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>> rive toujours. Il y en a que les juges n'ont pas mis au >> poteau et qui, néanmoins, y sont pour jamais. On » traîne le boulet ailleurs qu'au bagne. Plusieurs, avant » de mourir, rendent le bien mal acquis, confessant les » supplices de leur conscience. Ceux qui ne le rendent » pas ne l'emportent pas en paradis. Rien pour rien. Si >> tu ne paies pas vivant, tu paieras mort. Le ver cesse » de ronger le cadavre dans le cercueil et tombe lui>> même en poussière; mais ni l'àme ne meurt, ni le Dieu » qui la punit n'est mortel. Nul décret de la république »> ne pourra tirer de l'enfer le républicain qui ne s'est » pas soucié d'être honnête homme, et ce n'est pas être » assez innocent que de voler conformément aux lois. » Nous savons que, pour faciliter les affaires et se créer » des amis, les démocrates, socialistes et autres, écrivent » des feuilles où ils disent que Dieu n'existe pas. Mais »> nous voyons que les moissons poussent, que les saisons >> reviennent et s'en vont, que le soleil monte et descend, » que les hommes naissent, vieillissent et meurent, que » les bons sont assistés, que les méchants sont punis: >> nous en concluons que la Providence est toujours là » et que Dieu existe toujours. Bien d'autres que Proudhon » avaient supprimé Dieu. Ils sont morts. Aucun n'est >> revenu de l'autre monde pour nous dire qu'il n'y a pas » trouvé Dieu. Proudhon, à son tour, paraîtra devant » Dieu. Nous y paraîtrons aussi : que ce ne soit pas pour >> rendre compte du bien des orphelins et des veuves; il » en fait payer l'intérêt durant l'éternité! Voilà mon » avis, à moi, qui suis près du grand passage, et j'ai eu » le temps d'y réfléchir. Toute réflexion faite, après » avoir honnêtement gagné ma vie pendant soixante-dix >> ans, j'aime mieux mourir volé que voleur. >>

et

Vieillard, tes enfants seront fiers de ton nom, Dieu les bénira suivant sa promesse; car il l'a dit luimême : La postérité du juste sera bénie.

III. — Pauvre, où vas-tu?

- Je vais assister à mon tour ceux qui m'ont assisté souvent. Par un jugement de Dieu, devant lequel je m'incline, je suis privé des biens de la terre, et mes membres débiles ne me permettent pas de travailler. Je voterai pour la société, qui n'est point coupable de mes infortunes, et qui, au contraire, les adoucit. Malheur à moi si j'usais contre elle du droit du suffrage qu'elle m'a généreusement donné! En votant pour la religion, pour la famille, pour la propriété, je vote d'ailleurs pour moimème. La religion m'apprend que Dieu, du haut du Ciel, jette des regards de miséricorde sur moi, et que de la poussière où je languis je m'envolerai un jour pour jouir d'une paix éternelle dans la société des saints. La famille est l'asile des douces vertus qui me nourrissent. C'est au foyer domestique, à l'ombre du crucifix, que les petits enfants apprennent de leur mère à secourir les pauvres pour l'amour de Dieu.

Mais pourquoi veux-tu défendre la propriété, toi qui ne possèdes rien?

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Que puis-je posséder? Aucune loi ne me donnera des bras qui me fassent vivre de mon travail. Quand le pays est tranquille, quand la prospérité règne, je possède ma part des biens de tous. Je reçois de l'un un vètement, de l'autre un morceau de pain. Dans les temps de trouble et de malheur, je perds l'assistance de tous ceux qui deviennent alors aussi pauvres que moi.

Si la nation t'assurait un droit au secours qu'à pré

sent tu demandes, tu ne craindrais jamais un refus. Ce droit, Dieu me l'a donné. Dieu menace de sa colère ceux qui, pouvant venir à mon aide, ne le font pas; il promet le Ciel à quiconque me donnera pour l'amour de lui un verre d'eau. Et cependant beaucoup me refusent. Ceux qui résistent à la loi de Dieu sauront bien résister à la loi des hommes. Comment ferai-je respecter mon droit, lorsque Dieu sera partout méconnu?

