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présider. Or, dans la traduction du Tcheou-li faite par mon fils, livre XXVI, fol. 20, le texte mentionne également cette spécialité d'influences dont la répartition est attribuée à l'astrologue officiel, le Pao-tchang-ki. Sur cela, le commentateur Tching-khang-tching, contemporain de Tsai-yong, reconnaît que celte ancienne répartition est perdue, probablement par suite de la dissolution de l'organisation fédérale établie par les Tcheou, et il se borne à rapporter celle qui est admise de son temps. Or, dans le tableau qu'il en fait, les noms des douze signes écliptiques de Tcheou-kong, l'ordre dans lequel il les énumere, la désignation des royaumes auquel chacun d'eux préside, offrent une identité parfaite avec le texte attribué à Tsai-yong; d'où résulte une preuve nouvelle et irrécusable que ce texte a été originairement écrit sous les llan, et non pas fabriqué dans des temps postérieurs.

L'observation du solstice d'hiver, faite par Tcheou-kong, 1100 ans avant notre ère, a une si grande importance dans l'histoire de l'astronomie, que je n'ai pas jugé inutile de rassembler ici les preuves qui en constatent l'authenticité.

J. B. BIOT.

LE DUC ET COnnétable de Luynes.

(CINQUIÈME ARTICLE'.)

Richelieu retrace assez fidèlement les longues négociations de Luynes avec la reine mère pendant les six premiers mois de l'année 1620, déclarant d'ailleurs que, des deux parts, ces négociations étaient mensongères; que Luynes, en invitant la reine mère à revenir à la cour, craignait de l'y voir, et que Marie de Médicis, «en témoignant y vou«<loir aller, avoit une fin contraire 2. » Richelieu a bien raison en ce qui regarde les intentions de la reine, qu'il a connues mieux que personne, et que le lecteur connaît bien aussi maintenant; il a raison encore quand il dit que Luynes craignait que la reine ne revînt pour mieux travailler à le perdre; mais il se trompe, il affirme ce qu'il ne pouvait savoir, il obéit à sa passion contre Luynes, lorsqu'il prétend que celui-ci n'était pas sincère dans les efforts qu'il fit paraître pour ramener la reine auprès de son fils. L'intérêt suffit bien à répondre ici de la sincérité de Luynes. Il voyait clairement qu'il fallait arracher Marie de Médicis aux

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Voyez, pour les quatre premiers articles, les cahiers de mai, juin, juillet et septembre. * Mémoires, t. II, p. 58.

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mauvais conseils qui l'environnaient à Angers, et en finir avec cette royauté des bords de la Loire, qui faisait échec à celle du Louvre, et qui avait ses ministres, ses généraux, ses troupes, ses alliances intérieures et extérieures. Aussi longtemps qu'il y aurait en France un second gouvernement, rival de celui du roi, ni l'autorité royale ni le pouvoir de Luynes n'étaient assurés; tandis qu'une fois séparée de son entourage et vivant dans la grande lumière de la cour, la reine ne pouvait plus guère former de trames bien redoutables. Dans le conseil, son influence rencontrerait le contre-poids de celle de Condé, qu'elle balancerait aussi, et Luynes ne jugeait pas trop difficile, avec son habileté éprouvée en ce genre et l'appui fidèle de Louis XIII, de maintenir sa prépondérance entre ces deux puissances contraires, d'autant mieux qu'il ne se proposait de rien faire qui pût nuire ou déplaire ni à l'une ni à l'autre. C'est ainsi qu'il pensait dans les premiers jours de 16201, et cette solide politique surmonta toujours en lui les appréhensions les mieux fondées. Au fond, il n'avait à choisir qu'entre deux partis, ou attaquer Marie de Médicis à force ouverte, comme le voulait Condé, ou tâcher de la gagner. Le premier parti était plein de dangers dans l'état de la France, les grands et les protestants étant tout prêts à se joindre à la reine, et Louis XIII, sans aimer beaucoup sa mère, étant encore bien loin de ces résolutions désespérées où le poussèrent plus tard l'expérience et la nécessité. Restait donc le second parti: Luynes l'embrassa avec la plus entière bonne foi; il fit tout au monde pour contenter la reine, bien entendu en prenant ses sûretés; il lui offrit tout ce qu'elle pouvait raisonnablement souhaiter d'argent, d'influence, de juste autorité. Un jour Richelieu connaîtra cette situation de Luynes; un jour, lui aussi, il suppliera Marie de Médicis de lui rendre sa bienveillance; il la lui demandera à genoux et avec larmes; il ne l'obtiendra pas d'une Italienne aussi implacable dans ses haines qu'aveugle dans ses affections. Richelieu était sincère au Luxembourg, en 1630, la veille de la Journée des Dupes, dans les promesses de respect et de soumission qu'il prodiguait à la reine mère en présence du roi, qui se portait son garant. Luynes l'était également en mai et en juin 1620, lorsqu'il envoyait ambassade sur ambassade à l'orgueilleuse Marie, pour l'assurer qu'elle aurait en lui le plus fidèle serviteur, lorsqu'il lui faisait écrire par roi une lettre où Louis XIII s'engageait à chasser et à punir son favori,

