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Nous aurions voulu dans le projet des garanties moins hypothétiques.-Impossible! Pourquoi?-Parce que l'Assemblée aurait rejeté le projet. -C'est une hypothèse ! Nous disons qu'une hypothèse de cette nature n'aurait pas dù effrayer le courage et la foi des amis de la liberté. On bataille, on chicane, on soutient que les garanties données par le projet sont suffisantes, on finit par avouer qu'elles ne suffisent pas, et on promet que des garanties plus positives seront introduites. Par qui? l'Assemblée. -Autre hypothèse!

Par

On nous prie de remarquer que le projet dissout l'Université par le mécanisme ingénieux qui la fractionne en quatre-vingt-sept conseils, y compris le conseil supérieur, et par la superposition dans chacun de ces conseils d'un certain nombre de mitres et de soutanes. Nous objectons que ces combinaisons difficiles, au lieu de dissoudre l'Université, pourraient bien la fortifier. Erreur, nous dit-on; l'Université est transformée, brisée, mutilée, détruite. Nouvelle hypothèse, et qui ne s'accorde guère avec l'hypothèse de l'exécution large, sincère, libérale de la loi par l'Université.

La loi est une loi de pacification; grande consolation pour ceux qui la présentent! La pacification ne résultera pas, bien entendu, du complet asservissement de la petite minorité libérale et catholique à la grande majorité universitaire; personne n'en voudrait à ce prix. Elle résultera de l'accord qui ne manquera pas de s'établir dans le grand conseil de Paris et dans les conseils particuliers des départements entre les représentants ecclésiastiques de la liberté et les représentants universitaires du monopole. Ils s'entendront sur toutes les questions d'enseignement, de direction, de discipline. Ils approu

veront réciproquement leurs doctrines et leurs livres. Quelle harmonie..., et quelle hypothèse!

Dans la partie qui concerne l'enseignement primaire, on allègue l'inamovibilité retirée à l'instituteur, par suite de quoi il est placé dans l'entière dépendance du curé et du maire, lesquels pourront le faire placer ailleurs, quel avantage! et s'entendront toujours sur ce point..., quelle hypothèse!

Toutes ces hypothèses ne sont pas les seules que nous aurions à relever, mais il n'est pas nécessaire d'en allonger la liste. En voilà, ce nous semble, bien assez pour montrer que ceux qui se félicitent d'avoir réalisé le possible, n'ont réalisé que ce que l'Université a bien voulu leur concéder, l'estimant avec raison sans danger pour son monopole. Or, ce qui n'est pas dangereux pour le monopole, c'est ce qui ne lui enlève rien. Si nous n'enlevons rien au monopole, pourquoi chanterions-nous victoire? Si nous avons toujours la même proie à lui ravir, pourquoi poserions-nous les armes? Où est le gain de la paix? Quelle est cette paix? Quod bellum servavit, pax ficta non auferat. C'était la devise d'un noble écrit de M. de Montalembert.

Ah! nous ne savons pas s'il était possible d'obtenir de ce pays l'entière, la vraie et loyale liberté que nous avons demandée toujours, comme l'air et le pain dont nous voulons vivre. Nous ignorons si environ trois cents députés, notoirement dévoués à la liberté de l'enseignement, n'auraient pas trouvé dans toutes les parties de l'Assemblée assez d'hommes intelligents pour former avec eux une majorité capable de détruire enfin l'odieux monopole, l'odieuse conscription des âmes. Nous ignorons s'il était possible de faire cette grande chose! Mais ce que

rien

nous savons bien, c'est qu'il était possible, glorieux, utile de la tenter; car la tentative elle-même était une victoire, et le résultat, quel qu'il fût, nous laissait plus nombreux et plus honorés autour de nos principes. Nous n'aurions pas fait à nos vieilles idées l'injure de douter d'elles, à nos vieux ennemis l'honneur de traiter avec eux, démentant, pour tomber dans leurs filets, quinze années d'une polémique plus nécessaire aujourd'hui que jamais. Le possible était de déclarer, de prouver que n'est possible, sinon la liberté ! C'est là ce que nous avons toujours cru, toujours dit; c'est ce que nous croyons encore, c'est ce que nous dirons toujours, jusqu'à ce que nous ayons atteint notre but ou que l'Université ait consommé son œuvre. Point de pacte! Nous méprisons les pusillanimes conseils de la sagesse humaine, et nous ne voulons pas nous asseoir, parce que d'autres sont fatigués. Nous défendrons en leur absence, et s'il le faut, contre eux-mêmes, ce qu'ils ont gagné avec nous: Quod bellum servavit, pax ficta non auferat.

