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geois, luthérien, calviniste, anglican, gallican, parlementaire; il est de la petite Eglise, il est siccardien, il est tout ce que l'on voudra, pourvu qu'on ne lui demande pas d'être catholique. S'agit-il des miracles? c'est à croire qu'il vient de lire l'Epitre du Fondement, de Manichée, et nous le soupçonnerions volontiers d'en faire sa lecture habituelle; mais il est par lui-même capable d'inventer tous les beaux raisonnements que s'est forgés depuis dix-huit siècles l'esprit aveugle et têtu de la négation.

Ah certes! nous connaissons M. Chambolle, et voilà longtemps qu'il nous occupe! La vérité est qu'à prendre l'histoire depuis l'avénement du Christianisme jusqu'à l'heure où nous écrivons, il n'y a pas un saint, pas un docteur, pas un homme parmi ceux que le respect et l'admiration des siècles ont sacrés; il n'y en a pas un, nous disons pas un, dont M. Chambolle, sans le savoir, ne raille agréablement les doctrines ou ne blâme violemment les actions, au mépris de l'élite du genre humain, qui proclame vraies, saintes et glorieuses, ces actions et ces doctrines. Mc lumen, vos umbra regit. Nous suivons tous ces maîtres de l'intelligence et tous ces héros de la grandeur humaine; vous piétinez parmi la multitude de leurs adversaires et de leurs persécuteurs. Un évêque résiste aux lois du prince pour rester fidèle aux lois de l'Eglise vous le traitez de séditieux, vous demandez que par l'amende, par la prison, par l'exil on le réduise au silence; vous condamnez en lui saint Pierre, saint Hilaire, saint Athanase, saint Ambroise, saint Chrysostôme, saint Thomas Becket et mille autres; vous condamnez dix-huit siècles de combats héroïques pour les droits les plus sacrés de l'homme, pour la loi même qui a fondé et maintenu la civilisation chrétienne; vous vous

mettez contre les saints du parti des tyrans, des sophistes, des eunuques, des apostats et des gens de mauvaises mœurs. Nous sonimes ceux qui les assistaient dans leurs combats, qui les visitaient dans leurs prisons, qui les vénéraient dans leur martyre; vous êtes ceux qui les jouaient sur les théâtres, qui les traînaient aux arènes, qui les huaient encore lorsqu'ils étaient déjà sous la dent des tigres et sous l'épée des confecteurs. Nous nous connaissons bien! Dans leur sang répandu pour la gloire de l'éternelle vérité, de cette vérité qui rachetait et sauvait le monde, nous trempions des linges qui devenaient nos plus précieux trésors; dans ce mème sang vous trempiez vos plumes pour écrire l'apologie des bourreaux. Trouvez donc un sophisme aujourd'hui, inventez donc une raillerie ou une farce, appelez donc au secours de votre dialectique un misérable histrion dont nous ne puissions pas retrouver le modèle et l'ancêtre dans l'immense fumier que nous ont laissé tous ceux qui se sont inscrits d'eux-mêmes aux gémonies de l'histoire. Pensez-vous ètre les premiers qui se rient des miracles? Pas plus que nous ne sommes les premiers qui les croient! Il y a eu de tout temps des gens d'esprit comme vous, qui ont déploré la crédulité et l'ignorance, qui ont signalé à l'indignation des gens honnêtes, sérieux et modérés, les détestables supercheries d'un certain nombre de simples ou de fourbes qui croyaient aux miracles ou qui même en faisaient. S'il fallait nommer tous ces simples et tous ces fourbes, la liste en serait longue, depuis saint Paul jusqu'à Pie IX. Plusieurs ne se sont pas contentés de croire ou de parler, ils ont écrit des livres où ils ont rendu compte de leur croyance. Nous savons que vous méprisez ces livres-là, mais nous voudrions bien savoir

ce que vous y avez jamais répondu, et comment vous vous tirez, par exemple, d'un petit écrit de saint Augustin, intitulé: De la Croyance aux choses qu'on ne

voit pas, ainsi que de quelques lettres que le saint docteur ne dédaigna pas d'adresser sur cette matière aux Chambolle de son temps?