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J'aime mieux être assisté par amour que par crainte; j'aime mieux qu'on me reçoive comme ami que comme créancier.

Ainsi, tu ne murmures pas contre les rigueurs de ta condition?

- Quel avantage tirerais-je de mes murmures? Si c'est Dieu qui veut que je sois pauvre, sa puissance et sa volonté n'en seront pas affaiblies. Le monde entier, d'ailleurs, ne pourrait pas mettre un seul homme dans une situation qui l'exemptàt des chagrins et des peines de l'existence. Je ne demande pas à la société de se troubler pour moi. J'ai vu des riches pleurer quand j'avais le cœur plein de joie. Nous ne pouvons pas être tous dans un égal degré de force et de richesse. Il faut des chênes, il faut aussi des roseaux et des brins d'herbe. Que la politique nous donne la paix; la charité nous donnera la vie et même le bonheur.

- O pauvre résigné! tu seras riche et grand dans le Ciel.

IV. - Savant, pourquoi quittes-tu ton cabinet et tes livres ?

- J'ai longtemps interrogé l'histoire et la science.

Toutes deux m'ont répondu que la patrie périra si elle tombe aux mains des ambitieux et des insensés qui essaient de séduire le peuple par tant de systèmes extravagants. Plusieurs fois déjà ces systèmes ont été essayés dans le monde. Ils n'ont jamais produit que honte, malheur et ruine. La société ne vit que de religion, de travail et de paix. Je vais donner mon suffrage aux amis de la religion, du travail et de la paix.

Cours vite, ô savant! Tire-nous des mains de ceux

qui ne savent pas ou qui ne veulent pas savoir que deux et deux font quatre.

V.-Prêtre, tu n'es pas sur le chemin de l'église. Où vas-tu ainsi, lisant tes prières?

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Je vais nommer les hommes que j'ai jugés les plus capables de servir le peuple dans l'Assemblée de ses représentants, et je prie Dieu de donner aux élus toute la lumière, tout le courage, toute la force dont ils auront besoin. Que leur sagesse éloigne de nous la guerre civile et la guerre étrangère; qu'ils fassent de bonnes lois; qu'ils cherchent la vérité, qu'ils aiment la liberté, qu'ils établissent le règne de la justice; et que, par leurs soins, la France, heureuse et paisible, devienne de plus en plus puissante au milieu des nations, grâce à la concorde de tous ses enfants!

Puissions-nous voir tes prières exaucées, ô vrai prêtre du vrai Dieu!

VI. Qui es-tu, toi, l'habit rapé? Tu n'as pas la mine avenante, et je ne puis deviner ton état.

-Je suis l'ami des ouvriers.

- Dans quel atelier travailles-tu?

Dans aucun. Je suis l'ami des soldats.
Dans quel régiment as-tu servi?
Dans aucun. Je suis l'ami des paysans.
Dans quel village es-tu né?

Dans aucun. Je suis l'ami des pauvres.
Dans quel hôpital vas-tu les soigner?
Dans aucun. Je suis l'ami du peuple.
Qu'as-tu fait pour le peuple?

J'ai fait des articles de journaux; j'ai organisé des banquets, j'ai fondé des clubs et j'y ai prononcé des discours; j'ai dirigé la construction des barricades et j'y ai placé des gens pour les défendre.

Pourquoi ne les as-tu pas défendues toi-même?

Ma vie est trop utile au peuple; je ne l'expose pas. C'est moi qui enseigne au peuple ses droits et ses devoirs. Quels sont ses droits?

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- D'ètre le maître. Le peuple doit abattre l'autorité, renverser la religion, supprimer la propriété, bouleverser enfin de fond en comble la société actuelle, afin d'en établir une autre où il sera parfaitement heureux, puisque moi, son ami, j'y tiendrai le premier rang. Je n'ai ni enfants ni famille, je ne tiens à rien, je ne crois à rien, je ne crains rien. Je ne veux me donner aucune peine, je ne veux me soumettre à aucun devoir, et cependant je veux être puissant et riche. Adieu, je vais déposer dans l'urne le bulletin rouge où j'ai écrit mon nom.

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