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l'Eglise elle-même; et l'Eglise a pour eux, contre ces amertumes, de profondes et intimes consolations.

> Quant à ceux qui ont donné le signal de ces tristes attaques, je sais sans doute que ce sont des catholiques sincères et dévoués; mais je n'en suis pas moins alarmé, parce que je trouve aussi qu'ils prennent dans les affaires de l'Eglise une initiative et une direction qui ne leur appartiennent pas.

» Je trouve qu'ils ont agi dans cette circonstance avec une précipitation, avec une véhémence, avec une injustice inexplicables.

» Je trouve qu'ils ont trop compté sur eux, en dehors de nos seuls chefs et de nos seuls guides, et qu'ils décident, approuvent et condamnent comme si NN. SS. les évêques n'étaient pas chargés de le faire.

» Malgré mon estime pour eux, il m'est impossible de voir dans les bureaux d'un journal quelconque le concile permanent des Gaules.

» On me permettra, Monsieur le Rédacteur, de préférer, comme vousmême vous l'avez toujours fait, l'examen, les décisions et l'autorité de l'Episcopat lui-même. »

M. l'abbé Dupanloup n'a point lu les articles de l'Univers, et on lui en aura' fait quelque rapport infidèle. L'Univers n'a contesté aucun service, ni mis personne au ban de l'opinion, ni jamais prétendu s'ériger en concile permanent des Gaules. Des critiques de ce genre seraient tout-à-fait contraires à nos sentiments, et une telle prétention absolument en dehors de nos usages. Sans doute, à nos yeux, M. Thiers et M. Cousin, deux des principaux auteurs du projet, ne sont pas des anges descendus du ciel pour donner de bonnes lois aux catholiques; mais si une seule de nos paroles a paru contester les bonnes intentions de nos amis, c'est sans le vouloir; et s'ils l'ont cru, c'est par méprise. Quoi qu'il en soit, devant ce pressant appel à la modération, nous voulons nous rendre, et nous nous taisons.

V.

AUTRE RÉPONSE.

2 août 1849.

L'Ami de la Religion refait l'examen du projet de loi sur l'instruction publique. De plus en plus charmé des perfections qu'il y remarque, il s'étonne de plus en plus que ces perfections ne frappent point nos yeux. Il en trouve la cause, non dans aucune des convictions que l'on nous connaît, non dans cet aveuglement profondément inintelligent que Mgr l'évêque nommé d'Orléans voulait bien nous reprocher, mais dans un mauvais sentiment qui se cache au fond de nos cœurs : sentiment d'orgueil et de jalousie contre la gloire des auteurs du projet. On a vu en quels termes tout-à-fait conciliants la modération nous était prèchée; voici maintenant sous quels traits, toujours du même style, on s'applique à nous peindre :

«Non, ce n'est point là une polémique telle qu'on aurait dû la faire, fût-ce contre des ennemis.... Toutefois, n'en soyons pas étonnés. Voilà plus de soixante ans qu'en France les choses se passent ainsi. Les plus honnêtes gens du monde, ceux qui se croient les plus conservateurs des principes de l'ordre social, agissent presque toujours de cette façon. Eux aussi, trop souvent, sont plus révolutionnaires qu'ils ne le croient. Car trop souvent ils ne s'entendent, ils ne sont puissants que pour détruire, ils ne savent, ils ne peuvent rien faire pour édifier.

» Et pourquoi donc? C'est d'abord qu'ils sout hommes autant qu'il est possible, et plus peut-être qu'il ne leur est permis de l'étre. C'est ensuite parce qu'ils participent autant que qui que ce soit à la manie du XVIIIe et du XIXe siècle, laquelle consiste à discuter toujours sur des plans, sans consentir à mettre jamais la main à l'œuvre; c'est qu'on aime surtout à troubler, à inquiéter, à entraver ceux qui travaillent. L'édifice ne semble pas assez magnifique, on le dénigre à l'avance, on le détruit quand il est à peine sorti de terre, et pourquoi? C'est qu'au fond chacun voulait étre l'architecte, que personne n'a le courage de se résigner à n'être qu'un simple et laborieux ouvrier. »

