66 par exemple, celui qui commence ainsi : "Le Dieu des dieux, "le Seigneur a parlé, et il a appelé la terre," surpasse toute imagination humnaine. Jamais Homère ni aucun autre poète n'a égalé Isaïe peignant la majesté de Dieu aux yeux duquel "les Royaumes ne sont qu'un grain de poussière; l'univers qu'une tente qu'on dresse aujourd'hui et qu'on enlève demain.” Tantôt le prophète a toute la douceur et toute la tendresse d'une églogue, dans les riantes peintures qu'il fait de la paix; tantôt il s'élève jusqu'à laisser tout au-dessous de lui. Mais qu'y a-t-il, dans l'antiquité profane, de comparable au tendre Jérémie, déplorant les maux de son peuple; ou à Nahum, voyant de loin, en esprit, tomber la superbe Ninive sous les efforts d'une armée innombrable? On croit voir cette armée, on croit entendre le bruit des armes et des chariots; tout est dépeint d'une manière vive qui saisit l'imagination; il laisse Homère loin derrière lui. Lisez encore Daniel, dénonçant à Balthazar la vengeance de Dieu toute prête à fondre sur lui; et cherchez, dans les plus sublimes originaux de l'antiquité, quelque chose qu'on puisse leur comparer. Au reste, tout se soutient dans l'Écriture; tout y garde le caractère qu'il doit avoir, l'histoire, le détail des lois, les descriptions, les endroits véhéments, les mystères, les discours de morale; enfin, il y a autant de différence entre les poètes profanes et les prophètes, qu'il y en a entre le véritable enthousiasme et le faux. Les uns, véritablement inspirés, expriment sensiblement quelque chose de divin; les autres, s'efforçant de s'élever audessus d'eux-mêmes, laissent toujours voir en eux la faihlere humaine. FÉNÉLON.-Né en 1651; mort en 1715. De Fontanes le peint d'un seul vers: Son goût fut aussi pur que son âme était belle. LE COLPORTEUR VAUDOIS.* OH! regardez, ma noble et belle dame, * Des vallées protestantes du Piémont. Quand près de vous un heureux sort m'envoie, La noble dame, à l'àge où l'on est vaine, Se trouva belle, et puis elle sourit. "Que te faut-il, vieillard? des mains d'un page Dans un instant tu vas le recevoir. Oh! pense à moi, si ton pèlerinage Te reconduit auprès de ce manoir." Mais l'étranger, d'une voix plus austère, Quels jours heureux luiraient pour vous, ma fille, "Montre-la-moi, vieillard, je t'en conjure; Ne puis-je pas te l'acheter aussi? Et l'étranger, sous son manteau de bure, -"Ce bien, dit-il, vaut mieux qu'une couronne, Nous l'appelons la Parole de Dieu. Je ne vends pas ce trésor, je le donne ; Il s'éloigna. Bientôt la noble dame G. DF F PRÉFACE D'ATHALIE, TRAGÉDIE. Tout le monde sait que le royaume de Juda était com posé des deux tribus de Juda et de Benjamin, et que les dix autres tribus qui se révoltèrent contre Roboam composaient le royaume d'Israël. Comme les rois de Juda étaient de la mai. son de David, et qu'ils avaient dans leur partage la ville et le temple de Jérusalem, tout ce qu'il y avait de prêtres et de lévites se retirèrent auprès d'eux, et leur demeurèrent toujours attachés: car, depuis que le temple de Salomon fut bâti, il n'était plus permis de sacrifier ailleurs; et tous ces autres autels qu'on élevait à Dieu sur des montagnes, appelés par cette raison dans l'Écriture les hauts-lieux, ne lui étaient point agréables. Ainsi le culte légitime ne subsistait plus que dans Juda. Les dix tribus, excepté un très petit nombre de personnes, étaient ou idolâtres, ou schismatiques. Au reste, ces prêtres et ces lévites faisaient eux-mêmes une tribu fort nombreuse. Ils furent partagés en diverses classes pour servir tour-à-tour dans le temple, d'un jour de sabbat à l'autre. Les prêtres étaient de la famille d'Aaron; et il n'y avait que ceux de cette famille qui pussent exercer la sacrificature. Les lévites leur étaient subordonnés, et avaient soin, entre autres choses, du chant, de la préparation des victimes, et de la garde du temple. Ce nom de lévite ne laisse pas d'être donné quelquefois indifféremment à tous ceux de la tribu. Ceux qui étaient en semaine avaient, ainsi que le grand-prêtre, leur logement dans les portiques ou galeries dont le temple était environné, et qui faisaient partie du temple même. Tout l'édifice s'appelait en général le lieu saint; mais on appelait plus particulièrement de ce nom cette partie du temple intérieur où étaient le chandelier d'or, l'autel des parfums, et les tables des pains de proposition; et cette partic était encore distinguée du Saint des saints où était l'arche, et où le grand-prêtre seul avait droit d'entrer une fois l'année. C'était une tradition assez constante, que la montagne sur la quelle le temple était bâti était la même montagne où Abra ham avait autrefois offert en sacrifice son fils Isaac. RACINE.-Né en 1639; mort en 1699. CHOEUR D'ATHALIE. LE CHOEUR. Tour l'univers est plein de sa magnificence: Qu'on l'adore ce Dieu, qu'on l'invoque à jamais! Son empire a des temps précédé la naissance. Chantons, publions ses bienfaits. UNE VOIX. En vain l'injuste violence Au peuple qui le loue imposerait silence: Le jour annonce au jour sa gloire et sa puissance; UNE AUTRE. Il donne aux fleurs leur aimable peinture; Il leur dispense avec mesure Et la chaleur des jours et la fraîcheur des nuits; Le champ qui les reçut les rend avec usure. UNE AUTRE. Il commande au soleil d'animer la nature, Est le plus riche don qu'il ait fait aux humains. UNE AUTRE. O mont Sinaï, conserve la mémoire Venait-il renverser l'ordre des éléments? Venait-il ébranler la terre? UNE AUTRE VOIX. Il venait révéler aux enfants des Hébreux LE CHOEUR. O divine, ô charmante loi! O justice, ô bonté suprême! Que de raisons, quelle douceur extrême, UNE VOIX. D'un joug cruel il sauva nos aïeux, UNE AUTRE VOIX. Vous qui ne connaissez qu'une crainte servile, Vous voulez que ce Dieu vous comble de bienfaits TOUT LE CHŒUR. O divine, ô charmante loi! RACINE, Athalie, Acte I, Sc. IV. L'élégant, le correct, l'harmonieux Racine ramena la poésie à soá éritable esprit; la littérature française a dans Athalie le chef-d'œuvre l flua parfait qui ait jamais été écrit dans aucune langue."-LAHARPE. |