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« futé victorieusement les calomnies dont madame de Maintenon avait « été poursuivie de son vivant et après sa mort. » (Page II de la préface.) Un jeune écrivain, dont la perte est venue prématurément affliger ses amis et les amis des lettres, disait, il y a cinq ans, dans un journal: «On se remet à estimer dans madame de Maintenon cette raison « agréable, cet enjouement discret, cette grâce solide, ce bon ton exquis, «< cet art voilé de naturel qu'on avait perdu de vue, car on ne la jugeait « plus que sur son impopularité 1. »

On s'y était remis plus tôt, et la réaction date de plus loin que ne paraît le croire M. Rigault. Plus de quarante années se sont déjà passées depuis que M. Monmerqué, qui connaissait si bien le xvII° siècle, a publié, dans la Biographie universelle, un article remarquable, où, sans prendre la peine de les réfuter, il a condamné, par le dédain qu'il en a fait, les calomniateurs de madame de Maintenon.

Ce n'est pas notre tâche de compter, de peser, encore moins de recueillir ici les divers témoignages favorables à madame de Maintenon qui, depuis assez longtemps déjà, se sont élevés pour défendre sa mémoire contre des accusations étudiées, des opinions irréfléchies et des antipathies d'emprunt. Il nous suffit de choisir une autorité digne de représenter les autres et capable d'ajouter à leur importance par sa propre valeur.

M. Saint-Marc Girardin écrivait, à propos de Saint-Cyr : « Il y avait << dans madame de Maintenon, en dépit du préjugé public à son égard, « un goût de perfection qui la menait naturellement à l'innovation et au « progrès. C'est une grande erreur de se la représenter comme un esprit «< ferme jusqu'à être étroit; méthodique jusqu'à être routinier; qui n'eut « jamais ni ardeur, ni enthousiasme, ni enjouement, et qui méprisait <«<et craignait toutes les nouveautés. Madame de Maintenon était un es«prit ardent, désireux du bien, croyant à l'empire de la raison; mais «< cette ardeur de zèle et ces élans vers le bien étaient réglés à la fois « par le bon sens, qui était le propre de son génie, et par la défiance « de soi-même qu'inspire le christianisme. » Et encore, au sujet de conseils donnés aux dames de Saint-Cyr : «Que deviennent, après ces con<«<seils de sagesse, les reproches de bigoterie que le préjugé fait à ma« dame de Maintenon? Personne n'a mieux su et n'a mieux dit ce que <«<l'esprit du monde doit emprunter à l'esprit de la religion, et ce que « l'esprit de la religion peut recevoir de l'esprit du monde. Elle veut que les femmes soient des chrétiennes, mais que ces chrétiennes soient

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« des épouses, des mères et des ménagères, qui remplissent scrupuleu<< sement tous les devoirs de leur état, sans mollesse et sans indolence, << sans petitesse et sans fausse pruderie 1. Car elle a également de ce « côté une liberté d'esprit et une fermeté de bon sens tout à fait admi«rables. >>

On comprend combien de si judicieuses appréciations, des jugements si dédaigneux de la routine, sont venus en aide à M. de Noailles, et avec quel empressement il les recueille. Il y a réuni les opinions favorables récemment publiées dans diverses feuilles quotidiennes ou périodiques par plusieurs écrivains, de sorte que le livre de M. de Noailles présente ici d'une manière assez complète l'état actuel de l'opinion sur cette question historique qui, maintenant, paraît définitivement jugée. Son jugement à lui est comme le résumé des opinions favorables qu'il a rassemblées, avec les aperçus nouveaux que ne pouvait manquer de lui fournir la longue étude qu'il a faite du caractère et de la vie tout entière de cette illustre personne.

Cependant l'historien n'a point placé dans un certain endroit de son livre un portrait complet et achevé de madame de Maintenon; il n'a point réuni dans un ensemble artistement composé les traits variés de ce caractère; il les disperse tout à travers son récit; et, selon que les événements la lui présentent, il la saisit sous ses aspects divers. Et quoique (nous l'avons remarqué) il nous semble s'être quelquefois arrêté à la physionomie extérieure du personnage, sans avoir assez essayé de pénétrer jusqu'à l'âme, il résulte néanmoins de cette lecture que ce livre nous fait connaître madame de Maintenon mieux qu'aucun des ouvrages qui lui ont encore été consacrés.