Nous nous vantions hier d'avoir su jusqu'où nous mènerait cette polémique. Nous nous trompions grossièrement. Nous pensions bien qu'on nous accuserait d'un peu d'entètement et de beaucoup de stupidité; nous n'imaginions pas qu'on nous attribuerait des sentiments ignobles. L'esprit de modération, dont l'Ami de la Religion se fait gloire d'être rempli, a certainement ses priviléges, mais franchement il les pousse trop loin. Comment arrange-t-il la tirade qu'on vient de lire avec le reproche que nous faisait hier Mgr l'évêque d'Orléans, d'être ingrats, véhéments, injustes, de ne pas tenir compte des bonnes intentions ni des anciens services, de condamner les gens à tort et à travers, de contrister les cœurs, de mettre au ban de l'opinion les héros de la cause? Ne se donne-t-il pas tous les torts qu'on nous reproche, et avons-nous jamais rien dit qui approche de l'excès que nous signalons?

On nous ouvre une voie où nous refusons d'entrer. Elle est bien large déjà; on peut la faire plus large encore et nous y pousser par de plus sensibles outrages, nous n'y entrerons pas. Nous refusons des satisfactions déplorables, funestes à l'intérêt qui nous veut unis et qui nous réunira un jour en dépit de nous

mêmes, quand la loi sera faite et qu'il faudra la défaire. Nous ne voulons point de ces satisfactions. Une fois encore (car celle-ci n'est pas la première) nous donnerons l'exemple de n'attaquer que dans leurs œuvres, lorsqu'elles nous sembleront mauvaises, ceux qui veulent se donner le plaisir de nous blesser au cœur. Mais, qu'ils le sachent bien, ce triste plaisir, ils ne l'auront pas. Nos cœurs sont trop hauts pour ces sortes de coups. Ils ont déjà servi de but, ils n'ont pas été atteints. A l'avantage de n'avoir jamais rien fait, jamais rien demandé, jamais rien reçu pour nous, nous ajoutons l'avantage encore plus précieux de ne rien désirer, pas même l'amitié de nos amis. Il n'y a point de caresse qui nous séduise, ni de mauvais procédé qui nous irrite; et l'on peut être à notre égard, si l'on croit nous devoir quelque chose, ingrat en toute sûreté de conscience, comme on serait, le cas échéant, caressant et poli en pure perte. Ce que nous paraissons faire pour les hommes ou contre les hommes, nous ne le faisons, en réalité, ni pour eux ni contre eux, mais pour la vérité. C'est à elle que nous nous sommes donnés, et non pas à ceux qui la servent avec nous; c'est elle que nous considérons et non pas ce qui nous touche. Cependant nous défendrons notre honneur, car il importe à notre cause que nous le défendions. Nous ne jugeons pas à propos de le faire ici. Le public peut juger sur pièces.

L'article qui nous commande ces observations est intitulé Le possible. Nous l'examinerons. Mais il nous semble que le possible serait d'abord de répondre à nos critiques autrement que par ces odieuses inculpations, et qu'on pourrait, à la rigueur, se contenter, comme Mgr l'évêque nommé d'Orléans, de nous reprocher «< une

légèreté railleuse » et « un acharnement aveugle et profondément inintelligent. » N'est-ce pas assez pour les défenseurs du projet de démontrer que ses adversaires sont à la fois moqueurs et stupides, et faut-il encore qu'on les croie de malhonnêtes gens?

VI.

LES AUTORITÉS.

2 août 1849.

Il y a cinq ans, au moment des luttes les plus vives sur la question d'enseignement, l'Episcopat a déclaré d'une voix unanime qu'il demandait pour tous le droit de fonder des écoles absolument indépendantes des écoles officielles. Il s'est prononcé pour la séparation, ne trouvant pas ailleurs la vraie, l'indispensable garantie de la liberté.

Aujourd'hui, on propose un projet qui met tout l'enseignement sous la dépendance de l'Etat et fait de l'Eglise l'auxiliaire subalterne de l'Université.

Nous disons qu'entre ce projet déclaré excellent par

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