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droite qu'on le pouvait, à travers les obftacles presque infurmontables que les hauteurs des montagnes, les changemens de la réfraction dans l'air, et les altérations des inftrumens oppofaient fans ceffe à cette vaste et délicate entreprise; il avait donc, en 1701, mefuré fix degrés dix-huit minutes de cette méridienne. Mais de quelque endroit que vînt l'erreur, il avait trouvé les degrés vers Paris, c'eft-à-dire, vers le Nord, plus petits que ceux qui allaient aux Pyrénées vers le Midi; cette mesure démentait et celle de Norvood et la nouvelle théorie de la terre aplatie aux pôles. Cependant cette nouvelle théorie commençait à être tellement reçue, que le fecrétaire de l'académie n'héfita point dans fon hiftoire de 1701, à dire que les mesures nouvelles prises en France prouvaient que la terre eft un fphéroïde dont les pôles font aplatis. Les mesures de Dominique Caffini entraînaient, à la vérité, une conclufion toute contraire; mais comme la figure de la terre ne fefait pas encore en France une queftion, personne ne releva pour lors cette conclufion fauffe. Les degrés du méridien de Collioure à Paris passèrent pour exactement mefurés, et le pôle, qui par ces mesures devait néceffairement être alonge, paffa pour aplati.

Un ingénieur, nommé M. des Roubais, étonné de la conclufion, démontra que par les mesures prifes en France, la terre devait être un fphéroïde oblong, dont le méridien qui va d'un pôle à l'autre eft plus long que l'équateur, et dont les pôles font alongés. (b) Mais de tous les phyficiens à qui il adreffa fa differtation, aucun ne voulut la faire imprimer, parce qu'il femblait que l'académie eût prononcé, et qu'il paraissait (b) Son mémoire eft dans le Journal littéraire.

trop hardi à un particulier de réclamer. Quelque temps après, l'erreur de 1701 fut reconnue; on se dédit, et la terre fut alongée par une jufte conclufion tirée d'un faux principe. La méridienne fut continuée fur ce principe, de Paris à Dunkerque; on trouva toujours les degrés du méridien plus petits en allant vers le Nord. Environ ce temps-là, des mathématiciens qui fesaient les mêmes opérations à la Chine, furent étonnés de voir de la différence entre leurs degrés, qu'ils pensaient devoir être égaux, et de les trouver après plufieurs vérifications plus petits vers le Nord que vers le Midi. C'était encore une puiffante raison pour croire le sphéroïde oblong, que cet accord des mathématiciens de France et de ceux de la Chine. On fit plus encore en France, on mefura des parallèles à l'équateur. Il eft aifé de comprendre que fur un fphéroïde oblong, nos degrés de longitude doivent être plus petits que fur une fphère. M. de Caffini trouva le parallèle qui paffe par Saint-Malo plus court de mille trente-fept toises, qu'il n'aurait dû être dans l'hypothèse d'une terre fphérique. Ce degré était donc incomparablement plus court qu'il n'eût été fur un fphéroïde à pôles aplatis.

Toutes ces fauffes mefures prouvèrent qu'on avait trouvé les degrés comme on avait voulu les trouver : elles renversèrent pour un temps en France la démon[tration de Newton et d'Huyghens; et on ne douta pas que les pôles ne fuffent d'une figure toute oppofée à celle dont on les avait crus d'abord.

Enfin les nouveaux académiciens qui allèrent au cercle polaire en 1736, ayant vu par d'autres mesures que le degré était dans ces climats beaucoup plus long

