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comment les parties des corps font liés entre elles. Peutêtre eft-ce un des fecrets du Créateur, lequel fera inconnu à jamais aux hommes. Pour favoir comment les parties conftituantes de l'or forment un morceau d'or, il femble qu'il faudrait voir ces parties.

S'il était permis de dire que l'attraction eft probablement caufe de cette adhésion et de cette contiguité de la matière, c'eft ce qu'on pourrait avancer de plus vraisemblable: car en vérité, s'il eft démontré, comme nous le verrons, que toutes les parties de la matière gravitent les unes fur les autres, quelle qu'en foit la cause, peut-on rien penfer de plus naturel, finon que les corps qui fe touchent en plus de points, font les plus unis ensemble par la force de cette gravitation ? Mais ce n'eft pas ici le lieu d'entrer dans ce détail physique. (7)

(7) Si cette queftion d'une matière première n'eft pas infoluble pour l'espèce humaine, elle l'eft certainement pour les philofophes de notre fiècle. Les chimiftes font obligés de reconnaître dans les corps un trèsgrand nombre d'élémens, les uns fimples et inaltérables dans nos expériences, les autres compofés et destructibles, mais dont les principes font encore peu connus. C'eft à bien reconnaître les principes fimples, à analyser les principes compofés, à tâcher de réduire les premiers à un moindre nombre, à chercher à deviner le fecret de la combinaison des autres, dont la nature s'est reservé jusqu'ici les moyens, que s'applique fur-tout la chimie théorique, depuis que cette fcience s'eft foumife comme les autres à la marche analytique; mais il y a loin de ce que nous favons à la connaissance d'une matière première, ou même d'un petit nombre de principes primitifs fimples et invariables.

CHAPITRE

I X.

DE LA NATURE DES ELEMENS DE LA MATIERE, OU DES MONADES.

Sentiment de Newton. Sentiment de Leibnitz.

Si l'on a jamais dû dire, audax Japeti genus, c'est dans

I

la recherche que les hommes ont ofé faire de ces premiers élémens, qui femblent être placés à une diftance infinie de la fphère de nos connaislances. Peut-être n'y a-t-il rien de plus modefte que l'opinion de Newton, qui s'eft borné à croire que les élémens de la matière font de la matière, c'eft-à-dire un être étendu et impénétrable, dans la nature intime duquel l'entendement ne peut fouiller; que DIEU peut le divifer à l'infini, comme il peut l'anéantir, mais qu'il ne le fait pourtant pas, et qu'il tient fes parties étendues et infècables pour fervir de base à toutes les productions de l'univers.

Peut-être, d'un autre côté, n'y a-t-il rien de plus hardi que l'effor qu'a pris Leibnitz en partant de fon principe de la raifon fuffifante, pour pénétrer, s'il se peut, jufque dans le fein des caufes, et dans la nature inexplicable de ces élémens. Tout corps, dit-il, eft composé de parties étendues: mais ces parties étendues, de quoi font-elles compofées ? Elles font actuellement, continue-t-il, divifibles et divifées à l'infini; vous ne trouvez donc jamais que de l'étendue. Or, dire que l'étendue eft la raifon fuffifante de l'étendue, c'eft

faire un cercle vicieux, c'eft ne rien dire; il faut donc trouver la raifon, la caufe des êtres étendus, dans des êtres qui ne le font pas, dans des êtres fimples, dans des monades la matière n'eft donc rien qu'un affemblage d'êtres fimples. On a vu, au chapitre de l'ame, que, felon Leibnitz, chaque être fimple eft sujet au changement; mais ces altérations, ces déterminations fucceffives qu'il reçoit, ne peuvent venir du dehors, par la raison que cet être eft fimple, intangible et n'occupe point de place; il a donc la fource de tous fes changemens en lui-même, à l'occafion des objets extérieurs : il a donc des idées : mais il a un rapport néceffaire avec toutes les parties de l'univers; il a donc des idées relatives à tout l'univers. Les élémens du plus vil excrément ont donc un nombre infini d'idées. Leurs idées, à la vérité, ne font pas bien claires; elles n'ont pas l'apperception, comme dit Leibnitz, elles n'ont pas en elles le témoignage intime de leurs penfées ; mais elles ont des perceptions confules du préfent, du paffé et de l'avenir. Il admet quatre efpèces de monades: 1. les élémens de la matière qui n'ont aucune pensée claire : 2. les monades des bêtes qui ont quelques idées claires et aucune distincte; 3. les monades des efprits finis qui ont des idées confufes, des claires, des diftinctes: 4. enfin la monade de DIE U qui n'a que des idées adéquates.

