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ment à la soutane, la chasse aux prêtres. Pas un journal n'y a mis, avant et depuis la République, autant d'â– preté. Aucune injure à l'habit religieux, aucune invention des feuilles rouges des départements, si fécondes en ce genre, aucune correspondance anonyme n'a manqué de trouver dans les colonnes de la Réforme un asile et souvent des commentaires. Nous espérons que M. de Lamennais, par respect pour lui-même, ne permettra pas à ses collaborateurs de continuer cette misérable guerre, et se souviendra assez de son ancien état pour leur faire comprendre qu'on peut être prêtre avec honneur.

Même date.

III. Le journal de M. Proudhon a paru ce matin. Il est intitulé: La Voix du Peuple. Les démocrates n'oseront plus dire que la voix du peuple est la voix de Dieu; ce serait manquer de respect envers M. Proudhon. Du reste, M. Proudhon n'accepte dans cette Voix du Peuple que le titre de collaborateur et que la responsabilité de ses articles signés. On peut croire qu'il ne laissera pas de mettre quelque chose dans les autres. Mais les démocrates étant sujets au mauvais style, M. Proudhon, qui a une réputation à garder, ne veut point qu'on lui attribue leurs ébauches ni qu'on le frustre de l'admiration due à ses chefs-d'œuvre. Parce qu'on insulte Dieu, ce n'est pas une raison pour laisser croire qu'on insulte la grammaire.

Tout en prenant ces précautions, M. Proudhon se fait simple et bon homme. Il ne faut pas, dit-il, attendre grand'chose de lui, car « un journaliste en prison est comme un aigle à qui l'on a coupé les ailes. » L'état pré

sent de la presse démocratique donnerait à croire qu'elle est exclusivement desservie par des amputés. Quoi qu'il en soit, la vérité nous oblige à dire que le programme de M. Proudhon est assez insignifiant. Il veut que la Voix du Peuple soit un journal de discussion et de combat: il proteste qu'elle ne sera jamais, quoi qu'il arrive, un journal de vengeance. Nous soupçonnons là-dessous quelque antinomie, ou M. Proudhon a bien changé. S'il a changé, nous lui en faisons nos compliments; il ne peut changer qu'à son avantage. Malheureusement, il parle un peu plus loin de la « conspiration bancoeratique, » et il finit par donner en post-scriptum une liste de suspects. Voilà comme il se pique de rassurer les gens. Nous le prédisons à M. Proudhon; l'habitude et la vaine gloire seront plus fortes que ses résolutions pacifiques, et il ne se passera pas huit jours avant qu'il n'essaie de faire peur.

Ce qui n'indique pas non plus un parti bien arrêté de se renfermer dans une discussion amicale et de n'être « ni un journal de combat, ni, quoi qu'il arrive, un

journal de vengeance, » c'est le dernier mot de M. Proudhon à ses collaborateurs. La phrase est curieuse par le mélange de la griffe et de la patte de velours:

« Permettez, en finissant, chers citoyens, que je réclame encore une fois votre indulgence pour ce qu'il y aurait de trop débonnaire dans mes nouvelles inspirations. Je suis mal placé pour conserver la liberté de ma raison, la rectitude de mon jugement. Mais vous avez plein pouvoir sur mes feuilles et sur vous-mêmes; et je vous dirai comme ce général à ses soldats : « Si j'avance, suivez-moi; si je recule, tuez-moi; si je meurs, vengez-moi! »

» Salut et fraternité. »

Fraternité est bon en cet endroit-là.

Nous ferons encore une petite remarque. Ce géné–

de se

ral dont parle M. Proudhon, c'était Larochejaquelein. M. Proudhon ne choisit pas mal quand il se compare. Mais ne pouvait-il se contenter de l'aigle? De bonne foi, entre Larochejaquelein et lui, que voit-il de commun? Nous recommandons à l'Ordre et au Journal des Déhats, si passionnés l'un et l'autre pour l'amnistie à Rome, tout ce que dit M. Proudhon de la nécessité d'une amnistie en France, « d'une grande et généreuse amnistie, honorable pour les vaincus autant que pour les vainqueurs. » Nous pensons qu'ils ne manqueront pas rendre à ses raisonnements et de l'appuyer, avec zèle dans cette politique toute chrétienne qu'ils reprochent au Pape de n'avoir pas su pratiquer... Mais, peut-être, penseront-ils que le général Changarnier et M. Carlier gèneraient la liberté de nos proscrits, si nos proscrits étaient de retour? On peut lever cette difficulté qui n'existe pas à Rome. Destituons M. Changarnier, mettons M. Carlier à la retraite, et rappelons ensuite les proscrits, pour montrer au Pape ce que c'est qu'un gouvernement prudent et généreux.

IV. Le National est tout gracieux pour l'Univers. Il nous fait la moue de pédagogue, qui est son sourire. Il trouve que nous courons après l'esprit et que nous l'attrapons quelquefois. Dans une autre bouche, le compliment pourrait nous plaire. Les éloges d'amateurs ne doivent être reçus qu'avec humilité. Ils ont aussi l'inconvénient de ne pas prèter à la réplique. Nous prions le National de nous excuser si nous ne lui rendons que la moitié de sa politesse. Lui aussi court après l'esprit. Quand il aura pris quelque chose, nous ne manquerons pas de le dire.

AFFAIRES DE
DE ROME.

Le 7 septembre parut au Moniteur une lettre adressée par le Président de la République à M. le colonel Ney, son aide-de-camp en mission à Rome. On y qualifiait, avec une sévérité injuste, la conduite des cardinaux délégués par le souverain Pontife pour gouverner en attendant son retour, et les Catholiques y lurent, avec alarme, ce programme de réformes à établir dans le gouvernement romain: Amnistie générale, · Sécularisation de l'administration, Code Napoléon, - Gouvernement libéral.

Des mouvements en sens contraire se produisirent énergiquement dans l'opinion. Le parti révolutionnaire conçut des espérances qui furent partagées jusque dans le parti conservateur; et le Journal des Débats, entr'autres, laissa voir encore cette fois des tendances analogues à celles du National.

Il appartenait à l'Univers d'exprimer les sentiments avec lesquels les Catholiques devaient repousser la politique posée par le Président de la République à l'égard du gouvernement pontifical. Il le fit en termes que je n'ai point à regretter, mais qu'il ne conviendrait pas aujourd'hui de reproduire. Quand on improvise sous le coup d'une impression si vive et dans l'habitude d'une liberté aussi étendue que celle dont on

jouissait alors, il peut échapper quelques paroles de trop, et il est permis de les retirer lorsque, d'ailleurs, les suites que l'on appréhendait ne se sont pas manifestées.

Malgré l'écart du Journal des Débats, l'opinion conservatrice, unanime pour laisser au souverain Pontife sa liberté, parut faire une impression favorable sur l'esprit juste et prudent du Président de la République. La lettre à M. le colonel Edgard Ney, à peu près désavouée par le conseil des Ministres, fut à peu près retirée; et peut-être n'avait-elle été qu'un coup de politique calculé uniquement pour tenir les esprits en suspens et ne trop rassurer ni trop désespérer personne.

Je donne ici divers articles sur la lettre du 18 août. Ils constatent l'état général des opinions. Celle du parti conservateur se déclara quelques jours plus tard, d'une manière éclatante, en faveur de la liberté du souverain Pontife, dans la discussion qui eut lieu à l'occasion des crédits extraordinaires pour l'expédition de Rome, et son premier organe fut M. Thiers.

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