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vers le centre dans ce systême eft l'effet de la prétendue matière fubtile. Or ce fluide imaginaire, preffant en A les eaux fur la terre, doit élever les eaux fur lesquelles il preffe le moins; mais fur quelles eaux preffera-t-il moins que fur B?

4°. Si cette preffion chimérique avait lieu, l'air pressé fous les tropiques ne ferait-il pas alors monter le mercure dans le baromètre ? Mais au contraire, le mercure eft toujours un peu plus bas dans la zone torride que vers les pôles. Ce qui paraiffait fi vraisemblable devient donc impoffible à l'examen.

La gravitation, ce principe fi reconnu, fi démontré, cette force fi inhérente dans tous les corps, fe déploie ici d'une manière bien fenfible: elle eft la caufe évidente de toutes les marées; ceci fera bien facile à comprendre. La terre tourne fur elle-même ; les eaux qui l'entourent tournent avec elle; le grand cercle de tout fphéroïde tournant fur fon axe eft celui qui a le plus de mouvement; la force centrifuge augmente à mesure que ce cercle eft grand. Ce cercle A (figure 43) éprouve plus de force centrifuge que les cercles B; les eaux de la mer s'élèvent donc vers l'équateur par cette feule force centrifuge; et -feulement les eaux, mais les terres qui font vers l'équateur, font élevées auffi néceffairement.

non

Cette force centrifuge emporterait toutes les parties de la terre et de la mer, fi la force centripète fon antagoniste ne les attirait vers le centre de la terre; or, toute mer qui eft au-delà des tropiques vers les pôles, ayant moins de force centrifuge, parce qu'elle tourne dans un bien plus petit cercle, elle obéit davantage à la force centripète; elle gravite donc plus vers la terre; elle preffe cette mer océane qui s'étend vers l'équateur, et contribue

encore un peu, par cette preffion, à l'élévation de la mer fous la ligne. Voilà l'état où eft l'Océan, par la feule combinaison des forces centrales. Maintenant, que doitil arriver par l'attraction de la lune et du foleil? Cette élévation conftante des eaux entre les tropiques doit encore augmenter, fi cette élévation fe trouve vis-à-vis quelque globe qui l'attire. Or la région des tropiques de notre terre eft toujours fous le ciel et fous la lune : donc l'élévation du foleil et de la lune doit faire quelque effet fur ces tropiques.

1. Si le foleil et la lune exercent une action fur les

eaux qui font en ces régions, cette action doit être plus grande dans le temps où la lune se trouve plus vis-à-vis du foleil, c'est-à-dire, en oppofition et en conjonction, en pleine et en nouvelle lune, que dans les quartiers; car dans les quartiers, étant plus oblique au foleil, elle doit agir d'un côté, quand le foleil agit de l'autre ; leurs actions doivent fe nuire, et l'une doit diminuer l'autre ; auffi les marées font-elles plus hautes dans les fizigies que dans les quadratures.

2. La lune étant nouvelle, fe trouvant du même côté que le foleil, doit agir d'autant plus fur la terre, qu'elle l'attire à peu-près dans le même fens que le foleil l'attire. Les marées doivent donc être un peu plus fortes, toutes chofes égales, dans la conjonction que dans l'oppofition, dans la nouvelle lune que dans la pleine; et c'est ce que l'on éprouve.

3. Les plus hautes marées de l'année doivent arriver aux équinoxes. Tirez (figure 44) une ligne du soleil paffant près de la lune L, et arrivant fur l'équateur de la terre. L'équateur A Q eft attiré prefque dans la même ligne par ces globes; les eaux doivent s'élever plus qu'en

tout autre temps; et comme elles ne peuvent s'élever que par degrés, leur plus grande élévation n'eft pas précisément au moment de l'équinoxe, mais un jour ou deux après en D Z.

4. Si par ces lois les marées de la nouvelle lune à l'équinoxe font les plus hautes de l'année, les marées dans les quadratures après l'équinoxe doivent être les plus baffes de l'année; car le foleil eft encore à peu-près fur l'équateur; mais la lune s'en trouve alors fort loin, comme vous le voyez; car la lune L, (figure 45) en huit jours fera vers R. Alors il arrive à l'Océan la même chofe qu'à un poids tiré par deux puiffances agissant perpendiculairement à la fois fur lui, et qui n'agiffent plus qu'obliquement: ces deux puiffances n'ont plus la même force; le foleil n'ajoute plus à la lune le pouvoir qu'il y ajoutait, quand la lune, la terre et le foleil étaient prefque dans la même perpendiculaire.

