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Nangis.

(bas) Où diable avez-vous pêché tous ces originauxlà? C'est une mystification. Il n'y en a pas un seul qui ait une tournure de conspirateur. On dirait des figures de paravent.

Melle des Tournelles.

Monsieur de Fierdonjon, votre servante.

Comment

vous portez-vous, monsieur de Malespine? Charmée de vous voir.... Messieurs, je vous présente mon cousin. (Ces messieurs se saluent.)

Le comte.

Il ne nous manque plus que Bertrand.

Le cher de Thimbray.

C'est fort extraordinaire qu'il ne soit pas encore ici. Ce drôle-là nous faire attendre !

Le comte.

Pourvu qu'il ne nous manque pas de parole.
Le cte de Fierdonjon.

Des Tournelles, savez-vous que vous avez fait preuve de légèreté en nous donnant pour associé cet hommelà? Qui sait si l'on peut compter sur lui! C'est un paysan, voilà tout.

Melle des Tournelles.

Il a été major dans l'armée royale.

Le cte de Fierdonjon.

Dans l'armée de la Vendée, faute de gentilshommes pour faire des officiers, on était obligé de prendre des manants. Cet homme-là ne me revient nullement; il chasse sur mes terres sans me demander une permission, et je ne puis obtenir de mes gardes de lui déclarer procès-verbal.

Le comte.

Vieille habitude de sa part. M. de Kermorgant,

dont vous avez acheté les terres à votre retour de l'émigration, lui permettait de chasser chez lui.

Le cher de Thimbray.

C'est une bonne affaire que vous avez faite là, monsieur de Fierdonjon. Ah! si j'avais eu des espèces dans ce temps-là, j'aurais acheté aussi des propriétés nationales. Elles étaient pour rien. Ce n'est pas que j'approuve au moins ces infâmes spoliations. Mais le mal est fait, tâchons que nos ennemis n'en profitent pas. Melle des Tournelles.

Bertrand a de l'influence parmi les paysans. Si l'on avait besoin d'un coup de main, ce serait un homme précieux. D'ailleurs il a des certificats très honorables de ses anciens chefs.

Le bon de Machicoulis.

On dit que les gendarmes le craignent, et qu'ils n'osent lui demander son port d'armes.

Le cte de Fierdonjon.

Allons, messieurs, il n'est pas convenable que nous attendions cet homme.... commençons.

Tenez, le voici.

Melle des Tournelles.

SCÈNE V.

Les mémes, Bertrand.

Melle des Tournelles.

Bonjour, monsieur Bertrand, camarade Sanspeur, comme vous appelait M. de Bonchamps.... vous vous êtes fait attendre.

Bertrand.

Excusez, mademoiselle; c'est que j'ai rencontré sur

mon chemin une compagnie de perdrix qui m'a fait trotter, trotter.... Pourtant en voilà deux. Si mademoiselle veut les accepter, cela lui fera un gentil salmis.

Le cte de Fierdonjon, à part.

Je parie que c'est chez moi qu'il les a tuées.
Melle des Tournelles.

Merci, je les accepte de grand cœur.

Nangis, à Bertrand.

Vous avez là un beau chien, il est au poil et à la plume.

Bertrand.

Oui, Monsieur. Outre qu'il colletterait bien un homme au besoin, si je lui disais : Défends-moi! Il m'a été utile dans le temps.

Nangis.

Vous devriez me le vendre.

Bertrand.

Excusez, monsieur, mon chien n'est pas à vendre.

Le comte.

Allons, messieurs, ne perdons pas de temps: as

seyons-nous.

Melle des Tournelles.

Messieurs, je me flatte que vous voudrez bien me permettre d'assister à vos délibérations. Je ne suis qu'une femme, il est vrai, mais je me sens le courage de m'associer à vos dangers. D'ailleurs, ce n'est pas la première fois qu'on verrait une femme prendre part à une conjuration. S'il me souvient de mon vieux Plutarque, la fameuse Loena partagea la gloire d'Harmodius et d'Aristogiton. Elle se coupa la langue plutôt que de révéler les noms de ses amis.

Le cher de Thimbray.

Ma femme devrait bien en faire autant.

Le bon de Machicoulis.

Mademoiselle, nous ne vous souhaitons pas le sort de cette Loena; ce serait une trop grande perte pour nous. Mais nous ne doutons pas que vous n'ayez le même courage et le même amour pour vos rois légitimes.

Melle des Tournelles.

Sans me vanter, je suis assez sûre de moi pour affirmer que la vue de la mort même ne pourrait m'effrayer. Que n'oserait-on pas pour une aussi belle cause! Ha!

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Qu'est-ce? Auriez-vous vu quelqu'un sous la

table?

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Araignée du matin, chagrin; araignée du soir, espoir. Il est plus de midi.

Le bon de Machicoulis.

Je comprends parfaitement votre effroi, mademoiselle. C'est un effet purement nerveux. Moi qui vous parle, je me suis trouvé plusieurs fois dans des circonstances assez hasardeuses.... et la vue d'une souris produit sur moi une impression que je ne puis surmonter.

Le mis de Malespine.

Moi, c'est un crapaud qui me fait de l'effet; mais c'est très venimeux.

Le cher de Thimbray.

On dit que Ladislas, roi de Pologne, prenait la fuite quand il voyait des pommes.

Le cte de Fier donjon.

J'ai ouï raconter....

Nangis.

Ah! ça! conspirons-nous, oui ou non?
Le comte.

Mon cousin a raison. Messieurs, pour régulariser nos réunions et surtout pour leur donner ce caractère de gravité qu'elles doivent avoir, il me semble qu'il serait à propos d'élire un président; et, si personne ne réclame, je me chargerai d'en remplir les fonctions.

Le bon de Machicoulis.

Ah! monsieur le comte, cela n'est pas régulier. Un président exerçant une influence considérable sur toute assemblée, il convient que ce même président soit élu par l'assemblée, afin qu'il en représente les sentiments. Le cher de Thimbray.

Sans doute. Il faut aller aux foix.
Le cte de Fierdonjon.

Pourquoi donc aller aux voix? Je vous ferai observer, messieurs, que dans toutes, les assemblées de la noblesse de cette province, nos ancêtres, les comtes de Fierdonjon, occupaient le fauteuil. Or, puisque notre but est de rétablir les anciennes coutumes, il me semble que......

Le bon de Machicoulis.

Monsieur, je vous demanderai la permission de douter de l'exactitude du fait dont vous venez de nous faire part. Je possède dans mes papiers un titre authentique duquel résulte que, lors de la naissance du grand dauphin, il se tint une assemblée de la noblesse

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