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» longtemps que les Papes s'isolent de la marche de l'es» prit humain et de tous les progrès du continent. » Combien nos Montagnards sont heureux d'entendre ces belles choses! Et ceci : « A Rome, deux censures pèsent » sur la pensée, la censure politique et la censure cléri»cale; l'une garotte l'opinion, l'autre bâillonne la pen» sée.... » Comme ils engloutissent tout cela! quelles délices! quels épanouissements! Ne croyez pas que M. Bourzat objecte le moindre mot. M. Bourzat sent, déguste, se régale.

M. de Montalembert paraît. Il déplace et replace, comme vous savez, sur le front de M. Victor Hugo, la couronne que celui-ci vient de gagner. La Montagne tressaille jusqu'en ses profondeurs, et donne à M. de Montalembert une leçon de style parlementaire.

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« Un

» membre à gauche : Vous êtes un insolent! Voix » nombreuses à gauche : A l'ordre! à l'ordre! - M. Ar» naud (M. Arnaud (de l'Ariége), le catholique) : Pourquoi de telles provocations de la part d'un chrétien? » Nous avons applaudi aussi nous! » M. de Montalembert s'explique.. - « Voix à gauche : Il aggrave l'injure! >> - A l'ordre! à l'ordre! Nous ne laisserons pas par>>> ler l'orateur! >> L'orateur parle, cependant, et même il parle de façon à se faire entendre. La Gauche, reconnaissant l'inutilité de ses colères, essaie tour à tour le rire, le sarcasme et le raisonnement. M. de Montalembert demande où l'on a vu les gibets dont M. Hugo attribue la plantation au gouvernement clérical. - « A » gauche L'histoire est là! M. de Montalembert : » Oui, l'histoire est là. Elle dit que, depuis trois siècles, il » n'y a pas eu à Rome un seul Pape cruel, dur ou tyran» nique. Voilà ce que dit l'histoire. -M. Antony Thou

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>> ret: Et l'histoire du Père Loriquet? » - M. Antony Thouret est un des esprits les plus éclairés de la Gauche. Il fait des vers. M. de Montalembert touche, en passant, à la première amnistie de Pie IX. Il prononce ses nobles paroles sur la gloire de ceux qui font des ingrats. On écoute, on admire; on croirait que le cœur de l'Assemblée bat dans la poitrine de l'orateur. Une voix s'élève de la Montagne. - « Voix à gauche Il se croit en ca» rême! » M. de Montalembert compare ensuite Pie IX à Louis XVI, qui fut adulé, flatté, séparé de ses amis les plus fidèles et jeté ensuite au bourreau sous le nom de Louis Capet. « Voix à gauche : ON A EU RAISON! » L'Assemblée proteste contre cette parole; la Montagne l'accepte.

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Et ils déclament contre les Haynau et les Radetzky! Toutes les interruptions adressées à M. de Montalembert sont dans le goût de celles que nous venons de citer, ou ineptes, ou grossières. M. de Montalembert accuse les démagogues qui ont souillé la liberté. — « A gauche : » Ce sont les Jésuites qui l'ont salie! » Il dit que les rois remontent sur leurs trônes, mais que la liberté ne re« Voix à gagne pas les cœurs qu'on lui a fait perdre. gauche: Nous avons la première manche, vous avez la >> seconde; nous verrons qui aura la belle. » Il dit que personne ne voudrait employer la violence contre le Saint-Père, et, se tournant vers la Montagne, il ajoute : « Ne me démentez pas, je vous en supplie. >> « A gauche: Ah! comme c'est gentilhomme! » Il dit qu'il ne faut pas attaquer l'Eglise, parce qu'elle a des ressources infinies pour la défense. « M. Charras: Nous le sa»vons bien; demandez plutôt à Ravaillac. »

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Ne demandons pas à M. Charras s'il n'a jamais en

tendu nommer Pepin, Morey, Alibaud et autres saints du calendrier de ses frères et amis. Restons sur ce trait d'histoire, et terminons par une courte allocution de M. Dupin, qui caractérise parfaitement l'attitude de la Montagne durant toute cette mémorable discussion:

« Je dois constater à la charge de qui il appartiendra » QU'ON N'A PAS PU ATTAQUER L'ASSASSINAT, L'ANARCHIE ET » LA DÉMAGOGIE SANS EXCITER LES RÉCLAMATIONS, et qu'on »> ne peut pas rendre hommage à ce qui est respectable » SANS EXCITER LES RIRES ET LA DÉRISION (Vifs applaudis» sements sur tous les bancs de la droite. Rumeurs à » l'extrême-gauche). VOUS BLESSEZ TOUS LES SENTIMENTS » PUBLICS » (Nouveaux applaudissements).

M. PELLETAN ET L'USURE.

D'échelons en échelons, comme beaucoup d'autres, M. Eug. Pelletan, écrivain plein de prétentions et de simagrées, était arrivé aux doctrines socialistes ou dans les environs. Il tenait le feuilleton de la Presse et il imagina de s'y distinguer en soutenant que l'Eglise chrétienne avait commencé par le communisme. A la vérité, sa principale intention, qui diminue un peu sa faute, était de jouer un bon tour aux publications anti-révolutionnaires de la réunion de la rue de Poitiers. Il se flattait surtout d'atteindre M. de Montalembert, l'un des chefs très importants de cette réunion, et celui de tous, peut-être, que les révolutionnaires haïssaient le plus. M. Pelletan comptait embarrasser beaucoup M. de Montalembert, ainsi que tous les catholiques, en prouvant que les catholiques ne pouvaient pas défendre la propriété sans une sorte d'apostasie. Cette visée ridicule ne méritait pas grande attention. Néanmoins l'Univers crut devoir expliquer les textes fort mal compris et très violentés dont M. Pelletan prétendait s'appuyer Il en résulta une polémique assez terne, de part et d'autre, d'où le rédacteur de la Presse, embarrassé de ses textes, se tira vaille que vaille en faisant une pointe sur les prohibitions dont la discipline catholique a frappé l'usure, prohibitions qu'il voulait entendre du prêt à intérêt. Une seconde polémique s'ouvrit, qui donna occasion de résumer la première. Cette seconde polémique me semble plus intéressante. Elle donnera une idée des arguments que les révolutionnaires et les socialistes prétendaient trouver dans les doctrines catholiques.

LE COMMUNISME ET L'ÉGLISE.

29 octobre 1849.

I. Nous revenons au théologien de la Presse, M. Pelletan; lui-même nous y invite. « Remarquez-vous, écrit-il à un sien ami de la Voix du Peuple, théologien aussi, que l'Univers, qui a la langue si bien pendue quand il s'agit de débiter de dévotes polissonneries aux hommes les plus éminents de notre pays, n'a pu trouver un mot de réponse à notre article sur l'usure? » Ce mot de réponse réclamé avec une fatuité si impertinente est là, sur notre bureau, depuis longtemps. Puisque M. Pelletan veut l'avoir, il l'aura. Mais le théologien de la Presse nous paraît beaucoup trop content de sa science et de son esprit pour que nous ne lui donnions pas d'abord une petite leçon préliminaire. Nous l'avions laissé très empêtré de ses interprétations et de ses découvertes

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