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déclarée banque royale par un édit enregistré au Parle

ment.

Rien n'égale l'amour de M. Pelletan pour les textes, si ce n'est le mépris qu'il fait de ces mêmes textes redressés, ou de ceux qu'on leur oppose. N'a-t-il rien à dire de saint Antonin, qui permet l'escompte; de saint Thomas qui autorise le prêteur à déduire une compensation du dommage qu'il encourt en prêtant; de Gerson, qui approuve les contrats de rentes rachetables à volonté; enfin de Benoît XIV, qui, proscrivant l'intérêt du prêt, spécifie cependant les cas où cet intérêt peut être justement et légitimement exigé?

Il se tait sur tout cela; mais il nous demande « à qui nous espérons persuader que Bossuet, que l'assemblée générale du clergé, qu'avant eux, qu'après eux tant d'évêques, tant de conciles, tant de professeurs en droit canon, tant de Papes ont pu si grossièrement se tromper sur le sens de l'Ecriture. » M. Pelletan affectionne cette sorte de plaisanterie. Comment! vous soutenez que l'’Eglise n'entend pas l'Ecriture comme je l'entends! A qui espérez-vous persuader qu'elle tombe dans cette erreur grossière?

M. Pelletan nous promet, en terminant, de réfuter Bergier et « notre arrêt tronqué de la Pénitencerie. » Il paraît qu'à son avis Bergier aussi et la Sacrée-Pénitence se sont trompés sur le sens de l'Ecriture.

Et, ce qu'il y a de plus plaisant, c'est que l'Ecriture elle-même, d'après M. Pelletan, s'est trompée; car, lorsqu'il nous aura prouvé, à sa manière, que l'Ecriture et l'Eglise interdisent et condamnent toujours toute espèce d'intérêt du capital, alors M. Pelletan, développant tous ses moyens, fera voir que l'Ecriture et l'Eglise n'ont rien

compris aux besoins de la société, et que l'intérêt du capital est l'instrument principal et nécessaire de la rédemption de l'humanité.

Nous espérons bien qu'il en trouvera l'aveu dans l'Ecriture, dans les Pères et dans les Conciles.

LE ROI DE PRUSSE ET LA RÉVOLUTION (1).

On nous écrit de Berlin :

13 novembre 1849.

« Il me semble que vous vous faites, en France, de graves illusions sur l'état de l'Allemagne et sur la marche future des événements. Les uns annoncent des catastrophes très prochaines et un triomphe complet et presque immédiat de l'esprit révolutionnaire; les autres s'attendent à une restauration également imminente et non moins soudaine de l'autorité, par l'accord des trois grandes puissances, l'Autriche, la Prusse et la Russie. Ceux qui parlent ainsi se croient les plus sûrs de voir juste, et je m'explique leur conviction. Elle serait fondée

(1) Cet article, sous forme de lettre, a été écrit après une conversation de Donoso Cortès, qui revenait de son ambassade à Berlin.

si les trois puissances étaient vraiment d'accord. Mais cet accord n'existe pas. Les deux empereurs peut-être s'entendent; mais le roi de Prusse s'est affranchi de l'alliance et en paralyse l'effet actuel.

» Le roi de Prusse est l'homme le plus capable de vaincre la révolution et qui la hait le plus : c'est triomphera; c'est par lui qu'elle aura son jour, terrible par lui lui qu'elle pour l'Allemagne et pour tout le monde. Elle l'aura, non pas peut-être demain, comme quelques-uns le disent, mais infailliblement et assez tôt.

>>>Vous ne connaissez point le caractère du roi de Prusse. Croyez-en un témoin qui l'a vu de près et souvent. Frédéric-Guillaume est un homme admirablement doué. Il est très éloquent, très instruit, sachant presque toutes les langues d'Europe et les sachant bien. Ses connaissances, très variées, vont jusqu'à l'érudition; son goût pour les arts est exquis, magnifique, vraiment royal. Berlin est devenu par lui l'Athènes de la civilisation. Sous l'impulsion, il faudrait presque dire sous la direction du monarque, on y crée tous les jours des merveilles. Cet orateur, ce savant, cet artiste est de plus un noble cœur, plein de sentiments religieux et d'idées hautes. Il y a dans sa piété une teinte de mysticisme; il croit à son autorité, à son droit, comme Louis XIV; à sa mission, comme Jeanne-d'Arc. On n'en demande pas tant aujourd'hui pour faire un homme de génie, et FrédéricGuillaume serait, en effet, un homme de génie s'il ne lui manquait une petite chose : le bon sens.

» C'est l'absence de cette humble qualité qui le perdra. Faute de bon sens, il est devenu le serviteur, il deviendra le vaincu et la victime de cet esprit révolutionnaire qu'il méprise, qu'il se croit appelé à vaincre, qu'il pense avoir

dompté, et qui déjà l'enlace dans cette captivité dont les rois ne sortent que pour l'exil ou pour l'échafaud.

» Frédéric-Guillaume est absolutiste et l'a toujours été. Comme prince royal, il faisait de l'opposition au gouvernement du feu roi, qu'il accusait d'employer trop d'intermédiaires entre le peuple et lui. Il trouvait, non sans raison, que l'autorité royale s'amoindrissait par la prépondérance de son principal et plus sûr instrument, l'administration. Tout le monde connaît la perfection de l'administration prussienne. Nulle part la bureaucratie, cette main avilissante du despotisme moderne, ne s'applique plus souple et plus large sur la liberté humaine, et ne l'étreint plus complétement. Mais de tous les agents que peut employer le pouvoir, le bureaucrate est le plus prompt à se rendre nécessaire, à connaître le moment où il l'est devenu, à abuser du besoin qu'il sait qu'on a de lui. Ainsi arriva-t-il en Prusse. Véritable servante-maîtresse, la bureaucratie avait fait, comme chez vous, passer dans la bourgeoisie la réalité du pouvoir, et, sans disputer au Roi aucune de ses prérogatives, l'obligeait de compter avec elle. La bourgeoisie n'est propre qu'au règne des bureaux; vous savez si elle s'y entend, de quelle façon dure, taquine, irritante elle l'exerce, et comme elle a bien vite fait de corrompre et de désaffectionner les populations. Vous savez également si cette influence, qui pèse partout, est facile à détruire.

>> Voilà pourtant ce que le prince de Prusse rêvait. Il se promettait, quand le jour serait venu, de chasser la servante et de se rendre maître chez lui. On ne pouvait l'en blâmer; c'était l'intérêt de son peuple et le sien. Dieu l'appela au trône; mais alors, par un de ces calculs dont il ne faut chercher le secret que dans la haute opinion

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