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comme le tableau qu'il a donné de l'Histoire ancienne. Dans celle-ci, Rollin a suivi Hérodote, qui dans un seul petit volume a donné l'histoire de tout le monde connu de son temps; tandis que dans l'histoire romaine il a marché sur les traces de Tite-Live.

« Un honnête homme, dit Montesquieu, a par ses ouvrages d'histoire, enchanté le public. C'est le cœur qui parle au cœur; on sent une secrète satisfaction d'entendre parler la vertu : c'est l'a beille de la France. »

Tous les ouvrages de Rollin respirent le respect pour la religion, et si je puis m'exprimer ainsi, l'amour pour les mœurs; il cherche à inspirer ces sentimens à ses lecteurs. Quant à son mérite littéraire, on l'a trop exalté dans son temps, et trop peu loué ensuite; mais il est toujours resté, et restera toujours auteur classique.

Quoiqu'on reproche à son Traité de la manière d'enseigner et d'étudier les belles-lettres par rapport à l'esprit et au coeur, de manquer d'ordre et de profondeur, c'est un ouvrage recommandable sous plusieurs aspects, par le style, par le bon goût qui y règne, et par un choix de beaux morceaux des meilleurs écrivains grecs et latins.

MÉMOIRES.

MEMOIRES de Joinville.

Jean, sire de Joinville, sénéchal de Champagne, naquit au château de Joinville en 1224, et y mourut en 1318, à l'âge de quatre-vingtquatorze ans. Il fut l'un des principaux personnages de la cour de saint Louis. Il accompagna ce prince dans son expédition en Egypte et en Palestine. Ses mémoires contiennent des choses curieuses sur les personnes de ce tempslà, et sur les idées et les sentimens qui régnoient alors. Les premières éditions sont presque inintelligibles, même pour des Français, tant leur langue a éprouvé de changemens. La meilleure édition est celle de l'imprimerie royale, de 1761.

On a dit de lui qu'il étoit courtisan aimable, militaire intelligent et courageux; qu'il avoit l'esprit vif et gai, les sentimens nobles et élevés : et il me semble qu'on le trouve tel dans son ouvrage.

Mémoires de Philippe de Comines, pour servir à l'histoire de Louis XI et de Charles VIII,

Philippe de Comines, d'une famille noble

de

de la Flandre, naquit en 1445. Il passa les premières années de sa jeunesse à la cour de Charles, appelé d'abord Charles le Hardi, et ensuite Charles-le-Téméraire, duc de Bourgogne et comte de Flandres, qui posséda les dix-sept Provinces-Unies. Louis XI attira Comines auprès de lui, le fit son chambellan et sénéchal de Poitiers. Comines fut également bien traité, pendant quelque temps, par son successeur Charles VIII; mais ayant été accusé d'avoir favorisé secrètement le parti du duc d'Orléans, depuis Louis XII, il fut arrêté, conduit en prison, et renfermé dans une cage de fer. Après une détention de deux ans, il fut absous de toutes les accusations qu'on avoit portées contre lui. On espéroit que Louis XII, prince si juste et si rempli de bonté, parvenu à la couronne se souviendroit de ce que Comines avoit souffert pour lui; mais il ne paroît pas qu'il y fit la moindre attention. Peutêtre en agit-il ainsi par des motifs que la postérité ignore. Comines, après être sorti de prison, se retira dans son château d'Argenton en Poitou, où il mourut en 1509, à l'âge de soixante-quatre ans.

On a observé que cet auteur est sincère en parlant des autres, et modeste en parlant de

lui-même. Il étoit regardé comme l'homme le plus accompli de son temps, et joignoit à une belle figure, les agrémens d'un esprit juste et aimable, la mémoire la plus heureuse, et une grande instruction.

« Philippe de Comines, dit M. Petitot, » avoit été long-temps dans l'intimité du roi (Louis XI); il avoit pu quelquefois péné» trer dans les replis de cette ame sombre et » dissimulée; enfin, il avoit eu part à l'admi»nistration publique et à des négociations im» portantes. Il rapporte donc des faits dont lui >> seul a pu être instruit. Son langage porte >> toujours le caractère de la vérité. Les récits » intéressans qu'il offre au lecteur, paroissent >> faits sans art; il y règne une grace et un >> ton facile, qui ne peuvent se trouver que » dans un homme de la cour. Ses mémoires >> servent encore de guides à tous ceux qui » veulent s'instruire à fond des particularités » du règne de Louis XI. On y remarque une » réserve et une retenue qui prouvent que, » quoique l'auteur ait écrit la plus grande partie » de son ouvrage après la mort de ce monar» que, il étoit cependant arrêté involontaire»ment par la crainte à laquelle il avoit été »habitué. Cette contrainte lui a fait chercher

» le moyen de s'exprimer en termes détournés, » lorsqu'il craignoit d'attaquer, ou des hommes » puissans, ou des opinions reçues. C'est lui qui, le premier, a connu l'art de parler des >> choses les plus délicates, de manière à ne » pas se compromettre. Il a introduit dans son >> style cette mesure dont nos bons auteurs se » sont servi depuis avec tant d'avantage, qui, >> poussée trop loin dans le dix-huitième siècle, » a dégénéré en subtilité et en finesse recher>>chée; ce qui, avec beaucoup d'autres causes, » a contribué à la décadence du langage. »>

Voici un passage assez curieux, qu'on trouve dans les mémoires de Comines; il est relatif aux chagrins semés dans la vie humaine.

« Aucune créature n'est exempte de pas» šion (*); tous mangent leur pain en douleur: >> notre Seigneur le promit dès qu'il fit l'homme, >> et loyaument l'a tenu à toutes gens. >>

Il faut convenir que cela est singulièrement pensé et bizarrement exprimé.

Mémoires de Brantome.

Cet ouvrage est intéressant, et il est nécessaire

(*) Passion vient du latin pati, patior, et ce mot n'a pas ici l'acception qu'on lui donne aujourd'hui, mais celle de souffrance.

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