Les philofophes anglais, je l'ai déjà dit, qui ne respectent point les noms, ont répondu à tout cela en riant; mais il ne m'eft permis de réfuter Leibnitz qu'en raisonnant. Il me femble que je prendrais la liberté de dire à ceux qui ont accrédité de telles opinions : Tout le monde convient avec vous du principe de la raison

fuffifante; mais en tirez-vous ici une conféquence bien jufte? 1. Vous admettez la matière actuellement divifible à l'infini; la plus petite partie n'eft donc pas poffible à trouver. Il n'y en a point qui n'ait des côtés, qui n'occupe un lieu, qui n'ait une figure; comment donc voulez-vous qu'elle ne foit formée que d'êtres faus figure, fans lieu et fans côtés? Ne heurtez-vous pas le grand principe de la contradiction en voulant fuivre celui de la raifon fuffifante?

2. Eft-il bien fuffisamment raisonnable qu'un composé n'ait rien de semblable à ce qui le compofe? Que dis-je, rien de femblable? il y a l'infini entre un être fimple et un être étendu ; et vous voulez que l'un foit fait de l'autre ? Celui qui dirait que plufieurs élémens de fer forment de l'or, que les parties conftituantes du fucre font de la coloquinte, dirait-il quelque chose de plus révoltant ?

3. Pouvez-vous bien avancer qu'une goutte d'urine foit une infinité de monades, et que chacune d'elles ait les idées, quoiqu'obscures, de l'univers entier ; et cela parce que, felon vous, tout eft plein, parce que dans le plein tout est lié, parce que tout étant lié ensemble, et une monade ayant nécessairement des idées, elle ne peut avoir une perception qui ne tienne à tout ce qui eft dans le monde ?

Voilà pourtant les chofes qu'on a cru expliquer par lemmes, théorèmes et corollaires. Qu'a-t-on prouvé parlà ? ce que Cicéron a dit, qu'il n'y a rien de fi étrange qui ne foit foutenu par les philofophes. O métaphyfique nous fommes auffi avancés que du temps des premiers druides.

CHAPITRE X.

DE LA FORCE ACTIVE, QUI MET TOUT EN MOUVEMENT DANS L'UNIVERS.

S'il y a toujours même quantité de forces dans le monde. Examen de la force. Manière de calculer la force. Conclufion des deux partis.

JE fuppofe d'abord que l'on convient que la matière

ne peut avoir le mouvement par elle-même ; il faut donc qu'elle le reçoive d'ailleurs; mais elle ne peut le recevoir d'une autre matière, car ce ferait une contradiction ; il faut donc qu'une caufe immatérielle produise le mouvement. DIEU eft cette cause immatérielle : et on doit ici bien prendre garde que cet axiome vulgaire, qu'il ne faut point recourir à D I EU en philofophie, n'est bon que dans les chofes que l'on doit expliquer par les caufes prochaines phyfiques. Par exemple, je veux expliquer pourquoi un poids de quatre livres eft contrepefé par un poids d'une livre; fi je dis que DIEU l'a ainsi réglé, je fuis un ignorant; mais je satisfais à la queftion, fi je dis que c'eft parce que le poids d'une livre eft quatre fois autant éloigné du point d'appui que le poids de quatre livres. Il n'en eft pas de même des premiers principes des chofes ; c'eft alors que ne pas recourir à DIEU, eft d'un ignorant; car ou il n'y a point de DIEU, ou il n'y a de premiers principes que dans DIEU.

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