-même et ici il ne vous quittera pas.

Virginie.

Dix francs tous les six mois!.... Quant au second service, madame me le dira, je vais faire le déjeuner. (Elle sort.)

SCÈNE V.

Mercadet, Mme Mercadet.

Mercadet.

Cette fille a de l'argent à la caisse d'épargne.

Maintenant nous pouvons être tranquilles de ce côté-là.

Mme Mercadet.

Ah! Monsieur, jusqu'où descendez-vous?

Mercadet.

Madame, il n'y a pas de petits détails. Ne jugez

pas les moyens dont je me sers. Là, tout-à-l'heure,

vous vouliez prendre vos domestiques par la douceur! Il fallait commander, comme Napoléon, brièvement. Mme Mercadet.

Ordonner, quand on ne paye pas.
Mercadet.

Précisément! on paie d'audace.

Mme Mercadet.

On peut obtenir par l'affection des services qu'on refuse à....

Mercadet.

Par l'affection! ah! vous connaissez bien votre époque! Aujourd'hui, madame, il n'y a que des intérêts parce qu'il n'y a plus de famille, mais des individus. Chacun a son avenir dans la caisse d'une compagnie d'assurance. Les domestiques ne s'attachent plus à leurs maîtres! Ayez leur argent, ils vous sont dévoués. Mme Mercadet.

Oh! Monsieur!

Mercadet.

Eh! sans doute, Madame. Ne suis-je pas supérieur à mes créanciers! J'ai leur argent, ils attendent le mien ! Je ne leur demande rien et ils m'importunent. Un homme qui ne doit rien! mais personne ne songe à lui! tandis que mes créanciers s'intéressent à moi.

Mme Mercadet.

Un peu trop! devoir et payer, tout va bien.... mais

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