Mais l'œuvre de M. le duc de Noailles n'est point terminée; il lui reste à raconter vingt-deux années de la vie de madame de Maintenon

Il faut citer les paroles de madame de Maintenon; la citation pourra étonner ceux qui s'obstineraient dans leurs vieilles préventions. Elle écrivait à madame du Pérou, supérieure de Saint-Cyr : « On ne parle chez vous que de couvent, et Dieu n'y veut pas tout le monde... Exhortez les maîtresses des classes à instruire les demoiselles sur les obligations du mariage et sur la piété convenable aux gens du monde. » Et plus tard, à madame de La Mairie : « Quand une jeune fille instruite dira et pratiquera de perdre vêpres pour tenir compagnie à son mari malade, tout le monde l'approuvera. Quand elles auront pour principes qu'il faut honorer son père ou sa mère, quelque mauvais qu'ils soient, on ne se moquera point. Quand une fille dira qu'une femme fait mieux de bien élever ses enfants et d'instruire ses domestiques que de passer sa matinée à l'église, on s'accommodera très-bien de cette religion. Elle la fera aimer et respecter. Prêchez sincèrement, ma chère «fille, cette dévotion pratiquée selon l'état où Dieu nous a appelées. »

et cette dernière et triste période du règne de Louis XIV, où les désastres de la France et les malheurs privés du roi, qui étaient encore des malheurs publics, jetèrent sur la fin de ce grand règne un deuil et des douleurs dont on a demandé compte en partie à l'influence de la mystérieuse épouse du vieux roi.

Nous éviterons donc de donner encore sur l'ensemble du travail de M. le duc de Noailles une conclusion définitive. Disons cependant, dès aujourd'hui, que, si l'on aperçoit chez l'auteur quelque prévention favorable à madame de Maintenon, quoi de plus naturel en face de tant de préventions ennemies? Outre qu'un historien dont la famille devait tant de reconnaissance à cette femme célèbre eût pu craindre qu'une trop froide équité n'encourût quelque soupçon d'ingratitude, rien n'invite une âme généreuse à la bienveillance envers une personne outragée, comme l'excès de l'injustice et l'indignité de l'outrage.

M. AVENEL.

NOUVELLES LITTÉRAIRES.

INSTITUT IMPÉRIAL DE FRANCE.

ACADÉMIE DES SCIENCES.

Dans sa séance du 25 novembre, l'Académie des sciences a élu M. Sainte-Claire Deville à la place vacante dans la section de géologie, par le décès de M. Berthier. La même Académie a tenu, le 23 décembre, sa séance publique annuelle sous la présidence de M. Milne Edwards.

Les prix décernés et les sujets de prix proposés ont été proclamés dans l'ordre

suivant :

PRIX DÉCERNÉS.

SCIENCES MATHÉMATIQUES. Prix d'Astronomie. Trois médailles de la fondation Lalande ont été accordées à MM. Tempel, Luther et Goldschmidt, qui, dans l'année 1861, ont découvert chacun deux planètes.

Prix de statistique. Prix de 1861, décerné à M. Rigaut pour la partie statistique de son livre intitulé, Description et statistique agricole du canton de Wissembourg; prix réservé depuis 1857 à M. Block, pour sa Statistique de la France; mentions honorables à M. de Chastellux, pour son ouvrage intitulé, Territoire du département de la Moselle, histoire et statistique; et à M. de la Tremblais, auteur d'un mémoire sur la mortalité dans les départements de l'Indre et du Cher.

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Prix Trémont, Décerné à M. Niepce de Saint-Victor, pour ses travaux sur la photographie.

Prix Laplace. La collection des œuvres de Laplace a été remise à M. Genreau (Philippe), sorti le premier de l'École polytechnique en 1861 et entré le premier

à l'Ecole des mines.

SCIENCES PHYSIQUES. - Prix de physiologie expérimentale. Décerné à M. Hyrtl de Vienne, pour l'ensemble de ses recherches d'anatomie comparée, et à M. Kühne, de Berlin, pour ses expériences sur les muscles et les nerfs.

Prix de médecine et de chirurgie. Prix de 2,500 francs à MM. Ludger, Lallemand, Maurice Perrin et Duroy, auteurs d'un travail intitulé: Du rôle de l'alcool et des anesthésiques dans l'organisme. Mentions honorables: à MM. Haspel, Rouis, Dutrouleau et Huguier avec une somme de 1,500 francs pour chacun d'eux; à M. Roger, avec 1,200 francs; à M. Laboulbène, avec 1,000 francs.

