Page images
PDF
EPUB

droit de chaque personne qui passait ce vilain petit pont à une lieue d'ici?

Le comte.

J'ai des parchemins qui le prouvent.

Melle des Tournelles.

Enfin, n'est-ce pas une horreur que vous, monsieur le comte des Tournelles, dans un moment de désespoir, ayant demandé une place de chambellan à l'usurpateur, vous n'ayez pu l'obtenir? Cet outrage ne doit-il point vous faire passer par dessus toutes les considérations que peut vous suggérer la prudence?

Le comte.

Je m'étais oublié un moment.... il est vrai.... cet homme m'éblouit. Mais n'allez pas au moins parler de cette demande à ces messieurs.

Melle des Tournelles.

Soyez tranquille! je ne vous en parle que pour faire voir à quel point le désordre est venu, et pour vous prouver que le moment est arrivé où tous les Français doivent secouer un jug humiliant.

Le comte.

Vous avez raison. Tous les Français devraient s'entendre pour secouer le joug. Ah! si tous les Français se levaient en masse contre l'usurpateur, je ne serais pas un des derniers à marcher. Mais nous ne sommes que cinq ou six à conspirer contre un homme toutpuissant. Notre entreprise est hasardeuse et j'ai le pressentiment....

Melle des Tournelles.

Ah! faites-moi grâce, je vous prie, de vos inquiétudes et de vos pressentiments! Quoi! vous êtes homme, gentilhomme, vous avez été militaire, et vous êtes effrayé de tout! Moi, qui ne suis qu'une femme, je

contemple d'un œil calme toutes les conséquences de l'entreprise oû je me suis engagée. Eh bien! que l'on découvre notre conjuration que l'on m'arrête, qu'on me traine en prison! j'aurai un certain plaisir à paraître devant mes juges, à plaider ma cause. Oui, j'ai conspiré, leur dirai-je, j'ai conspiré la perte de votre empereur; et si c'est un crime d'avoir voulu délivrer sa patrie d'un tyran, je suis coupable!

Le comte.

Miséricorde! à la manière dont vous parlez, vous me faites craindre que vous ne vous denonciez vousmême pour avoir le plaisir de faire l'héroïne de roman. Ma sœur, ma sœur, les romans que vous lisez toujours vous feront tourner la tête, je vous le prédis.

Melle des Tournelles.

Si ce sont les ouvrages que je lis qui m'inspirent des sentiments nobles et généreux, il me semble, mon frère, que vous ne feriez pas mal de les lire plus souvent. Mais le temps se passe, son amis vont arriver......... Eh tenez, voici l'un de nos plus dévoués, notre cousin le Marquis Edouard de Nangis.

SCÈNE II.

Les mémes. Edouard de Nangis.

Nangis.

Lui-même, ma cousine, pour vous servir. Cousin,

je suis charmé....

Le comte.

C'est bien, jeune homme, de conspirer pour la bonne

cause.

SCÈNE III.

Les mémes, le Bon de Machicoulis, le Cher de Thim

bray.

Melle des Tournelles.

Monsieur le baron de Machicoulis, le chevalier de Thimbray.

Le baron de Machicoulis.

Un militaire! quel est ce jeune homme?

Melle des Tournelles.

Baron de Machicoulis, je suis enchantée de vous voir. Bonjour, chevalier, comment se porte Madame de Thimbray? Messieurs, je vous présente mon cousin le marquis Edouard de Nangis, qui est des nôtres. Vous trouverez en lui tout le courage de ses aïeux, ainsi que leur attachement à leurs rois légitimes. Edouard, le baron de Machicoulis, le chevalier de Thimbray. Nangis, à part.

Quelles figures à mettre sous verre!

Le baron de Machicoulis.

J'aurais reconnu monsieur pour un Nangis rien qu'à sa grande ressemblance avec feu monsieur le marquis de Nangis son père, que j'ai fort connu de son vivant. Nous avons servi ensemble autrefois, monsieur.

Nangis.

Ah! monsieur a servi?.... (à part.) A quoi?
Le baron de Machicoulis.

Nous nous sommes trouvés ensemble au siége de Gibraltar. Il y faisait un peu chaud.

Nangis.

Je le crois bien. En Espagne et dans l'Andalousie.

Le chevalier de Thimbray, au comte.

Ce jeune homme est-il sûr. Ses manières sentent un peu le régiment.

Le comte.

Ma sœur dit qu'elle répond de lui.
Le chevalier de Thimbray.

Ces messieurs sont en retard, si je vais bien.
Le comte.

Fierdonjon me disait hier encore qu'il serait le premier arrivé.

Le baron de Machicoulis, à Nangis.

Monsieur le Marquis.

Nangis.

Je m'appelle monsieur de Nangis ou le lieutenant Nangis, comme vous voudrez. Ne me donnez pas du marquisat, s'il vous plait.

Melle des Tournelles.

Mon cousin est si modeste.

Le baron de Machicoulis.

Monsieur de Nangis donc, vous arrivez de l'armée probablement ?

Aujourd'hui même.

Nangis.

Le baron de Machicoulis.

D'Allemagne ?

Nangis.

d'Allemagne.

Le baron de Machicoulis.

Vous avez probablement vu l'affaire de Wagram.

Un peu.

Nangis.

Melle des Tournelles.

Son cheval a été tué sous lui, et il a été blessé lui

même. Pauvre garçon! Que cette guerre est affreuse!

Le baron de Machicoulis.

Je m'étonne que le prince Charles se soit laissé battre. C'est pourtant le premier tacticien de l'Europe. Pour la stratégie, n'est-ce pas, on s'accorde toujours à donner la palme au feld-maréchal Kalkreuth.

Nangis.

Je n'ai jamais entendu parler de cet olibrius-là.
Le baron de Machicoulis.

Et.... monsieur, oserai-je vous demander dans quel état vous avez laissé l'armée! On dit qu'il y règne un grand mécontentement.

Nangis.

Oui, le soldat est mécontent du pain de munition et des haricots; il aimerait mieux du pain blanc et du poulet.

Le baron de Machicoulis.

On m'a dit que les officiers de l'armée........

Nangis.

Tenez, monsieur, j'étais malade.... blessé.... j'ai passé trois mois à l'hôpital avant de venir ici (à Melle des Tournelles). Délivrez-moi, je vous prie, de ce questionneur enragé, ou je vais lui dire des choses désagréables.

SCENE IV.

Les mémes, le comte de Fierdonjon, le marquis de Malespine.

Melle des Tournelles, les présentant.

Monsieur le comte de Fierdonjon, Monsieur le Marquis de Malespine.

« PreviousContinue »