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tulé: Li-ki, ou livre des rites. Cet ouvrage fut un de ceux dont l'empereur Thsin-chi-hoang-ti poursuivit la destruction avec le plus d'acharnement, de sorte qu'après lui on ne put en recouvrer un exemplaire entier1. Il fallut donc se borner à rassembler les fragments qui restaient, à les mettre en ordre, et à recomposer les portions perdues en s'aidant des traditions qui s'étaient conservées. Le recueil actuel, de l'aveu même des Chinois, quoique fort respecté, n'a donc pas, à leurs yeux, l'autorité du texte original, en quoi ils font preuve de bonne foi1. Mais, de toutes les parties qui le composent, celle qui nous intéresse en ce moment doit être une des moins suspectes, puisqu'elle renferme seulement la description de cérémonies officielles que l'on célébrait de tout temps dans le cours de chaque année civile, et qui ont continué d'être en usage jusque sous les empereurs mandchous, comme je le prouverai plus loin. En outre, les principaux actes que l'on y mentionne comme devant être accomplis par l'empereur, entouré des grands dignitaires de sa cour, sont formellement prescrits dans les articles du Tcheou-li pour les mêmes époques de l'année; et, quant à ce qui concerne la célébration des équinoxes et des solstices, la description du cérémonial donnée par le Li-ki est littéralement la même que donne Liu-pou-wei dans le recueil intitulé, Lia-chi-tch'un-t'sieou, qu'il composa sous l'empereur Thsin-chi-hoang-ti, dont il était ministre, recueil qui a échappé à la proscription2. M'autorisant donc de toutes ces concordances, je vais rapporter ici la traduction du texte du Li-ki, que je dois à l'obligeance de M. Stanislas Julien, ainsi que la figure explicative dont elle est accompagnée. Quand nous aurons étudié les indications contenues dans ce document, nous retrouverons les traces des mêmes rites, constamment pratiqués depuis la plus haute antiquité jusqu'à nos jours.

Pour comprendre le texte qui va suivre, il faut jeter les yeux sur la figure ci-jointe, qui en offre la réalisation pratique. Elle représente un grand édifice carré appelé Ming-thang, ou palais de la lumière, dont les

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Gaubil, Chron. part. II, p. 87.-. Voyez, sur ce personnage, la note insérée dans le deuxième article, page 337. En étudiant la portion de son ouvrage relative au calendrier chinois, que M. Stanislas Julien a eu la bonté de me traduire, j'ai reconnu que la description qu'il donne des cérémonies officielles, attachées aux diverses phases de l'année chinoise, est absolument identique à celle du Li-ki, que je reproduis plus loin dans son entier. Quant aux données proprement astronomiques, on les trouve rassemblées dans un tableau que Gaubil a inscrit à la page 230 de l'histoire de l'astronomie chinoise. D'après cela, il ne m'a plus semblé nécessaire de reproduire le texte même de Liu-pou-wei, comme je me l'étais proposé d'abord,

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parois font respectivement face aux quatre points cardinaux de l'horizon. L'intérieur est partagé en neuf salles semblables, par des subdivisions parallèles à ces mêmes parois. Il faut se rappeler que l'année civile chinoise contient douze lunes ordinaires, les unes de vingt-neuf, les autres de trente jours, que l'on complète au besoin par l'insertion d'une treizième, appelée intercalaire, pour empêcher que la série des douze ne s'écarte indéfiniment de l'année solaire. Ceci bien entendu, chacune des salles latérales du Ming-thang devient le séjour officiel de l'empereur pendant une des lunes ordinaires de l'année, en commençant par l'angle nord-est A et continuant dans l'ordre ABCD, suivant le sens du mouvement diurne du ciel. A chaque saison, composée de trois lunes, l'empereur est censé regarder la partie du ciel à laquelle font face les trois salles consacrées à cette saison-là; et ces salles ellesmêmes se distinguent en pièces du milieu, de droite, ou de gauche, suivant qu'elles se trouvent placées relativement à la personne impériale, supposée dans la position présente. Ceci exige nécessairement que les quatre salles placées aux angles de l'édifice aient chacune deux emplois, comme nous leur donnons aussi un nom composé des deux plages cardinales qu'elles séparent: par exemple, la salle nord-est, placée à l'angle A, sert pour la première lune de printemps, où l'empereur fait face à l'est, et pour la troisième de l'hiver, où il fait face au nord, la salle placée à l'angle B sert pour la troisième lune du printemps, où l'empereur fait face à l'est, et pour la première de l'été, où il fait face au midi; ainsi des deux autres. Dans cet arrangement, quand il survient une lune intercalaire, il est évident qu'il n'y a pas de salle pour elle. Mais, de même qu'elle est intermédiaire entre deux lunes ordinaires, qui ont chacune leur salle contiguë l'une à l'autre, de même l'empereur est censé résider, pendant cette lune-là, dans la porte de communication de ces deux salles entre elles; et le Ta-sse, le grand annaliste, est chargé de lui indiquer officiellement qu'il doit alors occuper cette place intermédiaire1. L'accomplissement de cet acte significatif est retracé figurativement dans la langue écrite. La lune intercalaire se dit en chinois jun et s'écrit, caractère qui se compose

