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dissolution par la guerre civile également. Aussi verrezvous le czar s'obstiner dans la paix avec la même résolution que l'Angleterre, qui a un intérêt tout différent, met à souffler la guerre. Quand les armées du continent seront épuisées et que l'Angleterre n'aura plus que ses flottes, alors le monde sera mùr pour une humiliation suprême, et l'empire britannique, inutilement engraissé de la ruine universelle, recevra sa large part du formidable châtiment. Ce marchand ne s'enrichit que pour les voleurs.

» Je terminerai cette longue lettre comme nous terminions toujours nos entretiens. Aux yeux mêmes de ceux qui ne croient pas, pourvu d'ailleurs qu'ils aient suffisamment de jugement et d'intelligence, la civilisation européenne, vaincue par les monstres enfantés dans ses corruptions, ne peut espérer de salut que d'un miracle. Dieu paralyse immédiatement toute force purement humaine qui s'annonce capable de la sauver. Les uns meurent comme Bugeaud, les autres sont frappés de cécité intellectuelle, les autres reçoivent des circonstances et des événements l'impérieux conseil d'attendre et de laisser faire. L'empereur de Russie n'est pas populaire en France ni en Europe, et c'est à juste titre. Dieu sait cependant si la France et l'Europe n'auront pas lieu de le regretter. Quelle que soit l'aversion de ce prince pour les institutions dites libérales, il a vécu trop longtemps en présence de la vie constitutionnelle pour n'être pas lui-même, relativement et de quelque façon, libéral. Mais quel sera son sentiment ou celui de son successeur, et quel sera le sentiment du monde européen dans dix ou quinze ans, lorsque l'esprit révolutionnaire se sera développé, aura triomphé et régné partout? Voilà une

question que l'on ne peut se poser sans épouvante. Comprenez-vous bien la haine, l'horreur qu'inspirera la seule idée de liberté, devenue inséparable de l'idée d'anarchie? Comprenez-vous bien cette inassouvissable soif de despotisme qui enflammera tous les intérêts, toutes les passions, toutes les intelligences? Et si quelques âmes, qui aimeront encore la liberté, parce qu'elles en seront restées dignes, veulent stipuler pour elle, comprenezvous bien l'impuissance ridicule où elles se trouveront d'obtenir les moindres garanties, et le mépris sans bornes avec lequel d'insolents vainqueurs et de lâches vaincus repousseront leurs prières? Tout sera abandonné, détesté, foulé aux pieds. On se prosternera devant le maître, on lui demandera l'esclavage: on l'aura tel qu'il n'a pas encore existé sur la terre.

>> Qui empêchera l'humanité de se replonger et de rentrer pour jamais dans la barbarie? Ce ne seront ni les écrivains, ni les artistes, ni les orateurs, ni les soldats, ni les magistrats, et bien moins encore les démagogues. La tyrannie trouvera parmi eux plus d'agents empressés que d'adversaires. Mais la conscience chrétienne, encore une fois sommée d'abjurer Dieu, se révoltera encore une fois, et l'ère des martyrs recommencera l'ère de la liberté.>>

LA LOI SUR L'ENSEIGNEMENT.

Le projet de loi sur l'enseignement secondaire, présenté par M. de Falloux, fut le thème de la plus longue et de la plus douloureuse polémique que l'Univers ait dû soutenir. Elle dura près d'un an, et, comme on l'a pu voir, le ressentiment n'en est pas encore éteint.

Après l'avoir relue, deux choses me consolent.

La première, c'est que cette discussion ne pouvait être évitée; la seconde, c'est que l'Univers n'a rien fait pour changer la discussion en dispute et le dissentiment en division.

Il y avait toujours eu parmi nous un parti pour la transaction, et il s'était manifesté à l'occasion du projet Salvandy (Voy. t. III d'un écrit de M. l'abbé Dupanloup). Ce parti se montra plus puissant et bientôt tout-puissant au milieu des troubles que suscitaient les affaires politiques. Je ne condamne personne. Je crois à la sincérité des raisons auxquelles nous n'avons pu nous rendre. Ceux qui trouvaient la transaction nécessaire et qui croyaient la faire bonne pour l'Eglise devaient la proposer et la soutenir; ne la trouvant ni opportune ni profitable, nous devions la repousser.

Nous la repoussâmes sans nous donner le tort d'accuser les intentions, sans employer ces armes qui font d'injustes et malignes blessures. On pourra deviner par quelques-unes de nos réponses que les mêmes égards n'étaient point gardés envers nous.

L'Ami de la Religion était le principal apologiste du projet, et seul l'approuvait absolument. Les hommes qui l'inspiraient, connaissant leur importance, à laquelle je me flatte d'avoir toujours rendu hommage, s'indignaient un peu plus que de raison d'être contredits par des écrivains comme nous, qui n'étaient rien en dehors de leur journal. Ils nous accusaient d'indiscipline et nous contestaient jusqu'au droit de les combattre. Ce sentiment naturel, se communiquant à leurs moindres secrétaires, explique et fait excuser l'emploi d'un certain ordre d'arguments qui ne pouvaient avoir aucune influence sur nous. Nous ne doutions pas de notre droit d'examen, et d'ailleurs, il s'en fallait que nous fussions seuls contre le projet. C'est de quoi nos adversaires, qui le savaient très bien cependant, ne tenaient pas assez compte. Plusieurs évêques, entre autres le vénérable évêque de Chartres, feu Mer Clausel de Montals, s'étaient prononcés publiquement dans le même sens que nous. Mgr Parisis s'abstenait. Les démarches les plus habiles et les plus empressées pour obtenir des adhésions n'en rallièrent qu'une trentaine, qui encore restèrent confidentielles. Révélées seulement vers la fin de la lutte par une sorte d'indiscrétion, elles parurent incertaines et douteuses, se bornant à dire que le projet valait mieux que le statu quo. En tout, cette loi inspirait de graves inquiétudes à l'Episcopat, et les auteurs le savaient si bien, quoiqu'ils n'eussent pas consulté les évêques, qu'ils avaient formé le dessein de faire voter d'urgence, en quinze jours, presque sans discussion. L'Episcopat laissa faire. Rome consultée, non par nous, mais par nos adversaires, garda le silence et ne parla qu'après le vote pour rassurer les consciences et rétablir la paix.

Dans la réponse que j'ai faite à M. de Falloux (t. 1er) j'ai esquissé l'histoire de la discussion. Voici une partie de mes preuves sur les points où j'ai dû le réfuter. Il y en a d'autres, et en abondance; mais celles-ci suffiront, et j'aurais voulu pouvoir me dispenser de les produire.

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