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Voyez notre deuxième article, juin, p. 359. Citons de nouveau ce témoignage de Bentivoglio, dépêche du 2 janvier 1620: La verità è che Louines vuol star bene con la regina e col prencipe, e regnar meglio in questa maniera. »

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si jamais il manquait à la déférence et à l'obéissance qu'il lui devait1. Toutes ces avances ne purent vaincre les ombrages opiniâtres de la reine mère, qui les prenait pour des faux semblants et des artifices derrière lesquels se cachait l'intention de faire d'elle un spectacle et un triomphe, comme elle le répétait sans cesse, de l'humilier aux yeux de la France et de l'Europe, et, si elle remuait, de la mettre à Vincennes ou de la renvoyer à Florence. C'était là sa pensée constante, qui la portait à chercher son salut dans les armes. Ou bien, les propositions qu'on lui faisait étaient-elles si fortes qu'il était difficile d'y voir un piége, elle y voyait des effets de la peur et de la faiblesse aux abois, et elle s'affermissait d'autant plus dans la résolution de pousser à bout et de précipiter Luynes.

Sans entrer dans le détail de ces tristes négociations, bornons-nous à rappeler deux demandes de la reine mère qui donnent à toutes les autres leur vrai caractère, et permettent de juger si, malgré toute sa bonne volonté, Luynes pouvait accepter de telles conditions sans se perdre lui-même et sans compromettre et déshonorer la royauté.

Après avoir épuisé toutes les ambassades qu'il avait estimées les plus capables de persuader Marie de Médicis, Luynes avait cru faire merveille de prendre pour caution le roi lui-même, ainsi que nous venons de le dire. La reine déclina cette caution et en demanda une autre : à la place de son fils et de son roi, elle alla chercher un prince étranger, son gendre, Victor-Amédée, qui s'empressa d'envoyer à Paris le comte de Verrue pour adresser à Luynes les représentations les plus vives 2. Que devenait la puissance royale devant une pareille intervention? et quel loyal intermédiaire que ce prince de Savoie, dont nous avons fait connaître et dont Luynes connaissait aussi les menées ténébreuses et les perfides desseins! Une telle ingérence devait être et fut hautement repoussée.

La reine alors changea de visée et invoqua une garantie toute différente et bien inattendue, la garantie des parlements du royaume, qui

Nous avons encore ici le témoignage décisif de Bentivoglio, dépêche du 20 mai: «Luines mostra ogni di più d'aver voglia di accomodar le cose della regina madre.» Dépêche du 3 juin : « Luines medesimo fa quanto può per contentarla, e gli ha «fatto scrivere per maggior sicurezza una lettera dal rè nella quale S. M. promette «< che quando da Luines non le fosse portato quel rispetto che si deve, o che in altra

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« maniera l'offendesse, il re medesimo se lo leverebbe d'appresso, e farebbe il ri« sentimento che bisognasse contrò di lui. » - Richelieu, Mémoires, t. II, p. 59. Voyez notre second article, juin, p. 347, et le quatrième, septembre, p. 327

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et 328.

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s'établiraient entre le fils et la mère et se porteraient juges de leur traité et de son exécution. C'était à peu près, dans les maximes et les mœurs du temps, demander à Louis XIII sa démission, et transporter dans les parlements, avec le gouvernement de l'État, celui de la maison royale, qui appartenait au roi plus absolument encore que tout le reste. Et c'est Richelieu qui entreprend de justifier cette demande! Il le fait à l'aide d'une distinction: «La reine, dit-il1, ne prétendoit pas que les parle<< mens agissent, en cette occasion, par le droit de leurs charges, qui ne << s'étend pas jusque-là, mais par commandement et par commission «particulière du roi. » Pour lui, dans tout le cours de son second ministère, qui a duré près de vingt années, il ne s'avisera pas de donner une seule fois aux parlements une commission semblable, et ce n'est ici de sa part qu'un essai de fronderie qui ne tirera point à conséquence, imaginé pour la circonstance et destiné à mourir avec elle. Pas plus que les importants de 1643 et les frondeurs de 16482, Marie de Médicis et Richelieu ne songeaient, en 1620, à fonder en France, même par voie de commission royale, l'autorité politique des parlements; ils ne pensaient qu'à tourner contre Luynes l'instrument qui était sous leur main, comme, plus tard, madame de Longueville, La Rochefoucauld et Retz le tourneront contre Mazarin. La reine mère et son habile conseiller savaient que le parlement de Paris avait vu avec un déplaisir extrême les derniers édits financiers, et qu'il était assez mal disposé envers Luynes. Ils s'appliquaient donc pour le moment à caresser et à attiser sa mauvaise humeur; ils tâchaient même de séduire à leur cause ses principaux membres et jusqu'à son intègre et austère procureur général 3; ils voulaient, en un mot, se faire un point d'appui du parlement pour renverser celui qui leur faisait obstacle, sauf ensuite à mettre bien vite de côté le parlement lui-même et à le renvoyer à ses fonctions judiciaires.