1 Tcheou-li, liv. XXVI, f° 6. Cet officier préside à la confection du calendrier impérial; il est le conservateur en titre de tous les actes écrits relatifs à l'administration de l'empire; il prépare et surveille l'accomplissement de toutes les grandes cérémonies (kiv. XXVI, f 1-16). Les sinologues français traduisent généralement son titre Ta-sse par grand historien; mais mon fils, dans sa traduction du Tcheou-li, a cru devoir plutôt l'appeler le grand unnaliste, à cause de la nature multiple de ses attributions.

de deux éléments. L'extérieur figure les deux battants d'une porte ouverte; l'intérieur désigne, en général, le souverain, et nominalement Wou-wang, le premier empereur de la dynastie des Tcheou. Le sens de l'ensemble est donc : «l'empereur Wou-wang entre les deux <«< battants d'une porte ouverte; » ce qui rend présumable que le rite dont il s'agit remonte à ce prince; et, par l'association d'idées qui s'y rattache, on ne pouvait donner une image plus sensible du précepte: La lune intercalaire n'a pas de Tchong-ki.

Une partie des cérémonies qui vont être tout à l'heure décrites s'accomplissait hors de l'enceinte du palais impérial, dans des emplacements spéciaux, situés sur les portions du territoire extérieur, voisines de la capitale, et que l'on appelait Sse-kiao, ce qui rappelle assez bien l'idée de notre mot banlieue1. On reconnaissait ainsi quatre banlieues, que l'on désignait individuellement par la plage cardinale de l'horizon vers laquelle chacune s'étendait, et les cérémonies relatives à chaque saison s'accomplissaient dans celle des quatre qui portait la dénomination correspondante. L'empereur et toute sa cour quittaient la résidence impériale pour aller les y célébrer. La raison de cet usage se découvre dans les termes mêmes par lesquels le texte du Li-ki l'énonce. Suivant les idées superstitieuses des Chinois, les quatre saisons de l'année étaient présidées par autant de génies qui les amenaient tour à tour des points de l'horizon particulièrement affectés à chacun d'eux. Le printemps venait ainsi de l'orient, l'été du midi, l'automne de l'occident, l'hiver du nord; et, chaque fois, l'empereur, sortant de sa résidence, allait audevant du génie qui les conduisait, pour le saluer à son arrivée. Ces mêmes idées nous expliquent pourquoi, dans le système du calendrier chinois, les époques des équinoxes et des solstices sont mises idéalement en rapport avec les quatre points cardinaux de l'horizon, comme le représente la figure annexée à l'article précédent, p. 470, ce qui complète l'interprétation que j'avais promis d'en donner.

C'était dans la portion extérieure du domaine impérial, confinant à la banlieue orientale, que se trouvait le champ sacré, dont, au printemps, l'empereur ouvrait, en personne, les trois premiers sillons, et qui, cultivé sous la direction d'un officier spécial, appelé Thien-sse, fournissait

1 Tcheou-li, liv. II, fol. 28 et 29. Chacune des quatre banlieues (Sse-kiao) s'étendait jusqu'à une distance de 100 li, ou environ 10 lieues autour de la capitale, le li, suivant l'évaluation des jésuites, contenant de lieue de 20 au degré. Ces territoires étaient assujettis à des taxes fixes, et perçues par le Ta-tsai, ou grand administrateur général, au profit de l'empereur.

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