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dégraderaient de jour en jour, et l'Océan se remplirait de leurs débris. C'est l'Océan qui a nivelé les couches, qui les renverse et qui les rétablit. La nature fait comme un cultivateur qui laboure sa terre dans des sens opposés: elle met dessus ce qui était dessous, dessous ce qui était dessus, au Nord les fossiles du Midi, au Midi ceux du Nord; l'Océan est son soc. Le globe se prête à tous ces sillonnements par sa forme ronde. Les hommes font des barques à une proue et même à deux, pour voguer en avant et en arrière sur les mers. La nature en a fait qui peuvent voguer en tous sens dans l'océan céleste de la lumière. Tout est proue sur un globe. Chaque point de sa circonférence peut devenir pôle à son tour; et chaque cercle, équateur. Il y a des montagnes à glace disséminées dans toutes les latitudes; leurs sommets sont assez attractifs pour y attirer sans cesse les vapeurs, assez élevés dans la région froide pour en former des glaciers, et ils ont assez de pente pour que les eaux qui en découlent creusent le bassin des mers de la même profondeur que leur élévation. Il est remarquable

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que les lacs situés au pied des montagnes à glace, ont souvent autant de profondeur que les sommets de ces mêmes montagnes ont de hauteur, et que la mer du Sud n'en a pas plus que les Cordilières qu'elle baigne, c'est-àdire une lieue et demie. A cette élévation ajoutez des pyramides de glace qui les surmontent d'une lieue et demie sous le pôle, puisque les Cordilières en portent d'une demilieue sous la zone torride, vous aurez sept mille cinq cents toises de hauteur, qui, à une demi-toise par lieue, donnent à l'Océan plus de pente qu'il ne lui en faut pour circuler en spirale autour du globe. La Seine n'en a pas tant à beaucoup près; elle n'a guère, au bas du pont Notre-Dame, que vingt-deux toises au-dessus du niveau de la mer; et cependant elle parcourt en sinuosités plus de soixantedix lieues pour s'y rendre.

On découvre les traces d'une Providence dans les dispositions des fossiles, comme dans celles des végétaux et des animaux. Les arbres qui croissent sur le bord des rivières, et même sur celui des mers, sont sujets à être renversés par leurs courants, comme les

saules et les mangliers, dont les branches. peuvent devenir racines et les racines devenir branches. De même les rivages peuvent être bassins ou montagnes tour-à-tour. Une montagne a les mêmes propriétés qu'un hémisphère; ainsi une branche a celles du tronc qui la porte.

Nous nous trouvons quelquefois misérables de voir autour de nous une nature immortelle, tandis que nous dépérissons chaque jour; si, au contraire, nous étions immortels, et que la nature vieillît et se dégradât sans se réparer, nous aurions raison de nous plaindre. Comment une vie éternelle pourrait-elle se soutenir par des jouissances caduques? Mais la nature se renouvelle sans cesse; et si elle détruit successivement chacun de nous, c'est pour tirer de meilleures vies de notre mort. Elle ne se plaît pas dans un cercle monotone de créations et de destructions; elle ne se contente pas de tirer sans cesse les mêmes harmonies des mêmes objets, comme un peintre médiocre qui peindrait toujours le même site, comme un musicien peu habile qui jouerait toujours le même air, comme un poëte sans imagination

qui composerait toujours le même drame : elle varie sans cesse ses scènes, ses tableaux, ses caractères. Un mécanicien ingénieux dispose des tuyaux harmonieux dans une boîte ; il y fait correspondre des notes saillantes, qu'il fiche sur un cylindre suspendu à un essieu : il le fait mouvoir; et aussitôt on entend un air agréable. Il relève par des crans les pôles de son cylindre, et de nouveaux airs viennent successivement charmer les oreilles. L'homme aurait-il donc mis dans une serinette plus d'industrie que la nature n'en a mis dans le globe? Elle a distribué à sa surface ses diverses puissances; elle le fait tourner, et elle répand tour-à-tour sur elles les harmonies solaires des jours, des mois, des saisons, des années, des siècles : elle en change les pôles; et de nouvelles harmonies vont reparaître sur chaque horizon.

Dieu est non-seulement infini en durée, en puissance, en étendue, en bonté, mais il l'est en intelligence. Ses ouvrages vont de perfection en perfection. Sans sortir de notre globe, la source qui coule du rocher est préférable à la vapeur que le rocher attire; le

au

ruisseau qui se précipite de la colline, à la source; la rivière qui traverse les vallons et les plaines, au ruisseau; le fleuve majestueux qui descend des hautes montagnes et va se rendre dans la mer, à la rivière; la mer qui baigne des îles et de vastes contrées fleuve ; l'Océan, qui environne le globe entier, à la mer. Le végétal, pour qui toutes ces harmonies furent établies, est plus parfait que les vents qui l'agitent, que l'eau qui l'arrose, que le sol qui le porte, et présente des périodes encore plus étendues. Il en est de même de l'animal, supérieur au végétal, et de l'homme à l'animal. Mais toutes ces puissances vont elles-mêmes en s'améliorant. L'air et l'eau se changent dans la substance de la terre et dans celle des végétaux et des animaux; de nouveaux continents sortent du sein des mers. Les vergers de l'Asie couronnent les fossiles marins de l'Europe, et s'étendent jusque sur les plages de l'Amérique; et les troupeaux de l'ancien Monde se propagent dans les savanes du nouveau. Mais c'est sur-tout dans le genre humain que cette amélioration est sensible. Un temps a été où

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