5. Par les mêmes lois nous devons avoir des marées plus fortes immédiatement avant l'équinoxe du printemps qu'après, et au contraire plus fortes immédiatement après l'équinoxe d'automne qu'avant: car fi l'action du foleil aux équinoxes ajoute à l'action de la lune, le foleil doit d'autant plus ajouter d'action que nous ferons plus près de lui; or nous fommes plus près du soleil avant le vingt et un mars à l'équinoxe qu'après, et nous fommes au contraire plus près du foleil après le vingt et un septembre qu'avant ce temps; donc les plus hautes marées, année commune, doivent arriver avant l'équinoxe du printemps, et après celui d'automne, comme l'expérience le confirme.

Ayant prouvé que le foleil confpire avec la lune aux élévations de la mer, il faut favoir quelle quantité de

concours il y apporte. Newton et d'autres ont calculé que l'élévation moyenne dans le milieu de l'Océan eft de douze pieds; le foleil en élève deux et un quart, et la lune huit et trois quarts.

Au refte, ces marées de la mer océane femblent être, auffi-bien que la proceffion des équinoxes, et que la période de la terre en vingt-cinq mille neuf cents ans, un effet néceffaire des lois de la gravitation, fans que la cause finale en puiffe être affignée ; car de dire, avec tant d'auteurs, que DIEU nous donne les marées pour la commodité de notre commerce, c'eft oublier que les hommes ne commercent au loin par l'Océan que depuis deux cents cinquante ans : c'eft hafarder beaucoup encore, que de dire que le flux et le reflux rendent les ports plus avantageux; et quand il ferait vrai que les marées de l'Océan fuffent utiles au commerce, doit-on dire que DIE U les envoie dans cette vue? Combien la terre et les mers ont-elles fubfifté de fiècles avant que nous fiffions fervir la navigation à nos nouveaux befoins?" Quoi, " difait un philofophe ingénieux, parce qu'au bout ,, d'un nombre prodigieux d'années, les beficles ont été ,, enfin inventées, doit-on dire que DIEU a fait nos nez " pour porter des lunettes ? Les mêmes auteurs affurent auffi que le flux et le reflux font ordonnés de DIEU, de peur que la mer ne croupiffe et ne fe corrompe; ils oublient encore que la Méditerranée ne croupit point, quoiqu'elle n'ait point de marée. Quand on ose assigner ainfi les raifons de tout ce que DIEU a fait, on tombe dans d'étranges erreurs. Ceux qui fe bornent à calculer, à pefer, à mesurer, fe trompent fouvent eux-mêmes : que fera-ce de ceux qui ne veulent que deviner?

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On ne pouffera pas ici plus loin les recherches fur la

gravitation. (28) Cette doctrine était encore toute nouvelle en France, quand l'auteur l'exposa en 1736. Elle ne l'eft plus; il faut fe conformer au temps. Plus les hommes font devenus éclairés, moins il faut écrire.

CHAPITRE

X II

CONCLUSION.

CONCLUONS en prenant ici la substance de tout ce

que nous avons dit dans cet ouvrage :

1o. Qu'il y a un pouvoir actif, qui imprime à tous les corps une tendance les uns vers les autres.

2o. Que par rapport aux globes céleftes, ce pouvoir agit en raison renverfée des quarrés des diftances au centre du mouvement, et en raifon directe des maffes; et on appelle ce pouvoir attraction par rapport au centre, et gravitation par rapport aux corps qui gravitent vers

ce centre.

(28) Obfervons ici que l'on doit encore à Newton d'avoir prouvé que les comètes font des planètes qui décrivent autour du foleil des ellipfes affez alongées pour être confondues avec des paraboles dans toute l'étendue où les comètes font visibles. Ainfi une feule apparition ne fuffit point pour déterminer l'orbite entière et prédire le retour d'une comète, qui n'a été vue qu'une fois. Halley difciple de Newton a calculé l'orbite de quelques comètes dont la période était à peu-près connue parce qu'elles avaient eté vues deux fois, et a effayé d'en déterminer le retour en ayant égard aux perturbations caufées par les planètes près defquelles paffent les comètes. Une de ces planètes devait reparaître en 1759, elle a reparu réellement à très-peu-près à l'époque où elle devait paraître d'après les calculs de fes perturbations faits par M. Clairault, fuivant une méthode beaucoup plus certaine que celle dont Halley avait pu fe fervir. On en attend une autre vers 1789. La période de la première comète eft d'environ foixante et et celle de la feconde d'environ cent trente.

feize ans

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