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I.

LA LETTRE DU 18 AOUT.

10 septembre 1849.

I. La lettre du 18 août ne fait pas fortune. Les passions mêmes qu'elle flatte en sont embarrassées. Plusieurs journaux en admirent encore les maximes, mais ils ne répondent que fort peu ou fort mal à ceux qui demandent où l'on en veut venir. Devant ces questions, poussées avec une logique accablante, le feu de l'enthousiasme tombe et les espérances un moment excitées palissent. Que fera-t-on? On est arrêté de tous côtés par l'odieux, par l'absurde, par l'impossible.

C'est très facile de menacer le Pape, et c'est bientôt fait d'écrire quelques phrases: Amnistie, sécularisation de l'administration, Code Napoléon, gouvernement libéral; quoi de plus simple? Il n'y a là rien qui soulève

la moindre objection.-Comment! le Pape n'a point d'armée, nous tenons sa ville, et il nous résisterait! Il réclamera, il gémira; nous le laisserons réclamer et gémir. Il cédera, ou il ne rentrera pas chez lui. Qui prendra sa défense, qui s'intéresse au Pape?-On écrit en toute confiance, on se tient sûr du succès, et on se trouve en présence d'une question européenne. Le monde ne proteste point ou ne proteste que mollement contre l'insulte au bon droit, au bon sens, à la justice, à la majesté; mais, si la conscience se tait, les intérêts se soulèvent, et la force des choses a raison toute seule contre ceux qui ne l'ont point calculée.

Il n'y a pas de force au monde qui n'échoue devant la conscience d'un seul homme. Si le Pape dit non, c'est en vain que, pour le contraindre, on remporterait des victoires. Et puis, il faut les remporter, ces victoires. Il y a un parti de l'ordre qui n'est pas d'humeur à courir les hasards. Ce parti, pris dans sa majorité, n'aime point le Pape, c'est vrai; la sécularisation du pouvoir temporel ne l'épouvanterait pas. Si on lui dit que l'abolition de la Papauté en sera la conséquence, il répond: Raison de plus! Par malheur, la suppression de la Papauté, conséquence de la sécularisation du pouvoir temporel, c'est la République à Rome; la République à Rome, c'est la République en Italie; la République en Italie, c'est la guerre. Le parti de l'ordre n'aime point la République (en Italie, bien entendu), il n'aime point la guerre. Si l'on était convaincu que la guerre sera heureuse, que toutes les puissances alliées du Pape seront battues, que les Rouges ne profiteront point de ces succès, que partout les républiques nées ou à naître seront très honnêtes et très modérées, qu'elles respecteront la famille, la pro

priété, la banque; oh! alors, certainement, il y aurait une notable portion du parti de l'ordre qui se résignerait à sacrifier le Pape.... Mais il n'est pas prouvé qu'on peut sacrifier le Pape sans s'exposer à faire une quantité d'autres sacrifices infiniment plus sérieux.

Cependant, disent quelques logiciens, nous avons fait l'expédition de Rome; nous l'avons faite pour quelque chose, apparemment. Quel a donc été notre but, et quel prix obtiendrons-nous de notre bon office?

Nous regrettons de n'être point riches, nous offririons volontiers un prix à celui de ces logiciens qui pourrait nous dire pourquoi la France a fait l'expédition de Rome, le résultat qu'elle s'est proposé d'en tirer, la récompense à laquelle elle croit pouvoir prétendre.

:

En vain nous scrutons les documents officiels, les instructions, les discours, les décrets; nous ne voyons que contradictions et obscurités des gens qui ne disent pas ce qu'ils veulent, qui ne veulent pas ce qu'ils font, qui parlent pour ne point s'entendre, qui s'agitent en sens contraire, et qui arrivent à faire la volonté de Dieu, en protestant avec beaucoup de sincérité que c'est la chose à quoi ils tiennent le moins.

