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point de tonnerre sans nuages. A la vérité, les anciens ont observé qu'il tonnait quelquefois en temps serein; Pline, qui rapporte ce phénomène, ajoute qu'il était d'un grand présage. Il est douteux qu'il ait jamais eu lieu; mais il ne l'est pas qu'il ne sorte quelquefois des éclairs de la terre: et c'est ce que les anciens, suivant le témoignage du même auteur,appelaient foudres infernales. Cet effet doit arriver lorsqu'une portion métallique de la terre, isolée sur quelque roche vitreuse ou sulfureuse, se trouve plus chargée de feu électrique que l'atmosphère qui lui correspond; car, ne pouvant se répandre au dedans par la qualité antiélectrique, propre au verre et au soufre, il s'élance au dehors vers le nuage qui l'attire ; il se met de niveau, passant du corps qui en a le plus à celui qui en a le moins. C'est sur ce principe qu'on a imaginé les aiguilles électriques qui surmontent nos maisons, et qui les garantissent de la foudre. C'est dans un morceau d'ambre que la propriété électrique fut aperçue pour la première fois, et l'homme est parti de ce point pour arracher la foudre du ciel.

Une preuve que le feu électrique vient du soleil, c'est, comme nous l'avons déjà dit, qu'il y a en hiver très-peu de tonnerre, parce que cet astre a peu d'action sur notre hémisphère; et qu'en été, au contraire, où il en a beaucoup, les orages sont fréquents. Il est remarquable aussi que les pluies d'orages, qui sont pénétrées de ce feu électrique, font éclore très-promptement les semences des végétaux et les œufs des insectes. Le tonnerre annonce presque par-tout l'arrivée du printemps, c'està-dire l'action du soleil sur la végétation. En Russie, le peuple ne se croit dans le printemps que quand il a entendu le tonnerre ; en France même nos paysans disent en proverbe: «< Quand il tonne en avril, le laboureur se réjouit. » Cependant plusieurs d'entre eux regardent ce brillant météore comme un signe de la colère de Dieu envers les hommes; ils sonnent de toutes leurs forces les cloches de leur village pour l'en écarter, et assez souvent ils le font tomber sur le clocher même, dont la croix de fer le soutire. Le tonnerre, loin d'être une preuve de la colère de Dieu, en est une de sa bonté. Il rafraîchit l'atmo

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sphère en en faisant écouler les couches supérieures, toujours froides, dans les inférieures, trop échauffées par les reflets de la terre; et il verse sur celle-ci des eaux tièdes, sulfurées et nitreuses, qui la fécondent. A la vérité, ses feux vifs et ses roulements, accompagnés d'éclats, ont quelque chose d'effrayant; mais rien n'est fait en vain. Comme cette communication rapide du feu des nuages avec la terre, est meurtrière pour ceux qui se trouveraient dans sa direction, son bruit avertit les animaux qui ont les sens de l'ouïe et de la vue, de se mettre à l'abri. Un autre météore l'accompagne souvent, c'est celui de la grêle. Il est nuisible aux vignes et aux moissons, mais il est toujours funeste aux insectes, dont les orages favorisent la multiplication. Il s'annonce aussi par un bruit alarmant et une espèce de cliquetis lointain, qui donnent au moins aux hommes le temps de l'éviter. D'ailleurs, tout est compensé : les contrées les plus sujettes aux orages sont les plus fertiles, ainsi que celles qui sont voisines des volcans, ces tonnerres de la terre et des mers.

C'est donc par les harmonies aquatiques de l'air mises en action par le soleil, que s'opèrent la décomposition de la lumière en mille teintes colorées; les pluies fécondantes, sources des fleuves; les arcs-en-ciel, les tonnerres rafraîchissants des zones torrides, et les parélies des zones glaciales.

C'est pour produire ces différents effets que le soleil pompe sans cesse les eaux de l'Océan en vapeurs, qu'il les rassemble en nuages, qu'il les disperse dans l'atmosphère par plans élevés les uns au-dessus des autres, pour y produire ces perspectives aériennes si ravissantes, qui donnent tant d'étendue à nos horizons, et dont la magnificence redouble avec le coucher de l'astre du jour.

On vante beaucoup l'aurore et fort peu le couchant. Il en est de même du mois de mai, cette aurore de l'année végétale, et du mois de septembre, qui la termine. Le mois de mai n'amène pas toujours la fin des frimas; je l'ai souvent trouvé humide et froid comme l'aurore, tandis que septembre est sec et chaud comme le couchant. L'aurore et le

mois de mai ont sans doute de grandes beautés; mais la principale est de plaire à notre imagination, parce que l'une nous annonce le commencement du jour, et l'autre celui du printemps au contraire, le couchant et le mois de septembre sont les précurseurs, l'un de la nuit, et l'autre de l'hiver. Les premiers sont les symboles de la jeunesse et de ses plaisirs, les seconds de la vieillesse et de ses infirmités. Nos idées morales dénaturent souvent nos sensations physiques. Pour moi, j'ai trouvé, dans le cours de ma vie, le couchant plus intéressant que l'aurore, septembre plus doux que mai, et mon automne plus agréable que mon printemps.

Lorsque j'étais en pleine mer, et que je n'avais d'autre spectacle que le ciel et l'eau, je m'amusais quelquefois à dessiner les beaux nuages blancs et gris, semblables à des croupes de montagnes, qui voguaient à la suite les uns des autres sur l'azur des cieux. C'était sur-tout vers la fin du jour qu'ils développaient toute leur beauté en se réunissant au couchant, où ils se revêtaient des plus riches couleurs, et se combinaient sous les

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