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dans les questions de parti, et encore plus dans les questions de nuances et de personnes, nous ne voulons pas diviser toutes ces fractions de l'opinion modérée, qui ont tant besoin de résister et de vaincre toutes ensemble pour n'être pas toutes ensemble vaincues et bientôt opprimées!

Mais leur désaccord nous impose une obligation. Nous avons accueilli la candidature de M. Guizot, nous ne comprenons pas qu'on la repousse. Ce n'est point, sans doute, dédain de son talent; ce n'est point qu'on se sente trop fort pour avoir besoin de lui. Est-ce rancune? Mais que devient la conciliation? Est-ce crainte d'irriter le parti révolutionnaire? On ne l'apaisera pas en lui jetant de telles victimes!

Il nous répugne d'attribuer cet ostracisme inexplicable aux calculs personnels de quelque notabilité du parti conservateur. On en désigne une cependant, influente, surtout dans les coulisses; un beau-père qui a un gendre à placer. Remuer tous les vieux ressentiments, réchauffer toutes les vieilles passions, faire appel à toutes les pusillanimités, jeter le doute et semer la crainte pour nous donner, à la place de M. Guizot, nous ne savons quelle vanité incapable et inconnue, ce serait quelque chose de monstrueux et d'effrayant. A qui et à quel titre, après cela, oserait-on demander n'importe quel sacrifice?

Nous ne parlons pas ici dans un intérêt particulier. Nous faisons de l'ordre pour l'ordre. Nous avons annoncé et accepté la candidature de M. Guizot, sans prévoir que nous aurions à la défendre. Il n'y a rien pour nous dans sa lettre à ses amis. C'est le programme de la rue de Poitiers, mieux motivé, plus libre, plus éloquent. Combien

de gens à qui les catholiques donneront leurs voix, qui n'auront d'autre mérite à leurs yeux et d'autre titre à leur suffrage que d'avoir souscrit ce programme! Combien même dont la présence nous fera pratiquer l'oubli des plus amers griefs et des plus cruelles injures! Lorsqu'on nous demande d'être si généreux, qu'on ne nous demande pas d'être injustes. Entre tous les hommes, nos anciens adversaires, dont la révolution semble avoir dessillé les yeux, M. Guizot est celui, peut-être, qui a le plus hautement reconnu la nécessité d'affranchir l'Eglise et de donner pour contrepoids à la liberté du mal la liberté du bien. Certes, nous n'avons pas encore et nous n'aurons probablement jamais la joie de le voir complétement d'accord avec nous. Son libéralisme en ces matières ne va pas jusqu'où va le nôtre. Mais, du moins, il s'est placé sur un terrain où la discussion est possible, où des conventions mêmes peuvent se signer. Puissions-nous en dire autant de beaucoup d'autres contre qui nous ne dirons rien et nous ne ferons rien, par la seule raison qu'ils ne se poseront pas en face de nous comme d'irréconciliables ennemis de la religion et de la société, mais qui, le cas échéant, ne sauraient ni ne voudraient peut-être prononcer une parole pour défendre la liberté chrétienne.

En combattant ou en abandonnant la candidature de M. Guizot, ses anciens amis feraient une mauvaise manœuvre à laquelle nous ne pouvons nous associer. Libre à eux d'oublier la puissance et l'éclat qu'ils lui ont dù, pour lui reprocher aujourd'hui des fautes dont la posté– rité pourra les charger plus que lui-même. Quant à nous, qui le combattions alors, nous ne nous souvenons que d'un mot qu'il a prononcé depuis 1848 Liberté de

l'Eglise. Ce mot nous ne l'oublierons pas. Nous engageons formellement nos amis du Calvados à maintenir sur leurs listes l'homme éminent qui a résumé en deux paroles les conditions de la paix sociale: Union des partis! Liberté de l'Eglise! Le salut de la France est dans cette pensée (1).

(1) M. Guizot ne fut pas élu par ce suffrage universel qui en nomma tant d'autres

AFFAIRES D'ITALIE.

21 février 1849.

I. A force de fourrer ses rédacteurs dans les emplois, le National a un peu perdu de son esprit; il y supplée par un surcroît de vanité. C'est une chose prodigieuse que son pédantisme. Moins il voit clair aux événements, plus il met de suffisance à les apprécier; moins il sait combattre ses adversaires, plus il les méprise. Ses idées ne font pas fortune, et ses amis, pour avoir fait fortune, ne font pas figure. Ils sont battus partout; mais, dans ses colonnes, ils triomphent imperturbablement. C'est là que l'on voit Kossuth vainqueur, et l'Autriche abîmée; c'est là que Radetzky manque de vivres et que son armée est atteinte de la dyssenterie, tandis que Garibaldi, multipliant les victoires, s'acquiert une gloire durable; c'est

là que les cinq millions cinq cent mille suffrages de M. Louis Bonaparte sont réduits à leur juste valeur, et que les quinze cent mille voix de M. Cavaignac représentent la vraie majorité; c'est là que M. Clément Thomas reste l'idole de la Garde Nationale, et que MM. Bugeaud et Changarnier deviennent des militaires d'aventure. On a surtout beaucoup de dédain pour M. Changarnier. On l'appelle cet homme, on parle de sa triste renommée : « Cet homme n'a jamais eu d'autre but que de grandir » le piédestal sur lequel il a guindé sa triste renommée. »> La première pierre de ce piédestal est d'avoir sauvé l'armée française d'une déroute totale à Constantine; la dernière, d'avoir empêché les barricades de janvier de déployer leur bravoure. Quoi de plus honteux! quoi de plus triste!

Une renommée qui ne sera point triste, c'est celle du National. L'histoire devra, lorsqu'elle parlera de lui, singulièrement adoucir l'austérité de ses pinceaux. Oui, Clio, la muse sérieuse, perdra sa gravité devant ce personnage qui ne perd jamais la sienne, et qui chaque matin, d'un style enduit de grosse gomme classique, nous conte les bouffonnes illusions dont il se repaît.

Il est tout triomphant, tout fier: on a proclamé la République à Rome, le Pape est déchu de sa souveraineté temporelle, il n'y a plus de Papauté. Grand sujet de joie! Le National estime que le Catholicisme est mort; il sait cela depuis le collége, il l'a toujours dit, et il est bien aise d'en avoir une preuve. Cette religion était mauvaise, elle entravait les développements de l'humanité, le temps est venu d'en faire une autre. Tout de suite après la révolution de Février, nos lecteurs peuvent s'en souvenir, le National s'est mis à la besogne. Il a inventé les pompes

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