Mme de Savenay. Que faites-vous, Cécile.... vous, sa pupille? Son enfant! Herminie. Cécile. Et c'est justement pour cela que je prends sa défense.... il ne m'appartient pas à moi, jeune fille, de juger les talents ou les opinions de l'homme d'Etat.... mais je sais que mon tuteur est un honnête homme, je sais que la modique fortune de l'orpheline a prospéré entre ses mains, et que lui n'a rien, ne possède rien.... Oui, Messieurs, cet homme si avide et si gorgé d'or, a contracté des dettes pour doter Et pourquoi donc, quand on l'attaque tout haut? Pardon .... Mademoiselle pardon nous ne savions pas .... sans cela je me serais bien gardé! .... ce que vous nous racontez, d'ailleurs, me parait si positif .... moi d'abord, dès qu'on me dit quelque chose je le redis fidèlement sans aucune espèce d'intention. .... Comme un écho!.... Herminie. Coquenet. C'est vrai.... je n'ai jamais inventé une syllabe. Herminie. Monsieur les répète.... Mme de Savenay. Et pour les pensées.... Herminie. Cela ne le regarde pas.... çà dépend de celui qui précède. Belleau. Le bateau à vapeur qui arrive! Coquenet. Le bateau de Brighton!.... je cours sur la jetée.... c'est notre seule occupation du jour.... à nous autres bourgeois de Dieppe!.... Mesdames.... (Il les salue et sort.) SCÈNE II. Les Mémes, moins Coquenet et le trois Baigneurs. Mme de Savenay. Y pensez-vous, Cécile? prendre ainsi la parole et vous mettre en scène devant des étrangers .... des J'ai eu tort, ma cousine, puisque vous me désapprouvez et que Monsieur me semble de votre avis par son silence du moins. .... .... .... Lucien. Non, Mademoiselle, je conçois votre indignation et moi-même je la partageais en entendant outrager ainsi un ami, un camarade d'enfance; mais vous savez qu'il désire arriver ici sans être connu.... et, dans cette petite ville où la curiosité s'eveille d'un rien je crains que la scène de tout-à-l'heure .... Herminie. .... Oh! vous d'abord, vous craignez tout! le moindre bruit vous effraie .... Sans cesse au aguets pour interroger la rumeur publique, vous vous laissez guider par elle; et avant de faire une démarche, une visite, un pas, avant de saluer quelqu'un, vous regardez autour de vous, et vous vous demandez: Qu'est-ce qu'on va dire? Lucien. J'en conviens, et j'avoue hautement ce besoin d'estime, cette crainte des jugements du monde .... Cécile. Qui est d'un honnête homme. .... Herminie. .... Ou d'un poltron car enfin vous êtes l'ami et le camarade de mon frère, vous pensez comme lui au fond du cœur oui, Monsieur, par inclination vous êtes ministériel....mais la peur de l'opinion vous empêche d'être .... de la vôtre; et à la Chambre vous votez contre nous de crainte des journaux et des épigrammes qui vous empêchent de dormir. Vous vous répétez sans cesse: Que dira le monde? Que dira mon journal? .... Lucien. .... D'accord; mais si votre frère bravait moins l'opinion publique, que je respecte, il ne serait pas en butte aux outrages et aux calomnies dont on l'abreuve chaque jour. Herminie, à part. Je déteste les marquises. Mme de Savenay. Permettez, permettez; il ne faut pas faire si légèrement le procès à l'opinion publique. Il y a un vieux proverbe, en qui j'ai la bonhomie d'avoir confiance; c'est qu'il n'y a pas de feu sans fumée et dans ce que dit le monde .... quelque absurde que ce soit il y a toujours quelque chose de vrai .... toujours. .... Cécile. .... Quoi! ma cousine, vous n'admettez pas que la calomnie .... Mme de Savenay. .... Non, ma chère, la calomnie n'existe pas je n'y crois pas passe pour de la médisance car, dans la haute société, on n'invente pas, on raconte. .... Herminie. .... Il est alors des gens de qui on raconte beaucoup. Vous en connaissez, Madame. .... Dans votre famille, sans doute et, sans aller plus loin, votre crédit sur votre frére .... et cet emprunt que votre mari vient d'obtenir, suffiraient pour justifier une partie des reproches qu'on adresse au ministre. Lucien, vivement. J'en étais sûr! je le lui ai dit, et, malgré mes instances, malgré mes prières il a cédé à vos sol licitations. Herminie. Ah! c'est vous, Monsieur, qui vous y opposiez Lucien. Avais-je tort? Vous voyez ce que produit une telle faveur.... le bruits injurieux qu'elle fait courir, et les cris de rage que poussent déjà vos ennemis! Herminie. Je n'ai jamais prétendu leur être agréable, au contraire et j'espère bien que mon mari n'en restera .... pas là, qu'il ira plus haut! Lucien. .... Quoi! vouz oseriez plus encore et le la presse, et le monde .... .... que ne dira-t-on pas? Herminie. .... C'est juste c'est votre phrase je l'attendais. Mais pardon, Monsieur: on nous annonce que nos appartements sont prêts. Ces dames se retirent et je vais en faire autant pour me préparer à recevoir mon frère et mon mari. (Tout le monde sort excepté Lucien.) SCÈNE III. Lucien, Raymond tenant sous le bras une liasse de papiers. Que veux-tu? on n'est pas le maitre, quand on est ministre: on ne s'appartient plus. Le conseil a fini si tard.... j'ai cru que je ne partirais pas.... et au moment de monter en voiture, les affaires sont encore venues m'assaillir jusque sur le marchepied. Tiens, tu |