Enfin le père de Bérulle, un saint homme qui n'était pas sans finesse, et qui était alors dans le plus intime des conseils de Marie de Médicis, et s'entendait parfaitement avec les Marillac, le père Joseph et Richelieu, s'ouvrit un jour au nonce apostolique et au cardinal de Retz, et

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‚1 Richelieu, Mémoires, t. II, p. 55.- ' Voyez Madame de Longueville pendant la Fronde, ch. iv. On trouve dans les Mémoires de Mathieu Molé, t. I, p. 236, une lettre de Marie de Médicis, du 12 mai 1620, où elle le flatte pour se le rendre favorable. * Henri de Gondi, le premier cardinal de Retz et évêque de Paris, était fils d'Albert de Gondi, duc et maréchal de Retz, frère de Philippe-Emmanuel de Gondi, général des galères, et, par conséquent, oncle de Henri de Gondi, duc de Retz et de Beaupréau, qui va jouer un certain rôle dans cette histoire, et du fameux Paul de Gondi, le futur coadjuteur et second cardinal de Retz. Henri de Gondi

leur avoua qu'il ne connaissait plus qu'un seul moyen de désarmer les défiances de la reine mère; et ce moyen, qu'il leur proposa comme de lui-même, était de remettre à la reine en otage son second fils, le duc d'Anjou, qui resterait à Angers au milieu des troupes et des principaux serviteurs de sa mère, tandis qu'elle-même s'avancerait vers la cour. Le dessein de s'appuyer sur le duc d'Anjou n'était pas nouveau en Marie de Médicis; on lui avait même imputé la pensée de faire passer la couronne sur sa tête 1. Le lui donner, comme le proposait Bérulle, c'était assurément satisfaire la reine, mais c'était courir soi-même au-devant de la guerre civile et créer à Louis XIII un rival, qui déjà se montrait tel qu'il fut toujours, disposé à entrer dans toutes les entreprises qui seraient dirigées contre son frère, plein d'artifices à l'âge de douze ans, s'entendant sous main avec sa mère, et détestant Luynes et Condé comme plus tard il détestera Richelieu et Mazarin 2.

Dans les premiers jours de juillet toute espérance d'accommodement avait disparu. Des bruits de guerre circulaient partout. Sur plusieurs points du royaume il se faisait des levées de soldats sans la permission du roi, et les conspirateurs se préparaient à jeter le masque. L'exemple donné, à la fin de mars, par le duc de Mayenne avait été bientôt suivi. Presque en même temps que lui, Henri de Gondi, duc de Retz et de Beaupréau, le petit-fils du maréchal, le propre neveu du cardinal, qui était alors dans les conseils de la couronne, obéissant à son humeur inquiète et à son perpétuel mécontentement, s'était retiré en son gouvernement de Belle-Isle, en Bretagne, où il n'avait pas tardé à se ranger presque ouvertement dans le parti de la reine. Le duc de

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était membre du Conseil avec le grand aumônier cardinal de La Rochefoucauld, et mourut à Béziers en 1622, pendant la campagne contre les protestants. Voyez le premier article, mai, p. 267 et la note. Bentivoglio, dépêche du 9 juillet: Il padre Berul ha detto al cardinale di Retz et a me, e ne abbiamo poi tutti trattato insieme, che si potrebbe pensare ad un altro espediente, e sarebbe che per intiera « sicurezza della regina si mettesse in Angiers la persona del duca di Angiù, fratello « del rè, come in deposito, e nelle forze della regina, mentre che S. M. si fermasse in corte. Ma questo espediente è pericoloso, perche si può temere che fra poco il detto duca non formasse un nuovo partito forse peggior di questo... In « tanto si penetra che la regina stia attenta per tirare il medesimo duca appresso di « se per tutte le vie che potranno esser possibili, e s'intende che egli sia disposto a « ciò, e che per ora dissimuli aspettando l'occasione, e lo sa fare con sommo artificio, ancorche non passi ancora i dodici anni.»-3 Bentivoglio, dépêche du 20 mai: «Si intende che in molte parti del regno si faccia levata di gente. . . » — Ambassadeur vénitien, dépêche du 31 mars; Bentivoglio, dépêche du 10 juillet: « Il duca di Retz per suoi particulari disgusti da molto tempo in quà è fuori di corte, e si tiene per certo che egli sia del partito della regina madre. »

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