qu'en France, on douta entre eux et meffieurs Caffini. Mais bientôt après on ne douta plus, car les mêmes aftronomes qui revenaient du pôle examinèrent encore ce degré mefuré, en 1677, par Picard, au nord de Paris; ils vérifièrent que ce degré eft de cent vingt- trois toifes plus long que Picard ne l'avait déterminé. Si donc Picard, avec fes précautions, avait fait fon degré de cent vingt-trois toifes trop court, il était trèsnaturel qu'on eût enfuite trouvé les degrés vers le Midi plus longs qu'ils ne devaient être. Ainfi la première erreur de Picard, qui fervait de fondement aux mefures de la méridienne, fervait auffi d'excufe aux erreurs prefque inévitables que de très bons aftronomes avaient pu commettre dans ce grand ouvrage. Les académiciens, revenus du pôle, avaient pour eux dans cette difpute la théorie et la pratique. L'une et l'autre furent confirmées par un aveu que fit, en 1740, à l'académie, le petit-fils de l'illuftre Caffini, héritier du mérite de fon père et de fon grand-père. Il venait d'achever la mesure d'un parallèle à l'équateur; il avoua qu'enfin cette mesure prise avec tout le foin qu'exigeait la difpute, donnait la terre aplatie. Cet aveu courageux doit terminer la querelle honorablement pour tous les partis. On voit par tant de mesures différentes combien il eft aifé de fe tromper. L'épaiffeur d'un cheveu fur notre planète répond dans le ciel à des millions de lieues. Newton était bien plus affuré de l'aplatiffement du pôle par fes démonftrations, qu'on ne peut l'être de la quantité de cet aplatiffement avec le fecours des meilleurs quarts de cercles.

Au refte, la différence de la fphère au fphéroïde ne donne point une circonférence plus grande ou plus

:

petite car un cercle changé en ovale n'augmente ni ne diminue de fuperficie. Quant à la différence d'un axe à l'autre, elle n'eft pas de fept lieues différence immense pour ceux qui prennent parti, mais infenfible pour ceux qui ne confidèrent les mefures du globe terreftre que par les ufages utiles qui en résultent. Il n'y a aucun géographe qui pût dans une carte faire apercevoir cette différence, ni aucun pilote qui pût jamais favoir s'il fait route fur un fphéroïde ou fur une fphère. Mais entre les mesures qui fefaient le fphéroïde oblong, et celles qui le fefaient aplati, la différence était d'environ cent lieues; et alors elle intéreffait la navigation. (25)

(25) Il eft bon de remarquer que fi l'observation et la théorie s'accordent à montrer que la terre est aplatie vers les pôles, l'on ne peut rien prononcer encore avec exactitude fur la quantité de fon aplatiffement, qu'il eft impoffible d'accorder même et les mesures des degrés entre elles, et les refultats des expériences fur les pendules, fans supposer à la terre une forme irrégulière. Ceux qui défireraient d'être éclairés fur cette grande queftion, doivent lire les différens mémoires que M. d'Alembert a donnés fur cet objet. On y verra que la queftion eft beaucoup plus compliquée que la plupart des géomètres ne l'avaient pensé; et on y trouvera en même temps et les principes néceffaires pour la réfoudre, et des remarques utiles pour éviter de fe laiffer entraîner à des conclufions incertaines et trop précipitées.

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DE LA PERIODE DE VINGT-CINQ MILLE
NEUF CENTS VINGT ANNÉES, CAUSÉE
PAR L'ATTRACTION.

Mal-entendu général dans le langage de l'aftronomie. Hiftoire de la découverte de cette période, peu favorable à la chronologie de Newton. Explication donnée par des Grecs. Recherches fur la caufe de cette période.

S.

I la figure de la terre eft un effet de la gravitation, de l'attraction, ce principe puiffant de la nature eft auffi la caufe de tous les mouvemens de la terre dans fa course annuelle. Elle a dans cette course un mouvement dont la période s'accomplit en près de vingt-fix mille ans; c'eft cette période qu'on appelle la préceffion des équinoxes; mais pour expliquer ce mouvement et sa cause, il faut reprendre les choses d'un peu plus loin.

Le langage vulgaire, en fait d'aftronomie, n'eft qu'une contre-vérité perpétuelle. On dit que les étoiles font leur révolution fur l'équateur, que le foleil chaque jour tourne avec elle autour de la terre d'Orient en Occident, que cependant les étoiles, par un autre mouvement oppofé au foleil, tournent lentement d'Occident en Orient; que les planètes font ftationnaires et rétrogrades. Rien de tout cela n'eft vrai; on fait que toutes ces apparences font caufées par le mouvement de la terre. Mais on s'exprime toujours comme fi la terre

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