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VI.

LES DEUX SOURIS.

PERSONNAGES.

Le narrateur.
Première souris.

Seconde souris.

Le narrateur.

Une souris ennuyée de vivre dans les périls et dans les alarmes, à cause de Mitis et de Rodilardus qui faisaient grand carnage de la nation souriquoise, appela sa commère, qui était dans un trou de son voisinage. Première souris.

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une bonne pensée.

J'ai lu, dans certains livres que je rongeais ces jours passés, qu'il y a un beau pays nommé les Indes, où notre peuple est mieux traité et plus en sûreté qu'ici. En ce pays-là, les sages croient que l'âme d'une souris a été autrefois l'âme d'un grand capitaine, d'un roi, d'un merveilleux fakir, et qu'elle pourra, après la mort de la souris, entrer dans le corps de quelque grand potentat. Si je m'en souviens bien, cela s'appelle métempsycose. Dans cette opinion, ils traitent tous les animaux avec une charité fraternelle :

on voit des hôpitaux de souris, qu'on met en pension, et qu'on nourrit commes personnes de mérite. Allons, ma sœur, partons pour un si beau pays, où l'on rend justice à notre mérite.

Le narrateur.

La commère lui répondit:

Deuxième souris.

Mais, ma sœur, n'y a-t-il point de chats qui entrent dans ces hôpitaux? Si cela était, ils feraient en peu de temps bien des métempsycoses: un coup de dent ou de griffe ferait un roi ou un fakir; merveille dont nous nous passerions très bien.

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l'ordre est parfait dans ce pays-là: les chats ont leurs maisons, comme nous les nôtres; et ils ont aussi leurs hôpitaux d'invalides, qui sont à part.

Le narrateur.

Sur cette conversation, nos deux souris partent ensemble; elles s'embarquent dans un vaisseau, en se coulant le long des cordages le soir de la veille de l'embarquement. La navigation fut heureuse: elles arrivent à Surate, non pour amasser des richesses, mais pour se faire bien traiter par les Indous. A peine furent-elles entrées dans une maison destinée aux souris, qu'elles y prétendirent les premières places. L'une prétendait se souvenir d'avoir été autrefois un fameux bramin sur la côte de Malabar; l'autre protestait qu'elle avait été une belle dame du même pays. Elles firent tant les insolentes, que les souris indiennes ne purent les souffrir:

au lieu d'être mangées par les chats, elles furent étranglées par leurs propres sœurs.

On a beau aller loin pour éviter le péril; si l'on n'est modeste et sensé, on va chercher son malheur bien loin: autant vaudrait-il le trouver chez soi.

I.

LE LOUP ET LE CHIEN.

PERSONNAGES.

Le narrateur.

Le loup.

Le chien.

Le narrateur.

Un loup n'avait que les os et la peau,
Tant les chiens faisaient bonne garde.

Ce loup rencontre un dogue aussi puissant que beau,
Gras, poli, qui s'était fourvoyé par mégarde.
L'attaquer, le mettre en quartiers,

Sire loup l'eût fait volontiers;
Mais il fallait livrer bataille ;

Et le mâtin était de taille
A se défendre hardiment.

Le loup donc l'aborde humblement,
Entre en propos, et lui fait compliment
Sur son embonpoint, qu'il admire.
Le chien.

Il ne tiendra qu'à vous, beau sire,

D'être aussi gras que moi,

Le narrateur.

lui répartit le chien.

Le chien.

Quittez les bois, vous ferez bien:
Vos pareils y sont misérables,
Cancres, hères, et pauvres diables,

Dont la condition est de mourir de faim.
Car, quoi! rien d'assuré! point de franche lipée !
Tout à la pointe de l'épée!

Suivez-moi, vous aurez un bien meilleur destin.

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Portant bâtons, et mendiants;

Flatter ceux du logis, à son maître complaire:
Moyennant quoi votre salaire

Sera force reliefs de toutes les façons,
Os de poulets, os de pigeons;

Sans parler de mainte caresse.
Le narrateur.

Le loup déjà se forge une félicité

Qui le fait pleurer de tendresse.

Chemin faisant, il vit le cou du chien pelé.

Le loup.

Qu'est cela?

Le narrateur.

lui dit-il.

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