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passe à la discussion du fond. M. Tamisier fait l'éloge de M. Victor Considérant, M. Théodore Bac défend les représentants accusés et les recommande à l'indulgence. L'autorisation de poursuivre est accordée à une immense majorité.

M. Dufaure présente un projet de loi sur les clubs et les réunions politiques. Le Gouvernement aura pendant un an le droit d'interdire les réunions qui paraîtraient dangereuses et de nature à troubler la sécurité publique. A la fin de l'année, le Gouvernement rendra compte à la Chambre de la façon dont il aura exécuté la loi. L'Assemblée, malgré l'opposition de M. Crémieux, décide qu'elle examinera demain, dans ses bureaux, l'urgence du projet. M. Crémieux réclamait l'impression et la distribution préalable de l'exposé des motifs. L'exposé des motifs est très court et n'avait pas besoin d'être long; il ne contient que quelques phrases sur la triste situation où l'explosion du socialisme jette la France, et sur la nécessité où est le Gouvernement de s'armer de lois énergiques pour répondre à une attaque insensée. La Chambre a senti l'inopportunité du moyen dilatoire imaginé par M. Crémieux et l'a repoussé à une très grande majorité.

DEVOTIONS PHILOSOPHIQUES

en temps de choléra.

16 septembre 1849.

Une feuille rouge de province essaie quelques plaisanteries sur les « superstitions » qui se réveillent, dit-elle, dans les campagnes et dans les villes, à l'occasion du choléra. Les neuvaines et surtout les processions déplaisent à la feuille rouge; elle trouve que les prêtres, les dévots, les nonnes exploitent trop les calamités publiques. La vérité est que ces gens-là ne s'y épargnent pas! Dans beaucoup de lieux d'où le fléau fait souvent fuir les esprits forts et même les esprits rouges, on voit rester le prêtre, on voit les religieuses accourir. Déjà,

sans que personne prenne soin de les compter, beaucoup de sœurs de la Charité sont mortes au milieu des malheureux qu'elles assistaient, et leur mort n'a point effrayé celles qui vivent.

Quant aux neuvaines et processions, il est certain qu'on en use. La religion les conseille, les chrétiens y ont recours. Que le journal rouge leur passe cette faiblesse! Chacun a peur à sa façon, se rassure comme il peut. Les uns se serrent près de Dieu, les autres se tiennent à portée de l'apothicaire. En temps de choléra, les libres-penseurs ont leurs dévotions. Ceux-ci se fient à tel ou tel médicament, ceux-là font exorciser tel ou tel mets, jettent l'interdit sur tel ou tel légume. La population philosophe de Paris s'est vouée cette année à des privations, à des abstinences, à des jeûnes héroïques. Point de prières, point de neuvaines; mais quelle vigilance à se tenir les pieds chauds et le ventre libre! On en voit qui n'entrent plus au théâtre, d'autres laissent vieillir les primeurs et passer les fruits, d'autres ne vont jamais sans une amulette de flanelle ou de camphre, et gardent pieusement chez eux, en guise d'eau bénite, quelque précieux flacon recommandé au prône des pharmaciens, c'est-à-dire à la quatrième page des journaux. Certes! ils laissent les confesseurs tranquilles! mais, à la moindre recrudescence, les médecins sont sur les dents. On les appelle, on accourt, on les accable. Est-on malade? Non, on a peur de l'ètre. Et que faut-il boire et que faut-il manger? et sur quel côté faut-il dormir? - Docteur, une pénitence! J'ai péché, je ressens déjà un peu de coliques; hélas! hélas! j'ai eu la faiblesse de manger du melon!... Le médecin condamne le melon, ils n'y tou

258 DEVOTION PHILOSOPHIQUE EN TEMPS DE CHOLÉRA. cheront plus. Si le médecin leur défendait de manger gras le vendredi, se trouverait-il dans toute la boutique de Chevet un gibier capable de les séduire? Si la Faculté déclarait qu'il est bon de prier à genoux tous les jours pendant deux heures sur les dalles d'une église, ne se battraient-ils pas aux portes de Notre-Dame?

L'ORDRE, JOURNAL CONSERVATEUR.

18 septembre 1849.

L'Ordre est un journal modéré, rédigé sous l'influence de M. Odilon Barrot, par M. Chambolle, ancien rédacteur du Siècle. C'est encore l'ancien Siècle, qui ne diffère du nouveau que par une nuance, la nuance délicate qui sépare M. Chambolle de M. Perrée. Il faut des yeux exercés la saisir! En de certains moments, quand, pour par exemple, le jour vient de Rome, les deux nuances se confondent parfaitement, et les plus fins connaisseurs s'y trompent les vieux abonnés du Siècle croient que M. Chambolle est de retour; ceux qui l'ont suivi dans son hégyre et qui lisent l'Ordre, disent: Perrée vient à

nous.

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