VIII.

NÉCESSITÉ DE LA LIBERTÉ.

27 octobre 1849.

La retraite de M. de Falloux et la crainte de voir éclater de nouveaux dissentiments dans la majorité font

penser à ajourner le nouveau projet de loi sur l'enseignement. Nous n'en sommes point surpris; nous avons toujours cru que du moment qu'on n'avait pu enlever cette loi et qu'il faudrait non plus seulement la voter, mais la discuter, d'inextricables difficultés se présen

teraient.

Nous n'avons point encore discuté le rapport de M. Beugnot, nous ne savons si nous en viendrons là; nous ne le souhaitons pas. Nos lecteurs, qui le connaissent et qui en connaissent aussi la conclusion pratique, c'est-à-dire le projet de loi amendé par la commission législative, ne nous accuseront assurément ni de présomption ni d'entètement en voyant qu'il ne fait pas tomber notre opposition.

Le principe de la loi est toujours le même, la cause est toujours dans le même état; quelques améliorations de détail ne modifient en rien le principe dangereux que nous repoussons. Nous n'avons qu'un adversaire de plus. Un adversaire sérieux, sans doute, mais dont l'autorité, quelque grave qu'elle soit, est moins grave aux yeux des catholiques et surtout nous est moins chère que beaucoup d'autres, auxquelles nous avons dù refuser notre assentiment.

Après comme avant le rapport, le projet de loi ne compte guère d'approbateurs décidés que parmi ses auteurs. L'incertitude qui plane sur sa destinée fait assez voir que, s'il a gagné quelques partisans, il a cependant perdu beaucoup de terrain. Nous croyons que, dans le cas où l'on s'obstinerait à le faire passer, on verrait apparaître de nombreux adversaires, là où l'on s'était flatté de ne trouver que des neutres et peut-être des amis.

Cependant cette œuvre malheureuse n'en a pas moins

produit le résultat qu'il fallait craindre : elle a jeté parmi les catholiques beaucoup de doutes et d'hésitation. Entre ceux qui acceptent décidément le projet et ceux qui, non moins décidément, le repoussent, il y a de bons esprits qui s'y résignent avec une tristesse découragée. Ce n'est pas ce que nous avions demandé, disent-ils; ce n'est pas ce que nous espérions, ce n'est pas la liberté, et nous ne savons pas même si l'on offre quelque chose de préférable au statu quo. Mais comment croire que, si nous avions pu obtenir davantage, tant d'hommes sincèrement dévoués à la cause catholique se seraient arrêtés là? Prenons cette loi, puisque nos chefs nous la présentent; efforçons-nous de l'améliorer; essayons-en. Nous tâcherons, sous son empire, d'accroître nos forces pour obtenir mieux. Peut-être n'y a-t-il pas, quant à présent, assez de zèle et assez de lumières parmi nous pour que nous puissions faire un utile usage de la liberté.

On va loin sur ce thème. On dit que le clergé ne pourrait pas soutenir la concurrence de l'Université, que les familles catholiques sont en trop petit nombre pour retirer leurs enfants des colléges de l'Etat et alimenter les colléges libres; bref, on emprunte, sans le vouloir, à l'ancienne polémique universitaire, quelques-uns de ses plus injurieux arguments, ceux-là mêmes qu'on a cent fois combattus et réfutés.

Si l'on avait toujours tenu ce langage, le parti catholique n'aurait eu ni chefs ni membres; il ne se serait pas formé, il n'existerait pas. Son existence, le rôle qu'il a joué, l'influence qu'il exerce au moment même où il se laisse si déplorablement morceler, tout prouve qu'il n'avait rien demandé au-delà de la raison, du bon droit et de ses propres forces. Ceux qui doutent aujourd'hui

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