Mais si M. Chambolle et l'Ordre ont grand tort de regarder comme une chose rare que nous nous occupions d'eux, ils ont cent fois plus tort de dire que leur langage et jusqu'à leur silence « nous jettent dans des accès. » Quels accès? Eh! mon Dieu, il n'y a pas même d'accès de rire, ou du moins ils ne sont pas longs; car, après tout, outre que nous avons eu, hélas ! le temps de nous y accoutumer, le spectacle qu'ils nous donnent a ses côtés tristes. C'est une consolation de voir que l'incrédulité voltairienne, autrefois si puissante parmi nous, est tombée à n'avoir plus que ces adeptes édentés et mornes, qui n'osent qu'à peine allonger leur corne usée contre tout ce qu'ils foulaient aux pieds naguère avec tant d'insolence; mais c'est une douleur et un ennui, une grande douleur et un grand ennui de leur répéter sans cesse des choses qu'ils n'entendent jamais; de les trouver également incapables de se défendre et de se convertir; de ne pouvoir obtenir d'eux ni qu'ils fassent une réflexion, ni qu'ils ouvrent un livre, ni qu'ils raisonnent, ni qu'ils se taisent; et de penser enfin que ces misérables rogatons des vieilles polémiques dont ils se servent en guise d'arguments, suffisent néanmoins pour les entretenir, eux et ceux qui les lisent, dans une incrédulité aussi funeste qu'absurde? Qu'y gagnent-ils? quelle satisfaction de cœur, ou d'esprit, ou de vanité trouvent-ils à tout cela? On conçoit jusqu'à un certain point les hommes sur qui

ce rôle, soutenu avec esprit et avec audace, attire les applaudissements de la foule; mais eux qui seraient faits pour vivre dans la paix et dans la règle, n'est-ce pas une étrange et affligeante manie que la leur?

III.

A PROPOS DE BOSSUET.

30 juin 1850.

L'Ordre vient chercher des coups, les obtient, et crie qu'on lui fait du mal. Si nos observations le blessent, à qui la faute? Nous ne l'avons pas provoqué; il n'a reçu de nous aucun cartel qui l'obligeât à publier ses bons mots contre les miracles et ses profondes considérations sur la façon dont le Pape gouverne Rome et l'Eglise. Avant d'aborder ces questions, il était libre de les étudier pour en parler congrùment. Qui le pressait de se joindre aux plaisants du National et aux publicistes du Charivari? Personne ne croira que nous dussions le ménager, par la raison qu'il se montrait tout à la fois ignorant et ridicule. Nous l'admirons! M. Chambolle ou

dit la religion, la famille et la propriété. Ont-ils prévu qu'à côté du rédacteur en chef il y aurait une administration qui répandrait à bas prix, chaque année, trentesix volumes des œuvres morales de MM. Sue, Balzac et Mma Sand?

Venons à Bossuet. On sait combien M. Chambolle le révère. Mais, lui disons-nous, Bossuet croyait aux miracles. Comment votre vénération s'arrange-t-elle de ce travers de son génie?— « Rien de plus concevable, nous répond M. Chambolle. Nous nous tenons, en effet, pour » très assurés que Bossuet, quel que fùt son respect pour » les saintes légendes du Christianisme, n'aurait guère >> encouragé de son temps des faiseurs de miracles comme >> ceux devant lesquels s'ébahit l'Univers. C'est un point » que nous n'avons pas besoin de discuter. Nous nous en >> rapportons à cet égard au jugement des hommes les plus pieux qui n'ont pas fait divorce avec le sens com

>>

>> mun. >>

Nous savions bien que M. Chambolle ne connaissait pas Bossuet, et que c'était là l'unique raison de son estime pour ce grand homme. Mais nous pensions qu'au moins il avait parcouru les Oraisons funèbres, et qu'il avait vu dans l'éloge d'Anne de Gonzague ce qu'il a dit du songe miraculeux à la suite duquel cette princesse se convertit. Bossuet, qui regardait une conversion comme le plus grand de tous les miracles, croyait que ce miracle peut ètre l'effet d'un songe envoyé de Dieu. Il croyait, de plus, comme tous les chrétiens, que tout est possible à quiconque a la foi, même de transporter les montagnes, même de ressusciter les morts. M. Chambolle peut ouvrir les Méditations sur l'Evangile. Voici quelles conclusions Bossuet tirait de ces « pieuses légendes du Christia

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