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Desgaudets.

En vous remerciant de votre généreuse hospitalité....

SCÈNE IV.

Bouvard, Albert.
Bouvard.

Vous êtes trop bon; il n'y a pas de quoi

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je puis vous offrir mes services pour quelques nouvelles publications

....

souscriptions

....

Desgaudets, en sortant.

Non, je vous remercie.

Bouvard.

Ce monsieur que vous avez sauvé me fait l'effet d'un avare, il pouvait bien m'acheter quelques nouveautés mes dernières, dont l'édition est encore intacte.

....

C'est un philosophe.

Albert.

Bouvard.

Dont la philosophie consiste à ne pas payer.

Albert.

C'est celle de bien du monde ......... C'est donc à monsieur Bouvard en personne que j'ai l'honneur de parler? ....

Bouvard.

Moi-même! Napoléon Bouvard, libraire-éditeur.

Albert.

Je venais chez vous, lorsque j'ai rencontré ce monsieur. Je vous suis adressé par une digne et excellente femme, la veuve du général de Saint-Avold, avec qui vous avez eu déjà quelques relations!

Bouvard.

C'est vrai! Je lui ai acheté des livres, des manuscrits provenant de la succession de son mari.

Albert.

Ouvrages de stratégie ou de mathématiques.

Bouvard.

Non, des Mémoires de lui!

Albert.

J'ignorais qu'il en eût écrit.

Bouvard.

Mémoires du plus vif intérêt sur diverses expédition en Algérie, détails inédits et véridiques, documents précieux pour l'histoire. On m'en demandait six cents francs Vous comprenez que dans le commerce cela ne les valait pas, il s'en faut. Mais une veuve! une mère de famille .... cela m'a attendri .... j'en ai donné cent écus.

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Albert, avec indignation.

En vérité! ....

Bouvard.

Je les ai donnés.... avec attendrissement! et comptant .... quoique mon habitude soit de ne jamais payer

un manuscrit.

Albert, souriant.

Eh mais! vous êtes dans le genre du monsieur de tout-à-l'heure! .... la même philosophie!

Bouvard.

La philosophie du commerce!

Albert, lui présentant un manuscrit.

Et moi, monsieur, qui venais vous proposer un re

cueil de vers

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Bouvard.

Il y en a tant! tous les premiers

....

on ne sait

comment les classer. Il y a tel nom cependant (lisant le nom sur la première page.) Et le vôtre, Monsieur .... Albert d'Angremont

....

C'est bien obscur.

Albert.

Bouvard.

....

Il y a un de! c'est quelque chose pour moi qui n'imprime que les ouvrages des gens titrés! Je suis le libraire du faubourg Saint-Germain, l'éditeur des grandes dames, princesses, duchesses ou baronnes; des comtes, marquis et vicomtes, dont les noms et les chiffres étincellent sur la devanture de ma boutique qui se trouve ainsi comme armoriée c'est honorable, c'est flatteur. ....

Albert.

Est-ce aussi productif?

....

Bouvard.

....

Certainement! D'abord, comme je vous l'ai dit, Monsieur, je ne paie jamais. Ce sont là les conditions que je vous proposerais. Le noble auteur se charge des frais d'impression, ce qui est un peu plus considérable.... En revanche, j'écris à tous les journaux, ce que je ferai pour vous, si vous le désirez: La librairie Bouvard vient d'acquérir, moyennant cinquante ou cent mille francs .... C'est à votre choix .... le délicieux recueil de poésies de M. Albert d'Angremont .... si impatiemment attendues.

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Albert. à part.

Est-ce que mon vieux monsieur aurait raison?....

Bouvard.

Nous avons de plus, à l'usage de la littérature blasonnée et millionnaire, les ouvrages satinés, coloriés, illustrés, par nos premiers graveurs c'est coûteux,

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....

Distinguons: on m'en prend .... dans la société du poète.... dans sa famille.... souvent l'auteur lui-même, quand il veut avoir une seconde édition: la gloire revient cher! mais quand on est riche, quel plus bel usage peut-on faire de sa fortune?

Albert.

Je ne suis pas riche, Monsieur.

Bouvard, lui tendant froidement son manuscrit.

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faut attendre que la gloire vienne d'elle-même et toute seule .... c'est plus long surtout quand il s'agit

....

de vers. Ah! si vous écriviez en prose! Un petit roman en douze ou quinze volumes! ....

....

Albert.

si formidable

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J'en avais commencé un, non pas en Afrique, au bivouac et au milieu des coups de fusil; rien que pour tuer le temps.

Bouvard.

Aujourd'hui précisément, les idées sont tournées du côté de l'Algérie, et si vous voulez que nous en causions ........ Pardon; j'ai cru entendre une voiture

....

Celle

de Monsieur le comte de Marignan. Daignez-vous asseoir je suis à vous dans l'instant.

....

Albert.

C'est trop juste

....

ne vous dérangez pas

d'autant que M. le comte de Marignan me parait un

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Homme d'Etat! et homme de lettres! immensément riche! quoique jeune encore, membre de deux académies! de plus on lui promet une ambassade par-dessus le marché !

Vous êtes son ami?

Albert.

Bouvard.

Je m'en vante! .... autrefois son secrétaire et aujourd'hui son éditeur.

Albert.

Aux conditions dont vous parlez.

Bouvard.

Jamais d'autres! je tiens à mes principes....

SCENE V.

Les Mémes, le comte de Marignan.

Bouvard.

Ah! Monsieur le Comte! quel honneur pour moi,

pour mes magasins.

Le comte.

En allant au Conseil d'Etat, je viens vous demander des épreuves; y en a-t-il?

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