Au fond de tout cela, la vérité est qu'on a voulu écraser la République romaine, non pas parce qu'elle avait détrôné le Pape, mais parce que c'était la République. Voilà le sentiment primitif et général. Intérieurement humilié de restaurer le Pape, embarrassé d'employer le glaive de la République française pour exécuter la République romaine, on a fait protestations sur protestations en faveur de la liberté. Si l'on avait été sincère, y auraitil aujourd'hui tant de doutes! Dieu, qu'on ne trompe pas, s'est servi de ces trompeurs. Il a détruit par eux

la puissance des persécuteurs de son Vicaire. L'œuvre accomplie, ceux qui en ont été les instruments aveugles n'en comprennent pas le résultat. Délivrés de la République romaine, ils ne seraient pas fàchés de se délivrer aussi du Pontife romain. Après avoir dit que le peuple de Rome ne voulait pas des triumvirs, ils disent que ce mème peuple ne veut pas davantage des cardinaux, ou, en d'autres termes, ne veut pas du Pape. Que veut-il donc, le peuple? Ils affirment que c'est un peuple constitutionnel, qui demande le gouvernement de la bourgeoisie; et ils cherchent à lui faire ce cadeau. Nous con-cevons leurs désirs. Ils parviendraient, en les exécutant, à mettre d'accord leurs pratiques et leurs maximes; et que leur importe ce que la Papauté deviendra!

Le malheur, c'est que ni le Pape, ni les révolutionnaires, ni les puissances italiennes n'acceptent ce justemilieu. Nous affirmerions volontiers que la Providence n'en veut pas davantage. Le Pape, la Révolution, l'Autriche et Dieu, ce sont bien des forces à la fois contre le génie de nos ministres et de nos aides-de-camp, même appuyés du courage des bourgeois de Rome. Nous osons prédire qu'il en sera très prochainement de cette seconde phase des affaires romaines comme de la première, et qu'après s'y être engagé sans savoir où l'on irait, on arrivera précisément où l'on ne voulait pas aller.

Puisse Dieu se contenter de bafouer une seconde fois les faibles intelligences qui complotent contre son Eglise, et ne pas briser la verge rebelle dont il a châtié ses ennemis !

12 septembre 1849.

II. De la lettre du Président, de la polémique qui s'en

est suivie, de la crise qu'elle a provoquée, de la solution intervenue, il résulte :

Premièrement, que tous les coups de tète ne sont pas également heureux, et que c'est une ressource dont il ne faut user qu'avec mesure, en faveur de la justice, du bon ordre et de la paix.

Secondement, que, dans ce qu'on appelle la question romaine, la justice, le bon ordre et la paix sont du côté de Pie IX, et nulle part ailleurs; que l'opinion veut en vain l'ignorer, que les préjugés et les passions veulent en vain l'oublier; que, dès que la politique s'écarte de cette voie pour conquérir une popularité mauvaise, aussitôt l'instinct de la conservation s'éveille, faisant sentir, même à ceux qui ne s'en rendent point compte, que le salut du monde est compromis.

Troisièmement, que le pouvoir temporel du Pape ne doit être défini et limité que d'accord avec le Pape luimême, agissant en pleine liberté ; que ce pouvoir doit ètre un pouvoir réel et indépendant; qu'il n'y a pas place à Rome, plus qu'ailleurs, pour deux souverainetés; que le Pape ne peut pas plus être sujet du peuple romain que de tout autre peuple; que l'installer au Vatican avec une administration séculière, une Charte imposée, une presse libre, ce serait absolument la même chose que de l'installer à Avignon ou à Fontainebleau.

Quatrièmement, que c'est là précisément et de leur propre aveu, proclamé bien haut, le plan de tous ceux qui, en Italie, en France, en Angleterre, demandent la sécularisation du pouvoir temporel.

Cinquièmement, que c'est là ce que le Pape empê chera toujours en disant : Non.

Sixièmement, qu'à toute demande de ce genre ou for

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