Prix Jecker (6,000 francs). Décerné à M. Pasteur pour ses recherches de chimie sur l'acide tartrique, sur les fermentations et sur la non-existence des générations spontanées.

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PRIX PROPOSÉS.

SCIENCES MATHÉMATIQUES. « Perfectionner en quelque point important la théorie géométrique des polyèdres. » Le prix de 3,000 francs proposé pour cette question n'a pas été décerné. Le concours est prorogé à l'année 1863.

Trouver quel doit être l'état calorique d'un corps solide homogène indéfini « pour qu'un système de lignes isothermes, à un instant donné, restent isothermes après un temps quelconque, de telle sorte que la température d'un point puisse «s'exprimer en fonction du temps et de deux autres variables indépendantes. » Cette question est également remise au concours de 1863.

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Le terme de ces deux concours est fixé au 1 janvier 1863.
Prix Bordin. Question proposée en 1856 et remise à 1861

Déterminer par

■ l'expérience les causes capables d'influer sur les différences de position du foyer

optique et du foyer photogénique. Cette question est de nouveau remise au concours pour 1862. Les mémoires seront reçus jusqu'au 1" mai prochain. SCIENCES PHYSIQUES. L'Académie propose pour sujet du grand prix des sciences physiques à décerner en 1863 la question suivante :

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De la production des animaux hybrides au moyen de la fécondation artificielle. »

On sait que, chez les animaux supérieurs, où la fécondation s'opère dans l'inté

rieur du corps de la femelle, la reproduction ne peut avoir lieu que par le concours d'individus de la même espèce ou d'espèces très-voisines, qui appartiennent à un même genre naturel. Il serait intéressant de savoir si, chez les animaux dont les œufs sont fécondés après la ponte, des produits hybrides peuvent résulter du mélange d'animaux plus dissemblables entre eux. Il serait également important de constater s'il existe ou non quelque relation entre la viabilité des animaux anormaux ainsi obtenus et le degré d'hétérogénéité de leurs parents. En opérant sur des espèces dont les générations se succèdent rapidement, on pourrait aussi espérer obtenir des résultats intéressants au sujet de la fécondité des hybrides et du degré de fixité de leurs caractères zoologiques. »

Ce prix sera de 3,000 fr.

Les mémoires devront être déposés avant le 31 décembre 1862.

Prix Bordin. Question proposée en 1859 pour 1861:

« Étudier la distribution des vaisseaux du latex dans les divers organes des plantes, et particulièrement leurs rapports ou leurs connexions avec les vaisseaux lymphatiques ou spiraux, ainsi qu'avec les fibres du liber.»

Cette question est remise au concours pour 1863.

Question nouvelle proposée pour le prix Bordin de 1863:

« Déterminer, par des recherches anatomiques, s'il existe, dans la structure des « végétaux, des caractères propres aux grandes familles naturelles, et concordant « ainsi avec ceux déduits des organes de la reproduction.»

« Ces recherches pourraient être limitées à quelques familles, pourvu que, par la variété de leurs formes et de leur mode de végétation, elles pussent conduire à des conclusions qui s'appliqueraient avec beaucoup de probabilité à la plupart des groupes naturels. Les concurrents devront, dans leurs études originales, faire connaître avec précision, par des descriptions et des figures, la nature et la disposition des tissus des tiges qu'ils auront observées; ils pourront joindre des préparations microscopiques à l'appui de celles de leurs observations qui auraient le plus d'importance. Ils devront, en outre, comparer leurs observations avec celles déjà faites pour d'autres familles par d'autres auteurs, et examiner si ces dernières confirment ou infirment les résultats auxquels ils seront arrivés par leurs propres recherches. »

Les mémoires pour ces deux concours seront reçus jusqu'au 31 décembre 1862. Après la proclamation et l'annonce des prix, M. Flourens a lu un éloge historique de M. Tiedemann, associé étranger de l'Académie. Cette lecture a terminé la séance.

ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS.

Dans sa séance du 30 novembre, l'Académie des Beaux-Arts a élu M. Meissonnier à la place vacante, dans la section de peinture, par la mort de M. Abel de Pujol.

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